Prédications Protestantes dans les Alpes du sud 

Dimanche 06 NOVEMBRE 2011

Trescléoux (05)

Lectures du Jour :

Proverbes 8, 12-20 32-36

Matthieu 25, 1-13

1 Thessaloniciens 4, 13-18

Quand reviendra-t-il ? , Pour qui reviendra-t-il ?

Frères et sœurs,

Les 2 textes qui sont proposés ce matin à notre méditation soulèvent 2 questions récurrentes chez les chrétiens, à propos du retour de Jésus-Christ et que l’on pourrait formuler ainsi :

- Mais quand reviendra-t-il ? Et puis celle-ci : Pour qui reviendra-t-il ?

Théologiquement, la réponse est, en principe, acquise depuis longtemps, maintes fois donnée dans le N.T..

Et pourtant, lequel d’entre nous peut prétendre ne les avoir jamais eues à l’esprit. Eh oui, voilà des questions bien humaines !

Pour qui reviendra-t-il ?

Cette question taraudait les contemporains de Paul, au point que certains arrêtaient de travailler pour être prêts à accueillir le Seigneur, ce qui fit dire à Paul, au chapitre précédent, « Que celui qui ne veut pas travailler ne mange pas non plus » (1Thess.3). Paul lui-même était persuadé qu’il serait encore vivant lorsque le Seigneur reviendrait.

Il faut dire que 20 ou 30 années s’étaient écoulées depuis que Jésus, lors de son ascension avait annoncé son retour. Et depuis, de nombreux frères « s‘étaient endormis ». Et puis, 20 ans encore plus tard, Matthieu, dans sa narration de cette parabole, .interpelle ses contemporains,

Regardons ce texte de plus près : 10 vierges vont à la rencontre de l’époux, l’image est employée suffisamment souvent dans le N.T., à l’évidence il s’agit de l’Eglise qui attend le retour du Seigneur ! Bien ! On remarquera que les 10 vierges avaient toutes pris leurs précautions, chacune avait sa lampe avec elle. Mais l’époux tarde et elles s’assoupissent, toutes, le texte ne dit pas que certaines sont restées éveillées et d’autres non, il dit que toutes s’endorment. Sauf que 5 d’entre elles avaient pu prendre de l’huile dans des vases auxquels elles avaient eu accès et les 5 autres non. Et sur ce seul critère, les 5 reviendront trop tard et l’époux, revenu dans la nuit, leur fermera la porte.

Certes Jésus nous a habitués à ne pas être là où l’attend, ne serait-ce que par sa naissance, dans une modeste étable, alors que les juifs et les rois mages attendaient un roi. Paul nous dit aussi « Le jour du Seigneur vient comme un voleur dans la nuit » (1 Th 5,2).

J’avais bien compris, à l’école du dimanche, que je devais rester vigilant, éveillé si je ne voulais pas me retrouver, le jour venu, le jour du jugement dernier, comme ces vierges folles, la porte d’entrée du paradis fermée. Plus tard, notre confession de foi me conforta dans cette conviction : « il viendra de là…juger… vivants et morts »,

Mais ne trouvez vous pas qu’il y a quelque chose qui cloche, dans cette parabole ? Cet époux qui fermerait la porte aux 5 vierges sous prétexte qu’elles n’avaient pas d’huile, est-ce bien ce Messie, fils de Dieu, mort et ressuscité pour l’Humanité, est-ce bien celui qui portait attention, quitte à s’attirer les foudres des théologiens de sa communauté, aux collabos, aux femmes adultères, aux prostituées, aux aveugles nés, aux étrangères, au vieilles veuves, au petit peuple, ce portrait de l’époux, dressé par Matthieu, correspond-il bien à celui que nous reconnaissons comme Notre Seigneur ?

Assurément non, alors je vous propose une autre compréhension de cette parabole. S’il s’agissait d’une contre parabole, mettant en scène les contemporains de Jésus, avec leur conception si restrictive du Salut, réservée aux seuls membres du Peuple élu, à l’exclusion de tout autre, quelque soit sa bonne volonté ?.

Cette aristocratie juive, satisfaite d’elle-même et de sa piété, mais obsédée par l’angoisse de la punition infligée par Dieu à toute transgression de la Loi, obsession renforcée par la destruction du Temple 10 ans plus tôt, induisant en eux cette question sans réponse « Mais quelle faute avons-nous encore commise ? », voyant la sanction de l’exil se reproduire.

Et alors, cette parabole retrouve une cohérence, les 5 vierges dites sages, ce sont les juifs, les purs, ou plutôt ceux qui ont été purifiés par l’huile, ce symbole de purification, que l’on retrouve dans tout l’A.T. depuis l’Exode, dont on versait quelques gouttes sur la tête des lévites qui se consacraient au culte, dont on versait quelques gouttes sur le front des lépreux guéris, en signe de purification avant de les réintégrer dans la communauté - juive.

Les 5 vierges folles, ce sont les nouveaux fidèles, les « craignant Dieu », païens d’origine, non circoncis, qui font ce qu’ils peuvent, les pauvres, ils ont pris soin d’apporter leur lampe, mais pour eux il n’y aura pas d’huile car ils ne pourront pas accéder aux vases, donc pas d’huile, pas de purification, c’est la condamnation assurée, l’époux peut leur claquer la porte au nez.

Nous sommes devant une incompréhension totale du message évangélique, de l’enseignement de Jésus, dont le dernier message (le dernier verset de Matthieu) adressé aux apôtres est au contraire d’aller vers les nations pour les baptiser en son nom.

