Prédications Protestantes dans les Alpes du sud 

DIMANCHE 29 Novembre 2020

1er Dimanche de l’Avent (Confiné ?)

Lectures du Jour :

Esaïe 40, 1-11,

Marc 1, 1-8,

2 Pierre 3, 8-14

L’attente…

Frères et sœurs,

Je vous propose ce matin, de méditer sur l’extrait de la lettre de Pierre proposé à notre lecture, car 2 versets en particulier ont retenu mon attention.

Le doute

Mais auparavant il n’est pas inutile de préciser le contexte de cette lettre.

En premier lieu, rappelons que Pierre est mort en 64, exécuté à Rome par Néron[1]. Ces 2 lettres ne sont donc pas de Pierre lui-même mais de disciples qui ont voulu s’inscrire dans la même fidélité à Jésus Christ, sous l’autorité morale de Pierre. C’est la pseudépigraphie.

Cette 2° lettre « de Pierre » est le texte le plus récent du Nouveau Testament, écrit entre 125-130, datation généralement admise.

Nous sommes déjà dans le 2° siècle, des copies des Évangiles commencent à circuler[2], de même que les lettres de Paul[3], auquel Pierre fait référence au verset 16 : Voilà ce que Paul, notre frère et notre ami, a voulu vous dire dans ses lettres. Et en effet il les a lues car il ajoute : Il y a des passages difficiles à comprendre…

La génération des contemporains du Christ est disparue depuis longtemps[4], le plus souvent sous le coup des persécutions, la génération suivante également. C’est à la 3° génération que Pierre s’adresse, alors que Matthieu comme Paul annonçaient le retour du Christ[5] comme imminent. Et puis rien.

Alors les faux docteurs et les moqueurs ont beau jeu de semer doute et confusion dans l’esprit des fidèles. D’où le ton polémique de Pierre dans le chapitre 2 et le rappel des piliers de notre foi, la souveraineté de la Parole de Dieu, à ces fidèles[6]. Et il fait référence aux Psaumes, en particulier le Psaume 1[7].

Temporalités

Aujourd’hui, la 80° génération[8], à la foi un peu tiédie, est-elle toujours dans cette attente « enfiévrée », ou bien est-elle dans une vague attente un peu floue, reformulée d’une conviction de moins en moins affirmée, avec le Symbole des Apôtres « il viendra de là pour juger les vivants et les morts » ? Car le temps passe et s'écoule sans que de grands changements ne soient repérables, comme si Dieu s’était absenté, provoquant une tension entre la promesse du Christ et le retard dans son accomplissement.

Alors, Pierre reprend à son compte l'impatience et le doute des fidèles (au v. 4) : Où en est la promesse de la venue de Jésus ? Car depuis que les pères sont morts, tout demeure dans le même état qu'au début de la création.

Mais c’est pour mieux leur répondre, et il cite pour cela, ce verset du Psaume 90 : Oui, mille[9] ans, à tes yeux, sont comme hier, un jour qui s’en va, comme une heure de la nuit.

Ce n’est pas la peine de vous engager dans de savantes multiplications ou divisions de correspondance de temps. Car nous, « nous n’avons pas le temps », ce qui veut dire, quel que soit le sens dans lequel nous prenons cette expression, que le temps ne nous appartient pas. Et en plus, coincés par notre finitude entre notre naissance et notre mort, le temps nous manque.

Et que répond Dieu lorsque Moïse lui demande comment il devra le nommer ? Tu répondras aux enfants d'Israël : Celui qui s'appelle "je suis" m'a envoyé vers vous.

Dieu parle au présent, il est dans l’instant. C’est le propre de l’éternité : chaque instant a la même valeur : pas de début, pas de fin, pas d’avant, pas d’après, pas d’hier, pas de demain, chaque jour est un « aujourd’hui ». Le temps de Dieu n'est pas le nôtre, car Dieu est hors de notre temps. Si nous aussi nous investissons l’ aujourd’hui, sans regrets pour le passé[10], ni crainte pour l’avenir[11], alors nous entrerons dans le temps de Dieu, dans l’ aujourd’hui de Dieu.

Et lorsque le Seigneur devient le maître de notre temps, ce dernier peut s’enfler dans notre présent et chaque « aujourd’hui » devient un cadeau qu’il nous offre. Évidement cela donne un tout autre sens à notre vie et nous pouvons dès lors inscrire notre vie dans l’éternité de Dieu, le temps peut s’étirer, ce n’est plus un problème pour nous, et c’est tant mieux, car selon Pierre (v.9), cela nous donne tout le temps nécessaire pour que tous parviennent à la conversion. Vivre en Christ nous libère de la dictature du temps.

