Prédications Protestantes dans les Alpes du sud
DIMANCHE 19 janvier 2014
Semaine de l’Unité * Culte à Trescléoux (05700)

Lectures du Jour :
Esaïe 49, 3-6
1 Corinthiens 1,1-17
Jean 1,29-34
Semaine de l’Unité
Frères et Sœurs,
Ce dimanche, je vous propose une méditation particulière, qui sera en résonance avec la semaine de prière pour l’unité des chrétiens qui s’est ouverte hier, et qui a été préparée par les Canadiens du mouvement « Unité chrétienne », à partir de cette question provocatrice de Paul dans la première lettre aux Corinthiens : « Le Christ est-il divisé ? »
Spontanément, nous répondons : “non”, bien sûr ! Cependant nos communautés ecclésiales, même si elles ont dépassé le stade des guerres de religion continuent de montrer un paysage tellement éparpillé que leur message devient inaudible dans nos sociétés actuelles.
C’est devant ce constat que Paul nous appelle à être « unis dans un même esprit et une même pensée », nous rappelant les deux éléments centraux qui scellent l’unité des chrétiens, au-delà de toutes leurs divisions, de toutes les modalités d’expression de leur foi : le baptême et la Croix. Notre unité est en Christ et le salut vient de Lui, de Lui seul. Nous maintenir dans cet état de division, c’est d’une certaine façon casser cette croix du Christ en petits morceaux, « nous réduisons à néant la Croix du Christ » !
Alors Paul pose cette question aux Corinthiens : « Le Christ est-il divisé ? » (v.13)
Le message du Christ semble clair et tient en 2 mots : unité et réconciliation
* L’unité du père et du fils rappelée dans la prière sacerdotale, à laquelle fait écho l’unité de tous ceux « qui croiront en Lui » : « Je ne prie pas pour eux seulement, mais encore pour ceux qui croiront en moi à travers leur parole, afin que tous soient un comme toi, Père, tu es en moi et comme je suis en toi, afin qu'eux aussi soient un en nous pour que le monde croie que tu m'as envoyé. » (Jean 17/21)
Mais aussi, cette unité est élargie par Christ à toute l’humanité :
« Quand je serai élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes » (Jn 12,32).
Inlassablement, le Christ ouvre les bras jusqu’aux extrémités du monde pour accueillir et réunir tout le genre humain. Unité de l’Église et unité de l’humanité sont inséparables.
* Réconciliation avec le Père, par Christ : La division des chrétiens est en contradiction avec le dessein divin de nous rassembler dans le Christ, la Croix étant le don offert à tous, de la grâce et de la paix, ce que rappelle notre lecture d’Ésaïe : « Je t'établis pour être la lumière des nations, Pour porter mon salut jusqu'aux extrémités de la terre. » (Es. 49/6)
Dans notre texte, Paul développe trois « facteurs d’unité » qui peuvent interpeller nos réflexions de chrétiens du 21° siècle, appelés à vivre et à travailler ensemble dans les Églises et la société d’aujourd’hui.
1. L’Eglise de Dieu : l’Eglise des « Saints »
Dans les premiers versets (1,1-3), Paul s’adresse à une communauté qu’il qualifie d’« Église de Dieu », pas seulement à une église locale mais à un membre, une petite fraction, de l’Église Universelle, là où sont les Corinthiens, là où nous sommes, ici et maintenant. En avons-nous toujours conscience ?
Que nous le voulions ou non, nous sommes L’Eglise de Dieu, l’Assemblée du Seigneur, Une, dans toutes ses diversités que nous devons prendre comme un patrimoine commun au contact duquel les uns et les autres peuvent s’enrichir, car Paul nous le rappelle : nous constituons un peuple d’ « appelés » : « appelés à être saints », non pas de façon isolée et individuelle, se chamaillant comme les fils de Zébédée pour savoir qui est le plus grand, le meilleur, mais en fraternité « avec tous ceux qui invoquent en tout lieu le nom de notre Seigneur Jésus Christ, leur Seigneur et le nôtre », (v.2), que d’autres traduisent également ainsi : « dans leur pays comme chez nous».
