Prédications Protestantes dans les Alpes du sud 

Dimanche 13 AOUT 2017

Trescléoux (05700)

Lectures du jour :

1 Rois 19,1-16, (Voir également méditation du 08 Aout 1999)

Romains 9,1-5,

Matthieu 14, 22-33 (Voir sous cette référence, méditation du 07 Aout 2011)

Élie, le dépressif

Frères et sœurs,

Nos lectures de ce matin nous font rencontrer Élie, alors profitons de cette rencontre, avec l’un des principaux prophètes de YHWH[1], le seul qui ne soit pas mort (officiellement), puisqu’enlevé au ciel sous les yeux d’Élisée, son disciple. Élie, dont le prophète Malachie annonce le retour lors du Jour du Seigneur[2], celui pour lequel les juifs laissent une place à leur table, lors de la fête de Pessah, celui dont les pharisiens demandent à J.B. (Jean 1/22) : Es-tu Élie ?, celui dont Jésus annonce le retour (Matth.17/10) et qui conversa avec lui, lors de sa transfiguration, en compagnie de Moïse.

Vous le voyez, un prophète important tant pour l’ancien que pour le nouveau testament, et il est vrai que sa vie fut assez chargée, et finalement pleine d’enseignements pour nous, aujourd’hui.

Élie apparaît au chapitre 17 du livre des Rois. C’est un homme du grand Royaume du Nord[3], Israël, formé après la mort du roi Salomon, par les 10 tribus dissidentes, qui laisseront Juda seul avec la petite tribu de Benjamin, former le petit royaume de Judée.

Élie est contemporain du roi Achab, qui accumule les offenses à YHWH : Il a épousé Jézabel, une phénicienne, animée d’une soif de pouvoir inextinguible. Achab adopte ses dieux : Baal, Astarté, Ashera, aux noms exotiques et aux pouvoirs hypothétiques, et oblige ses sujets à faire de même.

C’est alors que YHWH ordonne à Élie d’aller vers Achab et de lui signifier que, puisque Baal est le dieu de la pluie, YHWH manifestera sa puissance par une sécheresse qui durera 3 années. Et c’est ce qui se produit. Ça sent le roussi pour Élie qui part se réfugier au désert. Achab, furieux, fait assassiner tous les fidèles à YHWH qui lui tombent sous la main[4].

Ne crains pas.

Au désert, les corbeaux apportent à Élie viande et pain matin et soir, puis YHWH ordonne à Élie de se rendre à Sarepta, où il pourra manifester la puissance mais surtout la compassion de Dieu, envers cette veuve, sans aucune ressource, dont le fils, orphelin, est près de mourir. Élie, après les salutations d’usage, dira à la veuve Ne crains pas, pourvoira à sa subsistance[5] et ressuscitera son fils.

Mais la sécheresse perdure, et YHWH ordonne à Élie de se rendre de nouveau auprès d’Achab pour manifester une nouvelle fois la puissance de Dieu, cette fois par le retour de la pluie au travers d’une compétition organisée sur le mont Carmel, au bord de la mer, en présence d’une foule nombreuse, entre Élie, tout seul[6], contre 450 prêtres de Baal.

Et c’est Élie qui fait venir un nuage depuis la côte, lequel nuage déversera une pluie bienfaisante. Du coup le peuple égorgera les 450 prêtres de Baal !!.

Et nous arrivons à notre chapitre 19, où Achab raconte à Jézabel ce qui s’est passé au Mt Carmel, ce qui la rend furieuse, évidemment, au point qu’elle fait annoncer à Élie qu’elle va le faire tuer par ses serviteurs. Élie prend peur, part de nouveau au désert, et là dans une déprime complète devant son impuissance à faire revenir le roi vers l’Éternel, il s’allonge sous un genêt et appelle la mort, comme une délivrance. Mais Dieu veille sur Élie, et un ange lui apporte l’eau et le pain, mais après avoir mangé il va se recoucher, signe de sa profonde dépression.

