Prédications Protestantes dans les Alpes du sud 

DIMANCHE 27 JUIN 2021

Culte à Trescléoux (05700)

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Lectures du Jour :

Ézéchiel 18, 21-32 (Voir méditation du 1er Juillet 2012)

Marc 5, 21-43 (Voir méditation du 28 Juin 2009)

2 Corinthiens 8, 7-15

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Égalité, Réciprocité !

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Contexte

Frères et sœurs, ce matin, je vais vous parler de la collecte. Vous allez me dire que la collecte, l’offrande, nous vous en parlons tous les dimanches, et que nous ne faisons pas qu’en parler mais nous la pratiquons, nous sommes, de ce point de vue, dans l’action.

Ce n’est pas de cette collecte là que je vous parlerai ce matin, mais d’une collecte organisée il y a 2000 ans, décidée lors d’une Assemblée à Jérusalem. En effet une sévère famine frappait la Judée depuis les années 46-48 accentuée par le respect de l’année sabbatique de l’automne 47 à l’automne 48 . Les jeunes communautés chrétiennes souffrirent particulièrement, ayant déjà mis tous leurs biens en commun.

Paul et Barnabé étaient chargés de récupérer le produit des collectes réalisées auprès de toutes les communautés d’Asie Mineure et de Macédoine.

Cette collecte sera une première manifestation visible du réseau de solidarité entre chrétiens, devenus frères en Christ par leur baptême. Toutes ces petites communautés disséminées sur tout le pourtour méditerranéen, n’ayant comme moyen de communication que les sandales de leurs prédicateurs, expérimenteront ainsi l’unité de cette nouvelle Église, à la fois universelle et plurielle, les églises fondées avec des païens convertis affirmant leur solidarité et leur reconnaissance, voire leur allégeance envers l’Église-Mère de Jérusalem. Elles expérimenteront également une solidarité entre elles, puisque le produit de la collecte sera mutualisé.

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La collecte

Paul avait fondé la communauté de Corinthe dans les années 50-52. Après son départ, la communauté se déchire sur de nombreux sujets et sollicite son intervention, d’où sa première lettre aux Corinthiens, écrite au printemps 56, au cours de laquelle il annonce un second séjour (son 3ème voyage).

Dès cette première lettre , il donne des précisions sur cette collecte, déjà commencée à Antioche et Éphèse , que les Corinthiens se sont proposé d’abonder : Au sujet de l'argent à rassembler pour les chrétiens de Jérusalem, j'ai donné des règles aux Églises de Galatie. Suivez-les, vous aussi. Tous les dimanches, chacun de vous doit mettre à part, chez lui, l'argent qu'il a pu économiser. Ainsi, on n'attendra pas mon arrivée pour rassembler l'argent. Quand je serai là, j'enverrai à Jérusalem les gens que vous aurez choisis. Je leur donnerai des lettres de recommandation, et ils apporteront vos dons. Si je dois y aller aussi, ils voyageront avec moi.

Mais les Corinthiens se sont arrêtés au milieu du gué, d’où ces 2 chapitres (8 et 9) consacrés à cette collecte, ce qui montre l’attachement de Paul à la réalisation de cette opération, dans laquelle il joue gros, car à Jérusalem il n’a pas que des amis, y compris au cœur de la communauté , et le volume de cette collecte sera aussi un instrument d’apaisement.

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Ce n’est pas l’intention qui compte

Mais comme Paul était parti de Corinthe sur un sérieux différend à propos d’un notable de la communauté accusé d’inceste , Paul doit d’abord renouer le contact avec la communauté où se sont créés des clans , d’où ce verset 7 où il les caresse dans le sens du poil, en mettant en avant leurs qualités : intelligence, foi, éloquence, générosité, mais autant de qualités qu’ils ont reçues et dont ils sont redevables.

Et tout en précisant qu’il n’a pas d’ordres à leur donner, mais simplement « son avis » , il leur rappelle sans en avoir l’air, envers qui ils sont redevables : Jésus, le Christ de Dieu.

Mais il y a une autre raison qui pousse Paul à insister sur le fait qu’il ne donne pas d’ordre. C’est qu’il ne veut pas qu’au motif de son autorité, ce qu’il (re)commande devienne une nouvelle Loi, alors que toute sa compréhension de la Croix et de la Résurrection du Christ réside en ceci : Sans la foi, la Loi n’est qu’un filet de sécurité qui permet de « bien vivre ensemble » et de ne pas trop nous éloigner de la volonté de Dieu, mais notre foi en Jésus Christ nous libère de la Loi. Nous agissons alors « en conscience » et non pour respecter une Loi, fut-elle divine . C’est pourquoi il laisse à ses interlocuteurs leur libre-arbitre.

Toute la différence entre la foi et la Loi se résume en ceci : Notre foi en Jésus Christ nous pousse à aimer notre prochain, la Loi nous dit de le respecter.

La communauté de Corinthe, très hétéroclite, comprenant juifs de la diaspora convertis et païens convertis, était composée aussi bien de riches notables locaux, que d’esclaves. Paul prend alors le thème richesse/pauvreté (v.9) pour préciser son propos :

Jésus était riche, c’est-à-dire de nature divine, mais il s’est fait pauvre, c’est-à-dire humain, pour faire accéder les pauvres humains que nous sommes à la richesse de sa divinité. Il reprend ainsi le thème de l’hymne aux Philippiens. La richesse matérielle s’incline devant la richesse spirituelle.

Et s’ils reconnaissent cette dette, les Corinthiens n’ont plus qu’une chose à faire, mener à bonne fin leur projet de collecte qui n’en est toujours qu’au stade de l’intention.