Le jour du Seigneur

Puis pour redonner de l’énergie à ses troupes, pour nourrir leur espérance, Pierre aborde la question du « Jour de Seigneur », propre à les remotiver. Pour cela il utilise les images de grands bouleversements : les cieux disparaîtront à grand fracas, les éléments embrasés se dissoudront, autant d’images que l’on qualifierait aujourd’hui « d’apocalyptiques », mais qui à l’époque de Pierre avaient une toute autre résonance dans l’esprit de ceux qui les recevaient.

Car ces images sont utilisées chaque fois qu’Israël est en total désarroi après une catastrophe pouvant remettre en cause sa survie non seulement en tant que nation mais surtout en tant que peuple, Peuple de Dieu. Et lorsque cette lettre est écrite nous sommes au cœur de cet enjeu :

Après la 1° « guerre des juifs » qui se termina en l’an 73 par la prise de la forteresse de Massada, 50 ans plus tard de nouvelles insurrections eurent lieu, d’une violence et d’une force extrême, qui mobilisèrent jusqu’au tiers des légions romaines.

L’un des chefs de ces insurrections était un certain Simon, affublé du surnom de «fils de l’Étoile[12]», ce qui indique ses visées messianiques. Il annonçait, dans un discours apocalyptique, l’intervention imminente de Dieu pour libérer son peuple, et certains pharisiens le reconnurent comme le messie « authentique ».

Après la victoire des troupes d’Hadrien[13] c’en fut fini de la Judée[14]. On comprend dès lors la violence de la lettre de Pierre (chap. 2) contre les faux docteurs, le fléchage de ces cataclysmes en direction des «impies[15]» et l’espérance du noyau des fidèles, garantie par la volonté divine : Le Seigneur sait délivrer de l'épreuve les hommes pieux[16],

Car la constante de tous ces écrits « apocalyptiques » est qu’ils s’adressent tous au noyau des fidèles, au petit troupeau que Dieu n’abandonne pas : et l’on retrouve le premier verset de notre lecture d’Ésaïe : consolez, consolez mon peuple ! Voilà la source de leur / de notre Espérance.

Mais Pierre va plus loin : Non seulement ses lecteurs attendent ce jour du Seigneur, mais ils peuvent « hâter » sa venue (v.12), non seulement par leur comportement quotidien mais par le respect qu’ils manifesteront envers le Seigneur.

Et cela nous amène au second verset qui a retenu mon attention.

Une nouvelle terre

Ce verset est gravé sur l’un des murs du temple du Villard-La Beaume : Nous attendons selon sa promesse, des cieux nouveaux et une terre nouvelle où la justice habitera.

Comment mettre ce verset en connexion avec vous hâtez sa venue et le v. 14 : en attendant ce jour, faites des efforts pour être sans défaut et sans tache.

Cette nouvelle terre n’est pas ailleurs, car la terre est une, mais sur « notre terre », où il se pourrait bien qu’il y ait la fin d’un monde et l’émergence d’un monde nouveau. Pour cela, nul besoin de s’épuiser à rechercher une inaccessible perfection, comme pourrait le laisser penser le v. 14. Il suffit d’écouter Jean Baptiste, notre 3° lecture de ce matin, dire à ceux qui le suivaient : Repentez-vous car le Royaume des Cieux s’est approché de vous[17].

Le repentir, c’est reconnaitre devant Dieu notre incapacité à lui être fidèle, à être « sans défaut et sans tache », et ce repentir nous permet alors chaque jour d’être en paix avec Dieu par le pardon qu’il nous accorde[18], c’est la conclusion de ce verset 14.

Mais où est-il, ce Royaume ?

Alors nous discernons plus clairement le sens du v.13 : ces nouveaux cieux et cette nouvelle terre, réunis en la personne de Jésus l’enfant-Dieu, dont en ce premier dimanche de l’Avent nous nous préparons à célébrer la venue, sont déjà parmi nous. C’est le sens de cet Emmanuel[19], et depuis son enlèvement c’est à nous qu’il a confié son Royaume, ici-bas[20].

En cette année particulièrement anxiogène, où confinés durant un trimestre, privés des relations familiales et amicales, assignés à résidence, sidérés par les images de violence qui défilent en continu sur nos écrans, condamnés à entendre dans l’angoisse la litanie morbide du nombre de morts quotidiens, nous cherchons en vain la lumière dans cette obscurité.