Dieu lui ordonne alors de reprendre ses forces puis de se rendre sur le mont Horeb[7], la montagne sacrée, celle où Dieu donna les tables à Moïse. Là il pourra reprendre des forces spirituelles cette fois. Mais Élie se réfugie dans la caverne de Moïse pour n’en plus sortir.

C’est alors que Dieu l’interpelle : Que fais-tu ici ? , comme il a interpellé Caïn : Qu’as-tu fait de ton frère ? Comme il nous interpelle, nous, ce matin : Qu’as-tu fait de ton frère en humanité, que fais-tu ici dans ce temple-refuge loin de tes contemporains qui ont renié Dieu, qui veulent s’adonner aux nouveaux Baal, et ranger Dieu dans le tiroir du passé dont il faut faire table rase.

Ne sommes-nous pas nous aussi des dépressifs, comme Élie, qui voyait cet engrenage sans fin de violence, nous qui chantons à chaque Noël, Paix sur la terre, bonne volonté envers les hommes et qui voyons l’Humanité saisie d’une frénésie de violence, y compris les dirigeants de nos peuples. Dépression et angoisse devant cette question : comment cela va-t-il finir ?

Élie se convainc, devant tant d’hostilité qu’il est seul (chap. 18/22 et 19/14), en quelque sorte le dernier des justes[8], et cela nourrit sa dépression, comme la nôtre, nous qui voyons le nombre de fidèles se rétrécir d’année en année comme peau de chagrin, malgré nos efforts infructueux, y compris dans nos propres familles, avec cette même lancinante question : comment cela va-t-il finir ?

Enfin, malgré toutes nos prières, que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel, ne voir toujours rien venir, pas le moindre petit signe, n’y a–t-il pas de quoi déprimer ? (pour être plus précis, nous ne savons pas voir, discerner ces signes autour de nous !)

L’obstination d’Élie à vouloir purifier le pays est vouée d’avance à l’échec. Il ne connaissait pas, et pour cause, la parabole de l’ivraie ou celle du semeur, sur lesquelles nous avons médité récemment.

Alors Élie se réfugie dans sa caverne, les disciples dans leur barque, nous dans nos églises et nos temples. Au moins là, nous sommes en sécurité, entre frères, proches de notre Dieu que nous pouvons louer.

Mais Dieu dit à Élie : Sors ! et pour lui parler il n’emploie ni la force du vent, ni la puissance d’un tremblement de terre, ni la chaleur du feu, mais le bruissement d’un souffle ténu, par lequel Dieu dit à Élie : reprends ton chemin pour terminer ta mission.

Cette mission sera de choisir son successeur, Élisée. Mais auparavant il y aura l’épisode de la vigne de Naboth, à l’issue duquel Élie annoncera à Achab qu’il mourra comme il a vécu : dans la violence et l’abjection, au point que les chiens boiront son sang. Mais Élie ne verra pas ce jour de colère de YHWH accompli par Jéhu, nouveau roi d’Israël, qu’il aura choisi auparavant.

Tout comme pour Moïse, qui n’entra pas en terre promise, mais son successeur, Josué.

Et ceci est un message d’espérance pour nous : ce n’est pas parce que nous ne voyons pas l’exaucement de nos prières, que celles-ci ne s’accompliront pas : Dieu saura nous trouver des successeurs, au-delà de la difficulté des temps.

Nous sommes découragés, fatigués, mais notre mission n’est pas terminée. Ecoutez-le nous redire dans un souffle fragile, par la voix de son Fils, allez, évangélisez les nations et baptisez les en mon nom.[9]

C’est alors que l’on assiste à cette courte séquence : Répondant à l’appel de Jésus, Pierre, confiant, sort de son refuge : Seigneur, commande-moi d’aller vers toi, mais il est aussitôt rattrapé par les difficultés du monde réel, il coule : le vent était si fort, qu’il eut peur, et il commença à enfoncer. C’est alors qu’il appelle Jésus : Seigneur, sauve-moi ! Et Jésus tend la main et le prend avec lui.

