Prédications Protestantes dans les Alpes du sud
DIMANCHE 4 mai 2008
Culte à Gap (05000)
Lectures du Jour :
Actes 1, 12-14
Jean 17, 1-11
1 Pierre 4, 7-11
Notre tâche prioritaire
Ce bref rappel qui précède des recommandations pratiques ne doit pas être escamoté, comme suspect d’une vision apocalyptique à laquelle nous aurions peine à adhérer…
La fin de toutes choses signifie ici non pas la destruction de l’univers, mais l’accomplissement de sa vraie destinée ! La formule de Pierre est strictement parallèle à celle par laquelle Jésus inaugurait la proclamation de son message : Le Royaume de Dieu est proche ![1]
C’est la perspective constante du Nouveau Testament tout entier : Avec la venue de Jésus, avec sa mort et sa résurrection, nous sommes entrés dans le temps de l’accomplissement du dessein de Dieu. Et ce dessein concerne toute l’Humanité et même l’univers entier. Son but suprême est de réunir toutes choses sous un seul chef, le Christ[2], comme le dit l’apôtre Paul aux Ephésiens.
Cette mise en perspective est particulièrement importante pour le travail œcuménique auquel nous sommes invités à réfléchir chaque année lors de la semaine de l’unité :
* D’une part elle relativise, (elle se situe à une place avant-dernière et non pas dernière), la réalité de nos institutions ecclésiastiques, de leurs traditions, de leurs disciplines, de leurs formulations doctrinales. Toutes ces choses, qui ont leur importance, ne sont que des moyens provisoires au service de l’annonce du Royaume, et des fins en elles-mêmes.
* D’autre part, le rappel que la fin de toutes choses est proche, donne un caractère d’urgence et de priorité à ce qui est la tâche spécifique de l’Eglise de Jésus Christ, à savoir attester au monde la venue du Règne de Dieu, en paroles et en actes…
Il m’apparaît que la suite de notre texte nous montre précisément quelques aspects essentiels de cette tâche :
* En premier lieu, la prière, qui, selon Pierre réclame pour son exercice une certaine sagesse et une certaine sobriété. Sagesse pour discerner l’unique nécessaire en toutes circonstances, sobriété pour désencombrer nos vies.
La prière chrétienne est toute entière orientée par la demande fondamentale : Que ton règne vienne. C’est la prière de l’espérance qu’il ne faut pas se lasser de redire… mais qui serait une vraie redite si elle ne nous engageait pas profondément à agir dans la foi pour la venue de ce règne.
* En second lieu, Pierre nous rappelle comment témoigner en actes de notre espérance : Par l’amour mutuel, par l’hospitalité sans murmures, par le service de la Parole de Dieu, par l’entraide (la diaconie).
Si nous étions tentés de penser que tout cela est réclamé seulement dans le cadre de la communauté croyante, où l’amour réciproque est chose relativement aisée, l’étude attentive du vocabulaire devrait nous détromper : dans le texte original, le mot que nous traduisons par hospitalité est en fait l’opposé de xénophobie, et signifie l’amour de l’étranger.
Ce texte nous oriente donc vers tout autre chose que d’agréables réceptions entre amis… vers tous les problèmes d’accueil des immigrés, des réfugiés, si aigus en cd temps, et si imparfaitement résolus…
Oui, le caractère propre à l’amour chrétien, c’est d’être l’amour de l’étranger, l’accueil et le service de ceux qui sont si différents de nous, que parfois ils nous font peur : surmonter la xénophobie par la xénophilie[3], voilà ce que rend possible la force d’amour qui est en Jésus Christ, ce que rappelait sans se lasser et en prêchant d’exemple, Martin Luther King !
Prière, proclamation de la Parole, service du prochain, voilà des aspects fondamentaux de notre réponse à l’Evangile où nous pouvons nous rencontrer et découvrir qu’il n’y a aucun obstacle à une compréhension et à une pratique communes, quelle que soit notre confession chrétienne.
