Prédications Protestantes dans les Alpes du sud

Lectures du Jour :
Jean 20, 19-31
Actes 4, 32-35
1 Cor 11, 20-34
I Jean 5, 1-6
Faut-il être digne pour prendre la cène ?
Faut-il être un bon chrétien ?!!!
Ce passage de Paul aux Corinthiens a, durant des décennies, laissé sur leurs bancs tous ceux qui se sentaient indignes de la cène…Il semblait qu’il fallait être irréprochables pour s’approcher dignement du repas du Seigneur : « Que chacun s’examine soi-même » était apparemment un véritable appel à l’introspection pour y débusquer le moindre péché. Celui donc qui restait sur son banc était soupçonné des pires horreurs ; en tous cas, c’était certain, il avait des choses à se reprocher. Les mots d’ailleurs sont durs : « coupable ; jugement ; indignement »…
Un jour, à table avec des péagers et des pécheurs, Jésus entend cette question : « Pourquoi mange-t-il avec les péagers et les pécheurs ? » ; Il leur répond : « Ce ne sont pas les bien-portants qui ont besoin de médecin, mais les malades. Je ne suis pas venu appeler des justes, mais des pécheurs ».
Alors, cette cène, elle est pour les justes ou pour les pécheurs ?
D’abord, cette cène, quelle est-elle ?
Le repas de la Pâque juive lors de la sortie d'Egypte est le fondement même de la St Cène.
Pour comprendre cela, il faut revenir au jeudi saint, à la veille du jour où Jésus sera mis en croix. Ce jeudi soir, Jésus et ses disciples, comme tous les juifs, célébraient la Pâque juive.
Tout d’abord Jésus transforme la Pâque juive par rapport au pain :
Le père de famille disait la phrase suivante : "Ceci est le pain des pauvres, la Matzot, que vos pères ont mangé en sortant d'Egypte". Jésus remplace cette phrase par : "Ceci est mon corps qui est donné pour vous."
Fini le pain de l’amertume d'Egypte ; il est remplacé par le pain de vie, le corps de Jésus.
Ensuite Jésus transforme la Pâque juive par rapport à la coupe :
Jésus, au moment du passage de la coupe, remplace les prières de bénédictions de la Pâque Juive par cette affirmation stupéfiante : "Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang... en vue de la rémission des péchés".
En disant cela, il atteste que c’est lui l’agneau immolé pour nos péchés. Et le sang mis sur les montants des portes en Egypte, est remplacé par son sang qui coulera sur la croix le lendemain, jour de Vendredi Saint.
Mettez-vous dans la peau des disciples !
Ils ont eu des grosses raisons d’être surpris. Le rituel de la Pâque, vieux de 1500 ans est totalement bouleversé. Ils étaient sensés faire la Pâque traditionnelle telle qu’ils l’avaient certainement déjà faite de nombreuses fois. Or Jésus la bouleverse complètement. Cela a dû choquer, stupéfier les disciples. Ils auraient pu dire à Jésus : « ah, mais ce n’est pas dans nos habitudes ; ça ne va pas du tout ces changements ! ».
Voilà pourtant bien les raisons pour lesquelles les chrétiens ne fêtent pas la sortie d’Egypte… mais fêtent la sortie du tombeau, car Jésus a accompli la délivrance d’Egypte pour nous… la délivrance non pas du pharaon, mais du péché.
Si nous ne fêtons plus la sortie d’Egypte, cela ne veut pas dire qu’il faut ignorer nos racines !
Au contraire, il est capital et passionnant de les connaître. Et il est nécessaire de savoir, de reconnaître que nos racines spirituelles sont juives et que notre Seigneur Jésus était juif ! Tout comme il est essentiel de vivre avec son temps comme Jésus l’a fait.
Le contexte du texte adressé aux Corinthiens montre bien une pratique différente de la nôtre : dans les premiers temps de l’Eglise, la cène avait lieu au milieu d’agapes, c’est-à-dire au milieu d’un repas comme notre communauté le fait le 1er dimanche de chaque mois.
Et dans ces repas-là, il semble que des personnes en profitaient pour boire plus que de raison, ou ne pas partager la nourriture.
Ces beuveries et ce manque d’altruisme étaient non seulement contraire à l’idée-même de la cène, mais encore étaient un contre-témoignage.
Prendre la cène pour avoir un petit coup de vin en plus, c’est loin d’être le sens que Jésus a voulu donner à la cène.
