Prédications Protestantes dans les Alpes du sud 

Dimanche 23 juin 2013

Culte d’inauguration de l’Eglise Protestante Unie des Alpes du Sud

GAP (05)

Textes bibliques:

2 Jean 1- 13

Petite lettre, Grand amour

Qui connaît le prix d’un timbre au tarif normal ? (0,63 €)

Et le prix d’un timbre vert écologique ? (0,58 €)

Et la couleur d’un timbre pour une lettre de 100 g à 1,55 €? (violet)

Je vous demande ça parce qu’à l’heure d’internet, le courrier s’est fait électronique.

Un moyen simple, bon marché et surtout immédiat qui a remplacé la lettre manuscrite que l’on ouvre avec un coupe-papier.

Nos boîtes aux lettres, vestiges d’un temps où l’on guettait le facteur à la fenêtre, recèlent maintenant factures, publicités ou autres courriers administratifs.

Parfois… une carte postale vient égayer le quotidien. Finalement, il y a peu de place pour une vraie lettre qui annonce une bonne nouvelle.

Justement, le Nouveau Testament est une grosse boîte aux lettres : coincées entre le livre des Actes et l’Apocalypse de Jean, pas moins de 21 lettres — ou épîtres — que nos Bibles nous conservent à portée de main.

Et ce matin, frères et sœurs, nous avons lu ensemble la plus petite d’entre elles.

Presque une carte postale tellement cette épître est petite.

Mais pourtant, Dieu sait qu’elle est belle cette toute petite lettre.

Et Dieu sait la bonne nouvelle qu’elle nous apporte, cette petite lettre, du fond des âges de l’Eglise.

Comme la lumière d’une étoile qui nous parvient après des années lumières à travers l’espace et le temps, la Parole de Dieu nous est adressée en recommandé ce matin après deux millénaires à travers l’Eglise et l’histoire de l’humanité.

Une lettre vient de nous être remise en main propre pour l’inauguration de l’Eglise protestante unie des Alpes du sud.

Cette lettre, c’est une lettre d’amour.

Et je retiens quatre raisons, quatre signes qui peuvent nous mettre du baume au cœur.

- Une lettre d’amour, d’abord, parce qu’un homme prend sa plus belle plume, une belle encre et une feuille de papier précieux pour jeter d’un trait tous ses sentiments : relisez cette lettre chez vous, vous verrez que vous passerez par tous les tons : la joie, puis la confidence, puis la colère et enfin la tendresse.

Et ce billet doux est destiné à une Dame. Une dame « choisie », une dame « élue » dit le texte.

Et cette heureuse élue a aussi des enfants. S’agirait-il d’une belle veuve ? Non.

Le mot Dame n’est pas ici le féminin de Monsieur.

Dame — on pourrait dire aussi « altesse » — c’est le féminin du mot « Seigneur » !

Un même mot donc qui désigne selon qu’il est féminin ou masculin notre Dieu ou cette Dame.

Avec ses enfants, la Dame à laquelle écrit l’ « ancien » — nous dirions aujourd’hui un conseiller presbytéral — cette Dame donc, c’est une Eglise, comme la nôtre ce matin.

Comme un mot d’amour que l’on glisse sous une porte, cette lettre s’adresse aussi à nous ce matin, Eglise du Christ dans les Alpes du sud, ce matin comme tous les matins du monde jusqu’à la fin du monde. Première bonne nouvelle !


- Une lettre d’amour aussi — c’est mon deuxième point — parce qu’au cœur loge le commandement de nous aimer les uns les autres. Un commandement qui peut tout autant sembler évident pour des super-chrétiens, ou bien une image d’Epinal pour celles et ceux qui nous regardent de loin ou encore complètement — oserai-je le dire ? Allez… — « nunuche » … pour quiconque a un minimum de lucidité.