Mais, contrairement à un adage très répandu, vis-à-vis de Jésus Christ l’intention seule ne suffit pas, car notre foi s’incarne dans l’action. C’est cette dernière seule qui nous permet d’exprimer notre amour pour nos frères ou d’interpeller ceux qui contreviennent à l’ordre du monde voulu par Dieu, un ordre juste, fraternel et apaisé.

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Égalité

Et Paul précise qu’une collecte relève du don librement consenti, et non de l’impôt , que ce que l’on donne doit l’être de bon cœur, sans contrainte. Personne ne nous reprochera pas de ne pas donner ce que l’on n’a pas.

Et il développe le thème de l’égalité, mais une égalité particulière, qui me fait penser à la parabole de l’ouvrier de la dernière heure . Pour Paul il ne s’agit pas que tout le monde donne la même chose, mais que chacun donne en conscience, selon ce qu’il estime être de « tous ses moyens », sans se sentir jugé par ce don (je donne trop, pas assez ?) . En se rappelant que la pauvre veuve donnait peu mais donnait son nécessaire, alors que le pharisien donnait beaucoup mais donnait son superflu. Ce qui nous amène à nous interroger sur « notre nécessaire » : où donc placer le curseur ?

Paul touche ainsi à la question de notre attachement à nos biens matériels, ce que Matthieu transcrira plus tard par cette phrase de Jésus dans son sermon sur la montagne : Là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur.

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On n’a donc pas peur de donner, quand on ne craint pas de perdre : le don n’appauvrit pas, et pourtant nos contemporains sont dans une démarche inverse : au plus ils sont dans l’abondance au moins ils sont généreux .

Mais Paul soulève une autre question (v.13). S’il ne s’agit pas pour les Corinthiens de « se mettre sur la paille » pour soutenir les Jérusalémites, leur participation à cette collecte n’en fera pas pour autant des « bienfaiteurs » et les Jérusalémites, des « obligés », contrairement à un adage bien connu. Les uns et les autres restent des frères, redevables à égalité de la même grâce, dans un même esprit de communion, quel que soit le sens dans lequel s’opère le soutien.

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Réciprocité et partage

L’égalité dont parle Paul ne peut être durablement obtenue sans l’application du principe de réciprocité, principe actif de la solidarité entre les fidèles mais surtout entre les communautés, dans notre pays, mais également au niveau international. Cette solidarité fonctionnera d’autant mieux que nous vivrons selon le principe de sobriété, qui doit aussi interpeller nos contemporains et leurs dirigeants.

Cette solidarité doit permettre aux communautés d’être libérées de l’angoisse de la survie pour se consacrer d’abord à ce qui constitue leur mission : annoncer l’évangile au monde. Leur solidarité, leur sobriété en seront des signes concrets.

Mais il ne faut pas se méprendre sur le sens du v.14 : le principe de réciprocité n’entre pas du tout dans une logique de rétribution. Il n’y a rien à attendre en retour du don que nous faisons, sinon il ne s’agit plus d’un don, mais d’une transaction, ce qui est hors du message évangélique : Jésus n’a rien négocié sur la croix.

Le renvoi d’ascenseur envers une communauté dans le besoin relève donc non pas d’un calcul comptable mais d’une grâce partagée.

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Conclusion

Finalement nous en revenons aux principes qui régissaient le fonctionnement des premières communautés : à chacun selon ses besoins, de chacun selon ses moyens , si difficiles à mettre en œuvre aujourd’hui !

Ce texte de Paul nous pose cette question : que signifie être égaux ? Peut-être : que chacun ait son verre plein, la taille du verre important peu.

À notre prière : Éloigne de moi la vanité et la parole mensongère ; ne me donne ni pauvreté, ni richesse, accorde-moi juste le pain qui m'est nécessaire, de peur que dans l'abondance je ne te renie et ne dise : Qui est l’Éternel ? Ou que, dans la pauvreté je ne devienne voleur et ne m'attaque au nom de mon Dieu, Jésus nous répond : Ma grâce te suffit.

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Amen !

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François PUJOL

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Tu es mort et tu nous as fait vivre (hymne liturgique maronite)

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Nous t'adorons, toi le Très-Haut,

Tu t'es abaissé et tu nous as élevés,

Tu t'es humilié et tu nous as honorés,

Tu t'es fait pauvre et nous as enrichis.

Tu es né et tu nous as fait naître,

Tu as reçu le baptême et tu nous as purifiés,

Tu as jeûné et tu nous as rassasiés.

Tu as été conduit prisonnier chez le grand-prêtre

Et tu nous as libérés,

Tu as été soumis à l'interrogatoire

Et tu nous as fait siéger en juges,

Tu as gardé le silence et tu nous as instruits.

Tu as été souffleté comme un esclave

Et tu nous as affranchis.

Tu as été dépouillé de tes vêtements

Et tu nous as revêtus.

Tu as été attaché à une colonne

Et tu as détaché nos liens,

Tu as été crucifié et tu nous as sauvés.

Tu as goûté le vinaigre

Et tu nous as abreuvés de douceur,

Tu as été couronné d'épines et tu nous as faits rois,

Tu es mort et tu nous as fait vivre,

Tu as été mis au tombeau et tu nous as réveillés.

Tu es ressuscité dans la gloire

Et tu nous as donné la joie.

Tu t'es élevé au ciel et tu nous y as emportés,

Tu y sièges dans la gloire et tu nous as élevés,

Tu nous as envoyé l'Esprit

Et tu nous as sanctifiés.

Sois béni, toi qui viens,

Tout rayonnant de bonté !



-Les maronites sont des chrétiens catholiques orientaux, présents essentiellement au Liban mais aussi en Syrie et à Chypre.