Prédications Protestantes dans les Alpes du sud
Dimanche 19 septembre 2021
Culte à Trescléoux (05700)
Lectures du Jour :
Jérémie 11, 18-20
Marc 9, 30-37
1 Cor 9, 24-27
Dimanche 19 septembre 2021
Culte à Trescléoux (05700)
Lectures du Jour :
Jérémie 11, 18-20
Marc 9, 30-37
1 Cor 9, 24-27
Trente minutes
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« Plus vite, plus haut, plus fort ». Telle est la devise de l’olympisme édictée par Pierre de Coubertin en 1894. Et depuis cette année, on y a rajouté le mot « ensemble ».
Les jeux olympiques de Tokyo auront finalement eu lieu et ceux de Paris se préparent pour 2024. Mais ne soyons pas dupes. L’olympisme antique ressuscité par Coubertin n’a plus grand-chose à voir avec le gigantisme du spectacle sportif de notre temps.
L’industrie du sport, des sponsors et des records, appuyée par la publicité, le marketing et les médias font de l’olympisme d’aujourd’hui la grand-messe de l’ultra-performance. À tel point que nous touchons aux limites physiologiques du corps humain et que désormais le 100e de seconde ou le demi-centimètre qui feront la différence se joueront sur une préparation mentale digne d’un astronaute mêlé d’un Dalaï-Lama !
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Pourtant, olympisme et christianisme ont une histoire commune. En effet, tout au long du 19e s. et à la faveur du méthodisme anglais (pasteur John Wesley), l’exercice physique fut promu au rang de valeur chrétienne par excellence, symbole de la maîtrise de soi, de la discipline spirituelle et physique au service d’un christianisme de l’exemplarité.
La « musculary christianity » a donné naissance à la première équipe de football au nom bien choisi des « Corinthiens », à la lumière justement du texte que nous partageons ce matin. Et il y a beaucoup d’autres exemples.
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Pourtant, est-ce que Paul, lorsqu’il écrit ces mots à la petite communauté chrétienne de Corinthe au milieu du 1er siècle de notre ère, a vraiment en tête de faire de chaque chrétien un athlète ou un champion olympique ?
Est-ce que Paul, vraiment, est un adepte du culturisme, de la boxe et des barres parallèles et du 3000 m steeple, au point de nous demander à nous aussi, aujourd’hui, de nous mettre au sport pour être en Christ ?
Est-ce que l’Évangile passe vraiment par le développement physique comme le pensaient les « muscled christians » du 19e s. ?
Est-ce que, vraiment, l’Évangile prône la performance et la première place du podium ?
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Ne sommes-nous pas au contraire en plein contre-sens ?
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Pour comprendre notre texte, il faut comprendre le contexte de l’époque qui n’est finalement pas si différent du nôtre aujourd’hui :
Le christianisme y est en concurrence avec une foultitude de mouvements religieux, de cultes orientaux, de philosophies grecques, etc.
Or, être chrétien, c’est affirmer l’universalité d’un seul Dieu et la souveraineté de son Fils, le Christ, sur chaque être humain qui le reconnaît.
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Donc, plutôt que de se définir en opposition et vivre dans sa tour d’ivoire, le chrétien est appelé à apprendre au contraire à dialoguer et à s’adapter à son environnement, à son époque, qui est aussi celle de son Dieu, celle de son sauveur.
C’est ainsi que le chrétien exerce sa liberté. Celle que le Christ lui-même nous donne de vivre, parce que lui n’a pas eu honte de se dépouiller de ce qu’il était pour finir cloué sur une croix et ainsi rejoindre notre humanité dans ce qu’elle a de plus profond et de caché.
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C’est pourquoi, à titre personnel, Paul « se fait tout à tous » : juif avec les juifs ; païen avec les païens ; grec avec les grecs… afin de rejoindre l’autre dans sa culture, dans ses codes, dans son langage, dans son quotidien, dans son intimité, sans que plus rien n’y fasse obstacle, sans que plus rien ne puisse handicaper la relation et le partage.
Le handicap. Il en a été question aux jeux paralympiques qui viennent de s’achever, et qui, à titre tout à fait personnel, m’ont mis mal à l’aise. Comme si le message relayé par les médias était : désormais, si tu es handicapé, tu n’as plus le droit de dire que tu ne peux pas. Lève-toi et marche ! Il y a quelque chose qui me gêne à voir des aveugles jouer au foot comme si l’on déniait le handicap, comme l’on déniait notre humanité, dans ce qu’elle a d’inacceptable et d’injuste.
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Au contraire, à la lumière de ce que je viens d’expliquer, ce serait à des athlètes valides de se mettre dans un fauteuil roulant pour jouer au tennis ou se mettre un bandeau sur les yeux pour jouer au foot. C’est ça, se faire tout à tous ! C’est abolir le handicap qui me sépare de l’autre pour que ma liberté – ma liberté de m’amoindrir, de m’abaisser – donne naissance à une égalité nouvelle et à une fraternité nouvelle.