Et c’est bien ce qui se réalise concrètement : Prochaine nuit des veilleurs de l’ACAT, groupes de prières, d’études bibliques, entraide, recouvrent très exactement le terrain balisé par le texte de Pierre ! Sur le terrain, il est possible d’aller de l’avant, de pousser plus loin certaines coopérations entre catholiques et protestants, comme de faire découvrir à de nombreux fidèles pas encore engagés dans cette aventure, la réalité d’une unité déjà donnée, et pour laquelle nous devons rendre grâces.
C’est là me semble-t-il un fort motif de reconnaissance et de persévérance, quels que soient par ailleurs les obstacles sérieux qui demeurent sur le chemin du rapprochement des Eglises : Chacun sait qu’une étape capitale en serait l’intercommunion[4] et la reconnaissance mutuelle des ministères
Curieusement, l’ensemble de l’épître de Pierre ne fait aucune allusion aux problèmes d’organisation de l’Eglise ou aux ministères particuliers. C’est dans cette lettre en revanche que se trouvent les grandes affirmations sur l’Eglise, que Vatican II a voulu remettre en lumière et qui ont toujours été au cœur de la conception protestante : la vision de la communauté des croyants comme « Peuple de Dieu » et corrélativement la notion de « sacerdoce universel » : Pierres vivantes, vous êtes édifiés en maison spirituelle, pour constituer une sainte communauté sacerdotale[5] : Tous les fidèles participant au service de Jésus Christ dans le monde, tous sont des « administrateurs de la grâce de Dieu ».
Là-dessus il y a dans nos Eglises une convergence réjouissante. Mais sur les problèmes du sacerdoce ministériel, c’est-à-dire du rôle spécifique du prêtre, et sur l’organisation hiérarchique de l’Eglise, l’impasse reste totale, il ne faut pas se leurrer ! Que des groupes œcuméniques échangent sur le problème, pourquoi pas ? Mais ce qu’on peut en attendre est seulement qu’ils arrivent à une vision plus précise de ces divergences, actuellement insurmontables !
Ce n’est donc pas la meilleure voie pour faire avancer les choses. La bonne voie est celle que nous indique le texte que nous méditons : Que les fidèles de toutes les Églises s’avancent plus nombreux et plus résolus sur les chemins qui sont ouverts ! Le service de la Parole, la prière, l’amour du prochain. Et pour la gloire de Dieu, comme dit Pierre, pas pour améliorer l’image de marque de nos Eglises. Or la gloire de Dieu, selon les Evangiles, est liée au salut de tous les hommes !
Que le peuple de Dieu se préoccupe donc moins de régler ses affaires intérieures que de travailler à l’avancée du règne de Dieu dans le monde.
C’est, je le répète, notre tâche prioritaire et commune. Donnons-nous à cette tâche de toutes nos forces, et peut-être un jour aura-t-on la surprise de s’apercevoir que les verrous qui empêchaient les frères de circuler librement et de manger à la même table dans la maison du Père, auront cédé à la pression d’un vrai peuple de témoins animés par l’Esprit.
Que le peuple de Dieu se préoccupe donc moins de régler ses affaires intérieures que de travailler à l’avancée du règne de Dieu dans le monde.
C’est, je le répète, notre tâche prioritaire et commune. Donnons-nous à cette tâche de toutes nos forces, et peut-être un jour aura-t-on la surprise de s’apercevoir que les verrous qui empêchaient les frères de circuler librement et de manger à la même table dans la maison du Père, auront cédé à la pression d’un vrai peuple de témoins animés par l’Esprit.
Amen !
Pr Charles L’Eplattenier
[1] Marc 1, 15
[2] Ephésiens 1, 10
[3] C’est le mot exact de notre texte, et il figure dans le dictionnaire français !
[4] Que l’on désigne également par « l’hospitalité eucharistique »
[5] 1 Pierre 2, 5