Sauve-moi !

Je vous ai amené ce détail de la création du monde peint sur le plafond de la chapelle Sixtine par Michel-Ange : Il a peint le doigt de Dieu, si près du doigt de l'homme, mais il reste un écart, un tout petit écart entre les deux, ce petit écart qui sépare la vie de la mort.

Dans l'Évangile de ce matin, Matthieu nous dit que la main de Pierre cherche la main de Jésus, juste un petit écart pour ne pas couler... qui va le combler ? C'est Jésus : il lui saisit la main !

Pierre, en sortant de la barque a cru pouvoir marcher sur l'eau, ce qui est devenu une expression familière, mais l’homme n’est pas Dieu, il y aura toujours cet écart, celui de notre fragilité, celui de notre finitude dont nous ne pouvons sortir qu’en appelant Jésus : Sauve-moi !

En sortant de sa barque-refuge, Pierre a failli couler. En sortant de nos temples-refuges nous risquons d’être happés, engloutis, par ce monde hostile auquel nous n’appartenons pas.

Ce n'est pas Pierre qui saisit Jésus, c'est Jésus qui saisit Pierre, c'est lui qui fait le trajet vers nous dans la tempête de nos vies, de notre temps, de nos histoires.

Il nous donne d'abord une parole, la même que celle d’Élie à la veuve de Sarepta[10] : la même que celle dite à Jaïrus[11] dont la fille vient de mourir : Ne crains point, crois seulement.

Et puis, il y a sa présence : il monte dans la barque et le vent tombe.

Alors, maintenant nous savons que nous pouvons sortir, rien ne peut nous arriver, la prière de Jésus est exaucée : Je ne te demande pas de les ôter du monde, mais de les préserver du mal.[12]

Amen !

François PUJOL

COMME UN SOUFFLE FRAGILE

Comme un souffle fragile

Ta Parole se donne

Comme un vase d’argile

Ton amour nous façonne

1-Ta parole est murmure

Comme un secret d’amour

Ta parole est blessure

Qui nous ouvre le jour.

2-Ta parole est naissance

Comme on sort de prison

Ta parole est semence

Qui promet la moisson

3-Ta parole est partage

Comme on coupe du pain

4-Ta parole est passage

Qui nous dit un chemin

                                                                                                                         Paroles : P. Jacob

                                                                                                                         Musique : G. de Courrèges

[1] Le Tétragramme YHWH, utilisé par les hébreux pour nommer Dieu dont ils ne peuvent prononcer le nom, comme ils ne peuvent le regarder (Elie se couvre le visage d’une écharpe lorsqu’il sort de sa caverne).

[2] Chez Malachie, le jour du Seigneur sera un jour de colère (le Dies Irae), mais ce peut aussi être le jour où la promesse sera accomplie (la venue du Messie).

[3] Plus précisément originaire des monts Galaad, à l’extrême Nord du royaume, à l’Est du Jourdain, dans l’actuelle Jordanie.

[4] Mais l’un de ses serviteurs en cachera 500, ce qu’Élie ignore.

[5] Par la cruche de farine et la jarre d’huile qui resteront pleines, jour après jour (1 Rois 17).

[6] Elie insiste régulièrement sur ce point

[7] Autre nom du Mont Sinaï ,: «la cinquième montagne , selon la vision dite « des 12 montagnes », d’Hermas (Voir épître aux Romains, 16,14).

[8] Voir le roman d’André Schwartz Bart (Prix Goncourt-1959)

[9] Matthieu 28/20

[10] On pourra lire l’excellent roman de Paulo Coelho : La cinquième montagne

[11] Voir dans les évangiles synoptiques : Marc 5:21-43, Matthieu 9:18-26 et Luc 8:40-56.

[12] La Prière Sacerdotale : Jean 17, 15