Handicap. Un mot anglais – « hand in cap » - qui était un jeu de hasard du 16e siècle. Et au jeu des hasards de la vie, nous sommes tous des handicapés. Le handicap n’est pas un état, un statut. Le handicap, c’est une situation qui n’est pas adaptée à moi. (cf John Bost).
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Finalement, être chrétien revient à réduire le handicap qui me distingue de l’autre – même un instant – pour que la communication et la communion humaine se rétablisse. Ainsi, je témoigne de mon humanité, et en témoignant de mon humanité, je témoigne de celle du Christ.
Mais ça, c’est facile à dire. Parce que ce n’est pas naturel et encore moins spontané. Je n’ai pas envie de me mettre au niveau de mon voisin que je trouve bête comme ses pieds. Je n’ai pas envie de réduire le handicap entre le clochard du coin et moi. Je n’ai pas envie de me faire musulman avec la femme musulmane en voile intégral. Je n’ai pas envie de me faire vegan avec ma belle-fille vegan. Je n’ai pas envie de me faire homosexuel (comme si ce n’était qu’une affaire de sexe) avec les homosexuels que je vois à la télé. Je n’ai pas envie de me faire transgenre avec les transgenres ; je n’ai pas envie de me faire pauvre avec le pauvre et acheter des grandes marques pour la banque alimentaire : les sous-marques feront l’affaire !
Je n’ai pas envie de me faire à l’autre.
« Je ne m’y fais pas ! »
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Oui, c’est compliqué, voire même impossible. Impossible, à moins que chacun de nous s’y entraîne. Et c’est tout l’enjeu de l’image olympique que Paul utilise ici !
Oui, on ne devient pas un athlète du Christ du jour au lendemain. Vouloir ne suffit pas. Il faut s’entraîner ! Tous les jours, un peu d’exercice. Pas besoin d’un abonnement à la salle de sport. Pas besoin d’un matériel spécial. Il suffit de sortir de chez soi et de se mettre au niveau des gens que nous avons en face de nous. Voire même de provoquer la rencontre que l’on ne ferait pas autrement : au bistrot, au marché, dans des lieux que l’on n’a pas l’habitude de fréquenter.
Le but n’est pas de se faire des amis, mais de pratiquer le sport du Christ : l’amour. Pas la peine de s’épuiser, de se mettre dans le rouge ! Ce n’est pas le but.
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Mais seulement 30’ par jour, tous les jours, ça fait tout de même 3h30 d’amour par semaine. C’est beaucoup. Ramené à l’échelle de notre paroisse, ça fait vite plusieurs centaines d’heures par semaine !
30’ par jour où tu fais l’effort de te mettre au niveau de quelqu’un que tu ne connais pas et de l’accompagner dans ce qu’il te dit, même si ça t’ennuie, même si ça ne te plaît pas, même si ça ne mène à rien.
Pourquoi faire ça ? Parce que ça assouplit l’esprit. Ça décoince l’âme. Ça détend la foi. Ça augmente la capacité à tout entendre, à tout comprendre. Ça agrandit notre humanité !
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Ce n’est pas en lisant Réforme, La Croix, ou Pèlerin magazine, ni même la Bible que vous serez de meilleurs disciples du Christ ! Comme ce n’est pas en lisant l’Équipe devant un pastaga à la terrasse du bar des sports que l’on améliore sa condition physique.
C’est au contraire en pratiquant l’amour du Christ. Ça demande de la discipline : apprendre à écouter, apprendre à ausculter, apprendre à prendre soin de l’autre, à le comprendre dans ce qu’il dit et surtout ce qu’il ne dit pas. Et se surprendre à l’aimer… malgré tout ce qui nous séparera toujours.
Pourquoi croyez-vous que le monde existe encore ? Parce que chaque jour que Dieu fait, des hommes, des femmes, des enfants mettent en œuvre cette règle dans leur vie, sans savoir même que c’est une religion, que c’est l’Évangile.
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30’ par jour : et déjà votre vie changera.
30’ par jour : où vous faites l’effort de devenir un autre pour l’autre, où vous vous faites tout à tous.
30’ par jour : où vous mettez en jeu votre humanité, sans vous protéger derrière un personnage, un déguisement.
30’ par jour : où vous vous prenez pour le Christ et que vous n’agissez plus selon vos principes à la c…, mais au nom de Dieu lui-même.
30’ par jour : où vous vous faites violence, où vous luttez contre vous-mêmes, quitte à vous faire mal quand même… pour le bien de l’autre.
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Lutter, en grec ancien (αγωνιζομαι), a donné en français agonie, agoniser. Le verbe signifie « lutter dans l’arène ». Agoniser, c’est donc vaincre sa peur, c’est y aller, même si on a peur, même si on veut faire marche arrière.
Agoniser, c’est faire comme le Christ sur la croix : vaincre la mort, vaincre la honte.
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30’ par jour : ça ne vous donnera pas une médaille d’or au J.O. de Paris.
30’ par jour : d’ici quatre ans, ça vous fera 730 heures d’entraînement.
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De quoi remporter pour le restant de vos jours le combat de l’amour.
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Amen !
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Pr Arnaud Van Den Wiele