Et pourtant, des fidèles du Christ, petits et anonymes, avec peu de moyens et de faibles forces, se sont levés, sont allés au-devant de leurs frères en Humanité, au pied de leur immeuble, dans leur quartier, pour les soutenir dans leur lutte pour la survie quotidienne, mais surtout leur apporter une poignée de mains, un sourire, une parole fraternelle, parfois sécher quelques larmes, partager[21] leur souffrance, faire revenir la lumière. Et devant cet élan de fraternité, les moqueurs du v.3 en seront pour leurs frais.

Et peut-être que dans ces visages, dans ces regards, c’est le visage, le regard du Christ[22] que nous trouverons, car il est là, dans son Royaume que ces fidèles anonymes entretiennent jour après jour.

Ils ont transformé leur foi, en actions qui peuvent changer la vie. En même temps que leur espérance les place en attente du Règne de Dieu, leurs actions contribuent à « hâter sa venue ». Une espérance active, en ce temps de l’Avent, qu’il faut partager avec le plus grand nombre, pour changer le monde, faire advenir un monde nouveau, tourner la page de cet ancien monde, mais contrairement aux théories des collapsologues, ce ne sera pas la fin du monde, mais la fin d’un monde et l’avènement, ici-bas, de nouveaux cieux et d’une nouvelle terre, où la justice habitera.

Seigneur, que ton règne vienne, Amen !

François PUJOL

[1] Peu de temps avant Paul (en 67 ?) dans la vague de répression suite à l’incendie de Rome.

[2] Le « canon » du futur Nouveau Testament commence à s’ébaucher.

[3] Dont plusieurs relèvent également de la pseudépigraphie, en particulier les « lettres pastorales » : les 2 lettres à Timothée et la lettre à Tite.

[4] L’espérance de vie d’un adulte était de 34 ans pour les hommes et de 29 ans pour les femmes.

[5] Sa « Parousie », annoncée par Jésus lui-même en Mathieu 24,34 et par Paul dans ses lettres aux Thessaloniciens.

[6] Selon certains auteurs, il s’agirait de la communauté d’Alexandrie.

[7] v.1 : « Heureux l’homme qui ne prend pas le parti des méchants, … et ne s’assied pas au banc des moqueurs, au contraire, il aime l'enseignement du SEIGNEUR et le redit jour et nuit dans son cœur ! » ce qui accrédite l’idée que le rédacteur est bien d’origine juive.

[8] Grosso Modo !

[9] Lorsque l’on rencontre ce nombre, c’est pour indiquer une très grande quantité, innombrable : les étoiles, la postérité d’Abraham, le peuple d’Israël qui sera racheté à la fin des temps (voir méditation sur Apocalypse 7, du 1er Novembre).

[10] Hormis peut-être une petite larme de nostalgie de temps en temps ?

[11] Qui est au contraire une source d’espérance.

[12] En référence à Nombres 24,16

[13] Suivie d’une féroce répression dont les communautés chrétiennes furent des victimes « collatérales ».

[14] Ainsi, après Babylone, était advenue une nouvelle fois « l’abomination de la désolation» dont Jésus parlait devant le Temple (Matthieu 24, 15), citant lui-même le prophète Daniel (9, 27).

[15] Chap. 2 v.3 : « Et par leur cupidité, ils vous tromperont par des discours truqués, mais depuis longtemps déjà, leur condamnation est prête, et le malheur va rapidement tomber sur eux. »

[16] 2 Pierre 2, 9

[17] Matthieu 3, 2

[18] Luc 24, 47 : Jésus leur dit qu’il souffrirait, qu'il ressusciterait des morts, et que la repentance et le pardon des péchés seraient prêchés en son nom à toutes les nations,

[19] Emmanuel : « Dieu parmi nous »

[20] Comme ils fixaient encore le ciel où Jésus s’en allait, voici que deux hommes en vêtements blancs se trouvèrent à leur côté et leur dirent : « Gens de Galilée, pourquoi restez-vous là à regarder vers le ciel ? » (Actes 1, 10)

[21] « Le monde change chaque fois qu’il y a partage » (Abbé Pierre)

[22] « Toutes les fois que vous avez fait ces choses à l'un de ces plus petits de mes frères, c'est à moi que vous les avez faites ». (Matthieu 25, 40)