Démonstration par l’absurde, en quelque sorte une photographie en négatif, car le Jésus que nous voulons servir n’est pas venu pour juger, mais pour sauver « Quiconque croît en lui », le Dieu que nous louons n’a aucun compte à régler avec qui que ce soit, Notre Dieu n’est pas un Dieu qui punit mais un Dieu qui pardonne. Notre Dieu c’est le Dieu d’amour qui nous a donné son fils pour qu’aucun d’entre nous ne périsse, mais qu’il ait la vie éternelle.

Qu’aucun d’entre nous ne périsse, mais qu’il ait la vie éternelle. Tous les contemporains de Paul connaissaient forcément cette promesse, développée par Jésus devant Nicodème et transcrite dans l’Evangile de Jean. Alors pourquoi revenir sur cette question, pourquoi vouloir faire cet autre tri, après purs/impurs, morts, vivants, vivants, morts, d’autant que les morts ne sont pas toujours ceux que l’on pense. Paul ne dit-il pas aux éphésiens :

« Nous étions morts par nos offenses, mais Christ nous a rendus à la vie. C’est par pure grâce que nous sommes sauvés; il nous a ressuscités ensemble, et nous a fait asseoir ensemble dans les lieux célestes, en Jésus-Christ. »

Et les évangiles ne répètent-ils pas, par trois fois, la conclusion de ce dialogue entre Jésus et les scribes : Car pour ce qui est de la résurrection des morts, n'avez-vous pas lu ce que Dieu dit à Moïse, Dieu n'est pas Dieu des morts, mais des vivants. Vous êtes grandement dans l'erreur.

A la lumière de ces citations, nos distinctions bien humaines entre purs/impurs, morts/vivants, quel sens ont-elles ?

Quand reviendra-t-il ?

Et quel sens cela peut-il avoir de chercher à mesurer le temps qui serait censé nous séparer du retour de Jésus, même si, je vous l’accorde, la promesse des anges lors de l’ascension de Jésus est peu précise : « Hommes galiléens, pourquoi vous arrêtez-vous à regarder au ciel? Ce Jésus, qui a été enlevé au ciel du milieu de vous, viendra de la même manière que vous l'avez vu allant au ciel. »

En la matière nous avons un sérieux problème de mesure, un problème d’échelle : Jésus, le fils de Dieu, est dans l’éternité. Pour lui, « 1 heure est comme mille ans », c’est Paul qui le déclare dans le chapitre suivant, aux Thessaloniciens. Alors, lorsque Jésus nous dit « je reviens bientôt »…oui, bientôt, mais dans quelle unité de temps, alors que pour le Dieu Eternel, il n’y a ni commencement ni fin ?

Alors, plutôt que d’essayer désespérément de comprendre ce qu’est l’éternité, cette dimension du divin, qui nous est, par définition, étrangère, ne vaut-il pas mieux orienter notre énergie dans une autre direction, par exemple :

* Se dire que Jésus, il est déjà revenu, puisqu’il est en nous, et que l’avènement des Temps Nouveaux dépend de notre zèle à le servir, de la façon dont nous vivrons la proclamation de l’Evangile comme d’une urgence.

* Se dire qu’étant « en Christ », nous sommes déjà dans la vie éternelle et que la mort telle que nous l’entendons, ne concerne que nos corps, qui sont des denrées périssables, mais que la mort vue sous cet angle, n’est plus l’ennemie de la vie, mais un passage de la vie sous une forme imparfaite, la nôtre, humaine, vers une forme parfaite, celle de l’éternité et de l’infini.

* Se dire que Jésus, par sa proximité quotidienne nous libère de toutes nos angoisses existentielles et qu’ainsi nous pouvons nous concentrer sur le présent, et la tâche que nous avons à accomplir aujourd’hui.

*Se dire que chaque matin, commence le premier jour, une aube nouvelle, le premier des jours qui me restent à vivre.

* Se dire que ce repas que nous allons partager est une commémoration, certes « faites ceci en mémoire de moi », mais peut aussi être vu comme une préfiguration du repas que nous prendrons tous ensemble lorsque nous serons réunis au Seigneur, dont nous sentirons tout à l’heure la présence invisible.

Conclusion

Dans la parabole de Matthieu, Jésus ne dit pas qui sont les bons, qui sont les méchants, il raconte son histoire et ne conclut pas, comme il le fait dans d’autres paraboles, par une sentence. Non, il dit simplement :

« Veillez donc, puisque vous ne savez ni le jour, ni l'heure »

Jour après jour, vivez dans l’aujourd’hui, et tenez-vous prêt.

Et pour conclure, je voudrais vous citer cette anecdote du sage qui avait l'habitude de dire : “N’oublie pas de te Repentir de tes péchés au moins un jour avant ta mort.” Un de ses disciples lui demande : « Comment peut-on savoir quel sera ce jour ? » Le sage lui répond : « Précisément, on ne peut le connaître, c'est pourquoi il faut se repentir tout de suite.

Ensuite, le sage interroge ses disciples : « Que feriez-vous si vous aviez la certitude que ce soir vous alliez mourir ? »

Le premier répond : « J'irais embrasser les miens. », Le deuxième : « Je planterais un arbre. » (c’est Luther), Le troisième : « J'irais me réconcilier avec mes ennemis. », Le quatrième : « J'achèterais un énorme bouquet de fleurs. », Le cinquième : « Je passerais l'après-midi en prière. ».

Le sage conclut : « Ces gestes que vous feriez alors, parce que vous en ressentiriez l’urgence, dépêchez-vous d’aller les faire tout de suite. »

Que le Seigneur nous accompagne chaque jour, et nous aide à accomplir ces tâches urgentes, jusqu’au terme de notre voyage.

Amen !


François PUJOL.