Prédications Protestantes dans les Alpes du sud
DIMANCHE 11 Aout 2019
Culte à Trescléoux (05700)
Lectures du Jour :
Ézéchiel 33, 10-16
Luc 12, 32-48 (Voir méditation du 07 Aout 2016)
1 Corinthiens 14, 1-19
Hébreux 11, 1-19
Le message de Pentecôte
Si je vous dis :
« Toutaï choustko djèchtchè stalik mnego irtsim viadjiam chaouts your kvlaout ito nimits yarch nèsmèt nastayaz irtzat lirgount. »
Vous avez compris ?
Moi non plus.
J’ai parlé en langue, comme cela se pratique dans de nombreuses Églises pentecôtistes ou évangéliques. Leurs membres sont invités à s’exprimer en « glossolalie », c’est à dire une langue inconnue des humains mais qui est celle de l’Esprit de Dieu passant à travers nous.
Si vous voulez en savoir plus, je vous invite à regarder sur YouTube la vidéo du pasteur Daniel Vindigni du site www.salutpourlemonde.com pour tout comprendre à ce sujet.
On peut y lire le commentaire d’un internaute, Gustave, qui écrit ceci :
« Pour ceux qui n'arrivent pas à parler à langue, vous ne devez pas attendre passivement que le Saint-Esprit vous saisisse et vous force à parler dans une nouvelle langue.
Mais vous devez mettre votre foi en action, ouvrir votre bouche, et faire fonctionner votre langue et vos cordes vocales, en croyant que les mots et les phrases qui vont se
manifester viennent vraiment du Saint-Esprit, parce que vous avez rempli les conditions bibliques. »
Pourtant, je ne suis pas sûr que ce soit là une « condition biblique » pour être chrétien. On voit bien comment, dans le supermarché des églises, chacune doit trouver sa marque de fabrique pour se distinguer des autres : ici le parler en langues, là le lavement des pieds, ou encore la dévotion à une relique.
Tout cela n’est pas bien méchant. L’être humain est un être religieux. Nous avons besoin, d’une manière ou d’une autre, de religieux, pour transcender nos petites existences
terrestres, terriennes. Pour se sentir connectés aux étoiles et aux autres.
À Corinthe, au milieu du 1er siècle, parler en langue était une pratique courante. C’était un peu la marque de fabrique des chrétiens du coin et c’est ainsi qu’au début du 20ème siècle, les Églises pentecôtistes ont remis au goût du jour cette pratique ancestrale. Pourquoi pas ?
Nous, nous ne parlons pas en langues. Ce n’est pas dans nos pratiques religieuses. Il en faut pour tous les goûts. Et loin d’être une tare, c’est peut-être même un souci en moins, puisqu’aux yeux de Paul, cette pratique – si elle n’est pas néfaste – n’est pas non plus déterminante.
Ce qui est déterminant pour Paul, c’est d’être capable de prophétiser dans sa langue à soi, afin que chacun comprenne au moins les mots qui sortent de notre bouche. Sinon, c’est « parler en l’air », c’est se parler à soi-même, c’est se gonfler de Dieu (ou d’orgueil) et en priver le monde, qui lui, ne parle pas la langue des anges.
Et à notre époque angoissée, le religieux sauvage est à la mode. Si vous avez peur, si vous recherchez une religion qui vous donne des réponses, vous avez l’embarras du choix !
Or la Pentecôte, ce n’est pas l’événement magique qui fait de certains des super-croyants avec des super-pouvoirs, des gens qui captent Dieu en 4G. La Pentecôte, ce n’est pas la constitution du club des super-chrétiens. La Pentecôte, c’est l’envoi de chacune et chacun de nous dans son monde, au travail, en famille, en vacances, dans ses pensées et ses rêves même, pour rendre le monde plus intelligible, plus compréhensible, plus agréable.
C’est ça être un prophète.
Prophète ? Mais je n’ai pas le diplôme !
Pas de panique. C’est quoi un prophète ? Quelqu’un qui prédit le futur comme dans les horoscopes ? Non. Ça, c’est un devin.
Quelqu’un qui connaît sa Bible par cœur ? Non. Ça, c’est un menteur.
Quelqu’un qui a fait des études de théologie ? Non, ça c’est aussi un menteur mais on l’appelle pasteur.
C’est quoi un prophète ?
Un prophète, c’est quelqu’un qui interprète le temps présent pour en discerner le sens. Avec la mémoire du passé et l’intelligence du présent, le prophète interprète le présent et pressent l’avenir proche. D’où l’intérêt de lire, de s’instruire, de se cultiver pour ne pas confondre Dieu avec ses lubies. Ainsi, on discerne l’avenir et l’on comprend qu’il n’est pas une fatalité. Il est le fruit de ce que nous décidons ou pas à l’instant présent. Le prophète est donc d’abord celui qui pense et qui agit.