« Aimons-nous les uns les autres »… Ca peut fleurer bon l’angélisme ou une certaine candeur chrétienne, voire une sacrée condescendance : allez dire à tous les Caïn et les Abel du monde : « Aaaah… aimez-vous les uns les autres, bon sang ! » « Aimez-vous à la fin, bon sang de bon soir ! »

La lettre ne décrit pas cela.

L’ancien qui écrit est on ne peut plus lucide et réaliste.

Il ne répète pas le commandement d’amour de Jésus (« aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » Jn15, 9)… il se l’approprie ­— « aimons-nous les uns les autres » et il émet de nouveau ce commandement à cette Dame Eglise.

Grâce à cette correspondance, c’est une chaîne d’alliance qui se constitue, une chaîne de résistance contre les fausses prophéties du monde.

L’amour dont parle l’ancien qui rédige la lettre n’a rien à voir avec l’amour dont en a plein la bouche notre monde environnant: cet amour télégénique, matière première des publicitaires et des discours surannés de nos vedettes, champions et autres égéries.

L’amour dont il est question dans cette lettre n’est pas l’amour façon « guimauve dégoulinante » prêché par notre société pour édulcorer un tant soit peu sa cruauté, son cynisme et ses logiques de profit, d’intéressement, de performance et de réussite à tous prix, quitte à vendre son âme au diable : « s’aimer les uns les autres »… d’accord … seulement si ça permet d’accroître les chances de chacun d’atteindre ses objectifs personnels, la consécration d’une carrière par exemple.

Or l’amour dont il est question dans cette lettre est une scandaleuse puissance de vie qui défie au contraire les bien-pensances de notre société, les courses à la réussite : cet amour, c’est cet amour dont Dieu nous a témoigné en se faisant être humain et dont il témoigne encore par notre foi.

Cet amour il est combat ; pas un oreiller de paresse.

Cet amour il est force ; pas une sensiblerie humanitaire. Cet amour, il est vigueur ; pas une tendresse rose-bonbon.

Cet amour est au-delà de notre compréhension, il est divinement autre. Deuxième bonne nouvelle !

- Troisièmement, cette lettre d’amour scelle l’union de deux Eglises sœurs.

La salutation à la fin est celle-ci : « les enfants de ta sœur choisie te saluent » (v.13).

En ce jour, l’Eglise protestante unie des Alpes du Sud a aussi des frères et des sœurs réformés qu’elle ne connaît pas et aussi désormais à des frères et sœurs luthériens qu’elle connaît encore moins.

Et pourtant, elle aussi est « unie » à toutes ces Eglises.

Unie comme peuvent l’être des frères et des sœurs « choisis », c’est-à-dire des communautés appelées par Dieu à une même vocation, à un même chemin, main dans la main.

Nous ne nous aimons pas les uns les autres parce que nous avons des tempéraments qui s’accordent ou parce que nous sommes naturellement attirés les uns par les autres, mais à cause de la vérité que nous partageons. Cette vérité qui demeure en nous à jamais, dit la lettre, c’est que Dieu — c’est à dire Yahvé de l’Ancien Testament est rentré dans le tableau qu’il avait peint pour y naître, y marcher, y parler, y contester, y souffrir, y mourir, y pourrir, y ressusciter.

Cette vérité nous est donnée à jamais.

Dieu ne peut pas donner meilleure preuve d’amour que celle-ci, si bien qu’il est inutile d’attendre qu’il monte sur son nuage pour nous dire dans un porte voix: « si, si c’est vrai, je confirme ! ».

Non ! Dieu nous a déjà rendu visite en personne.

Et en guise de porte-voix, Dieu nous a laissé le témoignage de celles et ceux qui ont cru avant nous, par les Ecritures et les témoignages qui nous parlent aujourd’hui encore.

Oui, la lettre qui nous a été adressée ce matin est une lettre d’amour : une lettre qui témoigne de l’amour inconditionnel et intarissable de Dieu à notre égard ; à l’égard de chacune et chacun.