Donc, Paul nous rappelle, dans ses paroles de salutation, que nous sommes « sanctifiés ». Les saints ne sont pas des gens parfaits, comme l’entend le sens commun, mais ce sont des gens « à part », mis à part par Jésus lui-même dans la prière sacerdotale : « Ils ne sont pas du monde, comme moi je ne suis pas du monde, mais comme tu m'as envoyé dans le monde, je les ai aussi envoyés dans le monde. Je ne te prie pas de les ôter du monde, mais de les préserver du mal.» (Jean 17/16-18)
Voilà un autre facteur d’unité : « Nous n’avons pas les mêmes valeurs ». Nous pouvons nous approprier ce slogan, qui exprime bien l’opposition radicale entre l’évangile de Jésus-Christ et les fonctionnements « raisonnables » des sociétés humaines : Un roi, un Sauveur qui meurt sur la croix, qui invite à se donner plutôt qu’à prendre, à pardonner plutôt qu’à défendre ses droits, qui invite à aimer ses ennemis, etc.… cela défie tous les bons sens, toutes les « valeurs » proclamées ou défendues dans les sociétés et les organisations humaines, y compris parfois dans nos propres institutions. Et « nos valeurs », sont communes à tous les chrétiens, on le constate aujourd’hui dans les grands débats de société.
3. la Croix
Si Paul avait su que les querelles des Corinthiens n’étaient que le début des déchirements de l’Eglise du Christ, il ne se serait probablement pas contenté de les « exhorter à tenir tous un même langage » (v.10) ! Et si nous étions capables de l’entendre nous renvoyer à l’abaissement de Dieu sur la croix pour renoncer, non à nos convictions, mais à nos prétentions d’en savoir plus que les autres sur la volonté et les chemins de Dieu… Si nous étions capables de reconnaître que Dieu a anéanti nos sagesses, nos raisonnements, nos certitudes … les conflits à l’intérieur de nos paroisses comme ceux qui séparent les confessions prendraient une autre tournure et trouveraient leur apaisement. Et la manière de vivre concrète des chrétiens, donnerait une autre force à notre témoignage.
Mais parler de la croix, c’est-à-dire de la crucifixion et de la résurrection du Christ comme référence unique et commune à tous les chrétiens, c’est évoquer en filigrane le sacrement qui fait mémoire de cet évènement : la cène, ou l’eucharistie, et aborder la question douloureuse de ce que l’on appelle « l’hospitalité eucharistique ».
Question douloureuse car non résolue, à la différence du baptême, où il est clair pour tous qu’il n’y a pas un baptême catholique, protestant ou orthodoxe, mais un baptême/engagement unique, au nom du Christ seul.
Pour l’eucharistie, on doit constater une distorsion croissante entre les communautés de base et les institutions, représentées par leurs hiérarchies et instances respectives, qui produisent des textes, où apparaissent des expressions comme "foi sans ambiguïté", "présence réelle", « dimension sacrificielle », ne favorisant pas la convergence.
A contrario, les églises locales qui travaillent et prient ensemble, pour leur part modeste, en vue de réparer cette déchirure, peuvent voir dans le partage de l'eucharistie lors de temps forts de leur recherche commune, le signe et la promesse de cette communion ecclésiale plus complète à laquelle ils aspirent.
Il faut alors intégrer l’idée que cette "communion eucharistique » n’empêche pas et respecte la diversité des confessions, des liturgies, des traditions, mais elle peut aussi être vue comme un premier pas vers une future « communion ecclésiale" que nous ne verrons probablement pas mais dont nous devons considérer qu’elle est en marche.
5 siècles pour réaliser la communion Luthéro-Réformée, c’est dire que nous sommes nous-mêmes invités à une réforme permanente et à un approfondissement de notre foi, invités à rechercher le sens profond de la sainte Cène telle que le Christ l'a instituée pour que son Eglise la célèbre au travers des siècles.
Conclusion : La Prière
Paul nous rappelle que les baptisés défigurent, par leurs scissions, le message de réconciliation de l’Évangile : « Il est fidèle, le Dieu qui vous a appelés à la communion avec son fils Jésus Christ, notre Seigneur ». (v. 9)
Que percevons-nous ? Voyons-nous l’unité visible de l’Église continuer à se démolir aujourd’hui ou au contraire peu à peu se reconstruire dans le mouvement œcuménique ? La réponse est entre nos mains et dans la force de nos prières, non seulement ce Notre Père, prière commune depuis Vatican II, mais dans nos prières d’intercessions, nos prières pour les uns et les autres, pour que les uns et les autres, dans nos communautés respectives recherchions une commune fidélité à Notre unique Seigneur. Voilà le sens de cette semaine qui s’ouvre devant nous.
Amen !
François PUJOL