Prédications Protestantes dans les Alpes du sud 

DIMANCHE 08 juin 2014

Culte de Pentecôte à GAP (05000)

Lectures du Jour :

Actes 2, 1-11 (Voir méditations du 31-mai-09, 31-mai-10 et 24-mai-15)

Jean 20, 19-23 (Voir méditations du 1-mai-11, 12-avr-15 et 3-avr-16)

1 Corinthiens 12, 3-13

Recevons de l’Esprit Saint la force d'aimer

Nos deux évangélistes Luc et Jean semblent se moquer de notre calendrier des Fêtes chrétiennes ! Ce calendrier traditionnel, c'est Pâques, puis 40 jours après, l'Ascension, puis 10 jours après, Pentecôte. Il faut se souvenir qu'il vient directement de la présentation faite par le livre des Actes, et par lui seul. Il distingue chronologiquement, mais en fait pour des motifs symboliques, ces trois étapes du grand événement qu'a été la glorification du crucifié. 40 jours, c'est le temps symbolique d'une période d'épreuve ou de formation, pendant laquelle le Ressuscité est censé avoir enseigné ses apôtres, avant de les envoyer en mission. Pentecôte, le "cinquantième jour", c'était la fête juive, qui achevait le cycle festif de 7 semaines après la Pâque. Fête de la moisson à l'origine, devenue fête de l'alliance, commémorant le don de la Loi au Sinaï. Cela convenait théologiquement à l'auteur des Actes pour situer ce jour-là le don du Saint-Esprit et la naissance de l'Eglise, peuple de la nouvelle alliance. En écrivant littéralement : Comme s'accomplissait le jour de la Pentecôte (v.1), Luc suggère qu'en cette Pentecôte chrétienne, la fête juive a trouvé son accomplissement.

Mais le même Luc, dans son Evangile, sans souci de se contredire, présente les choses autrement, parce que sa perspective est autre: Il s'agit alors de conclure son récit de la mission terrestre de Jésus, par sa glorification auprès de Dieu. Il n'hésite donc pas à mettre l'Ascension le jour de Pâques ! Le Ressuscité remonte vers son Père au soir d'une longue journée de révélation, en Luc 24 ! Quant à Jean, dans notre texte, pour lui c'est déjà Pentecôte le jour même de Pâques !

Ce bref récit d'apparition aux disciples est une remarquable concentration des grands motifs de l’Évangile. En quelques versets, Jean nous révèle comment l'événement inouï de la résurrection de Jésus vient accomplir toutes les promesses faites aux disciples dans les discours d'adieu, si développés dans son évangile. Jésus leur avait dit: Je ne vous laisserai pas orphelins, je viens à vous[1]. C'est fait, il est venu, il est là vivant devant eux. Il leur avait dit: Que votre cœur ne se trouble pas. Je vous donne ma paix[2]. "Paix à vous !" la salutation du ressuscité n'est pas un simple bonjour, elle leur apporte effectivement l'apaisement de leurs craintes. Ils avaient verrouillé leurs portes par crainte des Juifs, mais il les a rejoints dans cet enfermement, et il les délivre de leurs angoisses. Il leur avait dit: Vous êtes maintenant dans l'affliction, mais je vous verrai de nouveau et votre cœur se réjouira[3].

La promesse est réalisée, car les disciples se réjouissent en voyant le Seigneur. C'est la vraie joie que personne ne pourra leur ravir. Ayant reçu cette paix et cette joie, les disciples vont pouvoir ouvrir toutes grandes leur portes, pour aller annoncer la bonne nouvelle. Comme le Pére m'a envoyé, moi aussi je vous envoie[4], annoncé lui aussi à plusieurs reprises, cet envoi en mission devient maintenant possible.

Mais l'équipement des disciples pour cette mission, c'est aussi et avant tout le don du Saint-Esprit, annoncé à maintes reprises dans les discours d'adieu, notamment sous le titre du Paraclet, terme qui signifie avocat ou "défenseur", plutôt que consolateur. Jésus leur avait dit : le Père vous donnera un autre défenseur, pour qu'il soit toujours avec vous[5]. Un autre défenseur, parce que lors de sa présence visible auprès d'eux, Jésus était leur défenseur, et qu'après son départ, c'est l'Esprit-Saint qui reprendra ce rôle. Et maintenant, le Ressuscité leur déclare : Recevez l'Esprit-Saint, c'est l'accomplissement de cette mystérieuse promesse.

"Recevez l'Esprit-Saint", cette courte formule n'a pas besoin d'explications, car les disciples, et nous, lecteurs de l'évangile, savons par l'enseignement des discours d'adieu le rôle éminent que doit jouer l'Esprit-Saint dans la vie des disciples, après le départ de leur Maître. Comme avocat, c'est lui qui va réfuter l'argumentation fallacieuse de ceux qui rejettent Jésus, attestant que Dieu l'a fait Seigneur et Christ par sa victoire sur la mort. C'est ce que proclame Pierre le jour de la Pentecôte, inspiré par l'Esprit qui agit en même temps dans le cœur des auditeurs pour qu'ils soient profondément touchés par ce message. L'Esprit-Saint sera aussi le pédagogue qui fera cheminer les disciples vers la vérité tout entière, stimulant leur souvenir de ses paroles, et leur permettant d'en pénétrer de mieux en mieux le sens. L'Esprit-Saint n'aura rien à dire de lui-même, il ne saura que glorifier Jésus : il sera le chantre de la justice, de la vérité, de l'amour qui éclatent dans la vie, la mort et la résurrection du Sauveur.