Un amour qui surabonde nos espérances.

Oui, Dieu nous aime comme jamais aucun humain n’aimera jamais. Troisième bonne nouvelle !

Enfin, c’est une lettre d’amour parce qu’elle en contient tous les attributs : la jalousie, la fidélité, la défiance, la confiance, la promesse, l’avenir.

Nous sommes appelés à être jaloux de la vérité qui nous unit : nous avons à y demeurer fidèles sans aller au-delà sans quoi nous laisserons Dieu derrière nous.

Nous sommes appelés à être défiants des logiques du monde surtout lorsqu’elles se parent de leurs plus beaux atours pour se faire passer pour sagesse et vérité ultime.

Nous sommes appelés à être confiants en la permanence de Dieu au cœur de notre vie commune au nom du scandaleux élan de vie qu’est l’Evangile.

Nous sommes appelés à demeurer confiants en cette promesse que Dieu nous fait : celle de nous avoir aimé en premier afin que nous l’aimions comme il veut être aimé, c’est-à-dire en vivant son amour entre nous-mêmes.

C’est cette promesse de grâce et d’éternité qui ouvre à l’Eglise protestante unie des Alpes du sud et à ses sœurs, luthériennes et réformées, un horizon plus large, un avenir plus grand.

Oh bien-sûr, je pourrai continuer des heures à vous parler comme celui qui a écrit cette épître pourrait écrire des kilomètres.

Mais à son image, il m’incite à arrêter là et à espérer. Alors je me mets à espérer que cette lettre d’amour ne devienne pas lettre morte mais qu’elle soit comme un avis de passage qui annonce une rencontre où des frères et des sœurs se voient et se parlent de vive voix.

Ce sera, je le crois, je l’espère, le cœur de mon ministère parmi vous : faire du lien.

Finalement, n’est-ce pas cela … l’Eglise ? Demeurer dans tout ce qu’il y a de rustique dans notre humanité : voir, écouter, parler, toucher.

L’Evangile ne se dit pas autrement.

L’amour de Dieu non plus.

Alors peut-être au diable — oui finalement au diable — nous dit cette lettre, les autocensures et les vetos que nous nous mettons pour parler au monde selon ce qu’il attend de nous.

Ne faisons pas à notre tour de l’Evangile une fausse bonne nouvelle en l’édulcorant pour ne pas dire le scandale de l’Evangile : le Créateur s’est fait créature pour aimer en chair et en os, et non pas à la sauvette, mais pour l’éternité.

Soyons assurés que c’est un scandale tel que même 2000 ans plus tard, le monde n’est pas encore prêt à le croire de lui-même.

C’est peut-être là la plus belle preuve d’amour de Dieu : nous faire confiance pour annoncer cette vraie bonne nouvelle pour chaque génération qui viendra, à travers des voix vives, à travers des êtres en chair et en os : moi, toi, mon frère, ma sœur. Quatrième bonne nouvelle !

Je conclue. En rentrant chez toi, tout de suite ou tout à l’heure, sois assuré(e) qu’un mot d’amour t’attend.

Un mot tellement petit qu’il n’existe pas de tarif assez petit pour l’affranchir.

D’ailleurs, c’est ce mot qui nous affranchit, tellement il est gratuit et immédiat comme un courrier électronique.

Il n’a pas de prix. Il est hors-de-prix.

Ce mot, comme on laisse un mot sur une table, c’est celui que l’Evangile de Jésus-Christ t’adresse chaque matin gracieusement, gratuitement. Il dit ceci : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné — pour toi aussi — son fils unique pour qu’en mettant ta foi en lui tu ne te perdes pas, mais que tu aies la vie éternelle ».

Et ça, c’est vraiment une bonne nouvelle.

Et nous pouvons rendre grâce à Dieu qu’il en soit ainsi.

Amen !


Pr Arnaud VANDENWIELE