Or pour que les actes se mettent en place, il faut une parole qui les précède. Paul parle littéralement au v.11 d’une « dynamique du langage ». C’est ça, la Pentecôte. C’est une dynamique de langage qui me fait parler une autre langue dans celle-là même que je parle tous les jours. Cette langue, c’est l’espérance. Espérer, ce n’est pas croire que ça ira mieux demain. C’est croire que même si le pire advenait, cela n’empêchera pas la vie de vaincre, à l’intelligence de triompher, à la beauté de survivre.
Rien n’est sûr, mais en attendant, nous avons le droit d’espérer. Nous avons le devoir d’espérer, même si c’est dur, même si ça n’en vaut pas la peine, même si ça ne sert à rien.
Parce qu’espérer, c’est le sens même de la vie.
« Si l’on m’annonçait la fin du monde pour demain, écrit Luther, je planterai un arbre ».
Vous voyez, l’espérance n’est pas un pari sur l’avenir. Elle n’est pas un pronostic fondé sur des statistiques.
L’espérance n’est pas un diagnostic fondé sur des sondages.
L’espérance n’est pas une science.
L’espérance n’est même un don.
L’espérance ne repose sur rien.
Elle ne repose rien ? Si, peut-être. Sur la parole de tous les prophètes avant nous qui ont pris la peine d’écrire et de parler jusqu’à nous aujourd’hui.
Des prophètes de l’Évangile qui ont parlé tous les dialectes du monde pour que s’incarne dans chaque langue, dans chaque culture, dans chaque époque le Christ et son Évangile.
Quel est-il ce message ?
Il est tout simple, et pourtant chaque génération doit le découvrir à nouveau : c’est dans l’humanité que Dieu réside. Dans notre humanité qui résiste à la rigidité des théories et à la frigidité de la morale. Il n’était ni prêtre, ni prophète, ni super-héros, ni surhomme ton Christ. Il ne connaissait que sa langue natale, lui l’enfant du pays, un charpentier, un fils de rien. C’est lui, ton messie. Un homme de la terre qui a ouvert le ciel pour donner à Dieu un visage, des mains, des pieds, un ventre, une bouche, une langue. C’est lui ton messie, dont la parole, faite de mots et de gestes, a révélé jusqu’à toi, 2000 ans plus tard que le monde a un sens, que la vie a un sens : l’espérance.
Le sens de la vie n’est à chercher ni dans l’irrationnel, le merveilleux, dans les pratiques magiques, ni dans les pensées de fin du monde et les discours illuminés. Ça, c’est « parler en l’air », écrit Paul. Le sens de la vie, c’est d’endosser son humanité, de l’assumer, d’en être fier, et tout miser sur elle : avec ses faiblesses, ses excès et ses contradictions.
Le sens de la vie, c’est vivre dans cette dynamique du langage qui me fait parler l’évangile (et pas parler de l’évangile) et agir l’évangile chaque jour de ma vie, au supermarché, en famille, au travail et dans la prière.
Le sens de la vie, c’est de donner à ceux qui m’entourent une parole constructive.
C’est à toi d’évangéliser et pas aux seuls pasteurs. Les premiers chrétiens n’avaient ni pasteurs, ni prêtres, ni évangiles ni Bible, ni 2000 ans de tradition chrétienne derrière eux. Ils n’avaient pas d’Église, pas de temples. Ils n’avaient pas étudié la théologie. Et pourtant, c’est eux qui ont édifié génération après génération des pratiques sociales et religieuses qui ont bouleversé le monde.
Et notre monde, pas moins que celui de nos ancêtres a besoin, lui aussi d’être bouleversé. Et ce n’est pas en se réfugiant dans des pratiques religieuses, toutes aussi exotiques les unes que les autres, que nous le bouleverserons. Être chrétien, ce n’est pas une identité religieuse. C’est une vocation, c’est un état d’esprit, c’est un art.
Être chrétien, ce n’est pas appartenir à un club d’initiés. C’est appartenir au monde et y vivre en pionnier, en sentinelle du Christ.
Car si l’humain est religieux, Dieu ne l’est pas.
Notre vocation, à chacune et chacun de nous, ce n’est pas d’être pieux, bigots, et de se bricoler des pratiques ésotériques. C’est très à la mode mais ça n’est pas le message du Christ.
Se regonfler le moral à coup de shoots spirituels n’est pas mauvais en soi. Mais à la suite de Paul, posons-nous la question de l’intérêt pour le monde ?
Vous serez plus utiles, mes amis, avec des gestes qui parlent, avec des pensées qui font du bien, avec des paroles intelligentes et intelligibles, par des silences qui reposent, par une présence qui réconforte, par des signes qui ne trompent pas.
Voilà la pentecôte !
Celle de tous les jours.
Celle de chaque instant.
Alors, si vous ne savez pas parler la langue des anges, on s’en fout, parce que c’est encore dans la vôtre que vous ferez des miracles.
Amen !
Pr Arnaud Van Den Wiele