Qu'importe la date précise de cette effusion de l'Esprit-Saint. Les différences de présentation chronologique entre les Actes et Jean n'ont pas de valeur historique, chacune est avant tout porteuse d'un sens théologique. L'essentiel, chez Jean comme dans les Actes, c'est que l'Esprit est donné par le Ressuscité, c'est que la résurrection de Jésus était la condition préalable à ce don. Dans son discours de la Pentecôte, Pierre atteste la résurrection en la liant à l'événement qui a déconcerté ses auditeurs; en deux phrases il associe Pâques, l'Ascension et Pentecôte en déclarant : Ce Jésus, Dieu l'a ressuscité, nous en sommes tous témoins. Exalté par la droite de Dieu, il a donc reçu du Père l'Esprit-Saint promis et il l'a répandu, comme vous le voyez et l'entendez. Jean, lui, concentre dans un unique récit tous ces aspects du mystère pascal.

Mais il y a un plus, et quel plus dans le récit de Jean 20, par rapport à celui de Pentecôte comme par rapport aux annonces du discours d'adieu. C'est l’expression originale du v.22: Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et leur dit : Recevez l'Esprit-saint. !

Jésus "souffle" sur les disciples. Ce verbe ne se trouve nulle part ailleurs dans le N.T. Mais la traduction grecque de l'A.T, en usage au temps des évangélistes, emploie ce même verbe en Genèse 2, 7, verset bien connu: L'Eternel Dieu forma l'homme de la poussière de la terre, il souffla dans ses narines un souffle de vie et l'homme devint un être vivant. Ce récit de la création de l'homme, Jean le connait, et il n'est pas douteux qu'il y fait ici une claire allusion. Dans son Prologue, i1 avait présenté le Fils de Dieu comme la Parole faite chair, cette Parole divine qui a présidé à toute la création. Il nous signifie maintenant que le Ressuscité inaugure la nouvelle création. Le souffle qu'est l'Esprit; le souffle de Jésus donne la vie de Dieu a ceux qui le reçoivent. C'est un acte créateur, ou recréateur, qui évoque aussi la grande prophétie d'Ezéchiel (37, 9-10): Viens des quatre vents, souffle sur ces morts, et qu'ils revivent! … Et l'esprit entra en eux, et ils reprirent vie, et ils se tinrent sur leurs pieds: c'était une armée nombreuse ! Ezéchiel prophétisait ainsi la résurrection du peuple d'Israël, dont l'exil avait été le tombeau. Quand Jésus fait souffler l'Esprit-Saint sur les disciples, il donne naissance au peuple de la nouvelle alliance, il équipe cette armée nouvelle et la met debout pour la mission d'annoncer l'Evangile au monde. Dans le récit des Actes, la Pentecôte est le moment où l'Esprit-Saint suscite la communauté des convertis qui vivra de la vie de Dieu lui-même et témoignera de son amour.

Nous avons conservé le schéma des Actes pour célébrer séparément les mystères de la Résurrection, de l’Ascension et du don de l’Esprit Saint. Aujourd’hui donc, fête de Pentecôte, réjouissons-nous de ce don essentiel. Mais le texte proposé nous invite à le faire dans la perspective de l'évangile de Jean.

Nous sommes ces disciples faibles et apeurés, que la présence du Ressuscité vient apaiser et réjouir. Et Jésus nous dit: Recevez l'Esprit-Saint, souffle de vie. Recevez cet esprit qui a animé ma propre vie, dans l'amour du Père et des frères.

Ce souffle n'est pas forcément le vent violent qui fait trembler la maison et se manifeste spectaculairement dans des langues de feu, comme dans le récit symbolique des Actes. Il nous est permis de penser plutôt à l'expérience d'Elie à l'Horeb, où souffle un grand vent, où il y a un tremblement de terre puis un feu, mais le Seigneur n'était ni dans ce vent, ni dans le tremblement de terre, ni dans le feu. Mais après le feu, il y eut le bruit d'un léger souffle[6]. Jésus peut souffler si légèrement sur nous que cela ne crée pas en nous des expériences sensationnelles, et que nous ne nous mettrons pas à parler en langues ou à prophétiser. Mais si nous accueillons en toute ouverture de cœur, l'esprit qu'il nous communique, nous recevrons dans notre cœur la paix et la joie de son pardon, la certitude qu'il est vivant et qu'il nous fait vivre; nous serons debout pour témoigner de son amour. Dans le mystère de la Trinité sous-jacent à tout le discours d'adieu, nous découvrons que l'œuvre de l'Esprit-Saint, c'est finalement d'accomplir cette promesse de Jésus: Si quelqu'un m'aime, il observera ma parole, et mon Père l'aimera; nous viendrons à lui et nous établirons chez lui notre demeure[7]. L'Esprit-Saint, c'est la mystérieuse présence en nous du Père et du Fils, c'est notre participation à cette communion d'amour, dont la Cène est le signe, cette communion qui nous commande et nous permet de nous aimer les uns les autres.

Aujourd'hui, frères et sœurs, de la part du Seigneur Jésus-Christ et de Dieu notre Père, recevons l'Esprit-Saint, recevons de lui à nouveau la force d'aimer.

Amen !

Pr Charles L’Eplattenier

[1] Jean 14, 18

[2] Jean 14, 27

[3] Jean 16, 22

[4] Jean 20, 21

[5] Jean 14, 16

[6] 1 Rois 19, 12

[7] Jean 14, 23