Il est donc d’abord important de s’ôter cette idée de la tête qu’il faudrait être digne pour aller à la table du Seigneur. Luther parlait des sacrements comme « d’une béquille pour la foi ». Qui dit béquille dit que l’on boîte ; dit que l’on a besoin d’un soutien ; dit qu’on n’arrivera pas à avancer tout seul, sans aide.
Voilà alors le sens de la cène : dans des éléments de base comme le vin et le pain, des éléments bien simples à trouver notamment dans un pays de vigne et de blé comme la Palestine ; dans un moment aussi régulier que celui d’un repas, Jésus met à notre portée non seulement le moyen de se souvenir, de faire mémoire de ce qu’il a annoncé et fait, mais encore il nous offre cette grâce supplémentaire de le sentir vivre en nous par son Esprit. Voilà ce que Jésus Christ nous offre dans ce pain et ce vin : au milieu de ce qui donne force à notre corps, Il donne force à notre âme ! Au milieu de ce qui nourrit le ventre, Il nourrit notre esprit.
Comment être plus attentif que cela ? Comment donner un signe plus facile à réaliser que celui qui consiste à nourrir le spirituel en même temps que le corps ?
Au milieu de l’angoisse de savoir la suite des événements du lendemain, le Christ se soucie de nous donner des forces pour notre route. Pas une obligation. Une grâce supplémentaire. Ce n’est pas une obligation de lire la Bible ; ce n’est pas une obligation de prier ; ce n’est pas une obligation non plus de prendre la cène. Avec le Dieu de Jésus-Christ, tout est grâce. Tout est « plus » pour nous. Dieu n’a pas besoin des sacrements : au royaume, Il ne nous demandera ni notre certificat de baptême, ni le nombre de fois où nous avons pris la cène.
La cène n’est pas un rituel obligatoire : c’est un geste d’amour de la part du Christ ; geste d’amour qui nous rappelle à quel point il nous a aimés en se laissant clouer sur une croix ; geste d’amour de Dieu qui, trois jours après, vaincra la mort et nous donnera ainsi la vie.
Alors, la cène n’a rien de magique : mais elle est bénédiction supplémentaire ; elle est…communion ! Union avec le Christ ; union avec mes sœurs et frères qui m’entourent en étant à la même table.
Et il y a là une dimension qui me semble essentielle pour notre façon de vivre ensemble : le repas, c’est quelque chose d’intime ; surtout la manière dont se passaient les repas du temps de jésus et que l’on retrouve sur tout le continent africain : chacun met la main dans le plat communautaire.
La cène, ce repas de bénédiction, doit aussi nous rappeler notre relation à l’autre, qui est essentielle : même si Jésus a mangé dans le même plat que Judas- ce qui est souligné dans le texte-, la cène nous appelle à une introspection de nos relations ; suis-je hermétique aux autres, aux lèvres qui boivent à la même coupe ? Est-ce juste une habitude ? Quelle est l’attitude de mon cœur ? Ne suis-je pas un peu ce Judas qui mange du même pain mais n’hésite pas à poignarder les autres, ceux qui ne pensent pas comme moi, ne vivent pas comme moi, n’ont pas les mêmes habitudes que moi ?
La sainte cène, c’est aussi cette relation à l’autre où il m’est demandé d’avoir un regard nouveau, renouvelé, sur l’autre, les autres, le monde !!!
Bénédiction supplémentaire. Béquille pour la foi. Force pour avancer sur notre chemin. Un Dieu avec qui l’on mange est unique ; il n’y en a pas d’autre que le Dieu de Jésus-Christ !! Un Dieu avec qui l’on partage sa tranche de pain ; avec lequel on boit au même verre !! C’est bien de cela qu’il s’agit !! Comment alors dans la cène ne pas vivre la proximité de Dieu dans ma vie ? Comment, alors qu’il est mon voisin de table, ne pas sentir son souffle qui m’apaise, me rassure, m’encourage, me donne force, joie et paix ?
Vraiment, le repas du Seigneur est quelque chose de merveilleux ; parce que même s’il est invisible, c’est bien le Seigneur lui-même qui nous invite à sa table ; oui, même s’il est invisible pour les yeux, c’est lui, le Christ, qui dit à chacun d’entre nous : viens à ma table prendre des forces pour ta route, pour ta relation avec les autres ; pour puiser des forces pour ta vie ; et ensuite, je ferai chemin avec toi !
AMEN !
Pr Nathalie Paquereau.