Prédications Protestantes dans les Alpes du sud 

Ce texte est la transcription d’une prédication prononcée par Charles LAVAUD (1881-1945), originaire de Trescléoux, durant son ministère pastoral (1906-1940), successivement à Alès, St Laurent du pape, Montélimar. Charles LAVAUD fut membre de la Brigade de la Drôme, avec Jean Cadier.

St Laurent 20 septembre 1914

Montélimar 22 novembre 1925

Lectures :

Matth. 12/38-45

Jonas 1/2-3

Chants

Ps 68/1

C. 22/1-2-5

C. 12/1-2-6

Des miracles !

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Cette génération méchante et adultère demande un miracle : il ne lui en sera pas donné d'autre que celui du prophète Jonas " - Matth 12-39

Croyez-vous aux miracles, m.fr. ? Mais certainement ! Nous tenons pour vrais les récits des actions merveilleuses accomplies par Jésus et rapportés par nos évangiles. Mais croyez-vous à la possibilité actuelle des miracles ; croyez-vous que présentement il s'opère ou peut s'opérer des miracles ? Et comme réponse j'imagine qu'un soupir anxieux s'échappe de votre poitrine : Ah ! Nous voudrions bien qu'il ait encore des miracles. Nous voudrions bien nous rassurer nous-mêmes en fermant la bouche aux adversaires. Si une manifestation grandiose de la puissance et de l'amour divin nous était

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donnée nous serions sûrs que notre foi est établie sur un fondement inébranlable, nous ferions bonne figure dans le monde et, qui sait, tout le monde serait avec nous. Vous faites monter à Dieu l'expression de ce désir sublime et fou ; Oh ! Si Dieu intervenait pour arrêter telle maladie, si Dieu était assez puissant pour entraver la marche de tels évènements ; si un signe éclatant apparaissait dans telle circonstance trouble, alors Dieu se montrerait véritablement Dieu.

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Alors, notre foi et notre amour s'affermiraient ; alors tous s'inclineraient devant Lui et, comme autrefois Thomas ayant vu le signe divin, s'écrieraient " Mon Seigneur et mon Dieu."

En un mot, pareils aux Juifs auxquels Jésus répondait, vous demandez un miracle, un miracle, des miracles ! Pour croire vous voulez voir. Je veux dire : avant de croire, vous voulez voir. Certes la foi n'est pas en opposition avec la vue ; il y a dans la foi un élément de vue. Qu'est-ce que cet effet que la foi sinon la vision, c'est à dire la vue anticipée, par avance, à l'aide d'instruments perfectionnés, de choses que le regard ordinaire ne discerne pas ? Et ne faut-il pas, pour établir notre foi, regarder, voir, avoir constamment devant les yeux, Jésus, le chef et le consommateur de votre foi ? Mais si la foi n'est pas opposée à la vue, si elle comporte un élément de vue, il ne s'ensuit pas que la vue précède

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la foi, il ne s'ensuit pas que la foi soit dans la dépendance de la vue. C'est le contraire qui est vrai. Au lieu de dire : parce que je vois, je crois, nous disons : parce que je crois je vois. Au lieu de voir avant de croire, nous croyons avant de voir, c'est pour voir mieux, plus clairement, que nous croyons. Et vous dites : Nous voulons voir un miracle et alors nous croirons. C'est bien là l'attitude de notre génération incrédule, plus incrédule que celle à laquelle Jésus avait à faire. Dans la demande faite à Jésus, ne devinez-vous pas le rire sardonique et malin, l'attente gouailleuse de ceux qui demandent un miracle. " Mais des miracles, il n'y en a pas, il n'y en a jamais eu. Pauvres esprits dont on a

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abusé, détrompez-vous enfin ! Et croyez-vous que si Dieu avait la puissance que vous lui attribuez, il ne serait pas déjà intervenu. En fait de miracle, il n'y a que ceux de l'activité humaine. Ne comptons que sur nous. De cela au moins nous sommes sûrs. Nous sommes sûrs que notre travail et notre intelligence ont produit les merveilles dont nous jouissons : télégraphe, téléphone, aéroplane, instruments et remèdes pour la guérison des maladies, productions géniales de l'esprit humain dans tous les domaines.

Ainsi s'exprime la

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génération incrédule par la voix de quelques uns. Et la sagesse semble parler par leur bouche. Ce qui jusqu'à ce jour, en effet, a permis les progrès réalisés c'est bien l'emploi de cette méthode, méthode scientifique, qui partant de l'observation des faits arrive à certaines conclusions qui font des lois absolues, inébranlables, immuables. Un fait est un fait ; on ne peut pas nier ce qui est. Cela seul est certain. Quand une chose est arrivée, je suis sûr de cette chose. Je le crois parce que je le vois. Inutile donc de demander des miracles. Ne vous morfondez pas dans une attente vaine. Des miracles il n'y en a pas ; il n'y en a jamais eu ; il n'y en aura jamais. Nous en jetons le défi à votre Dieu.

Et Dieu, que répond-il ? Jésus prétend être l'interprète de Dieu. C'est donc la réponse de Jésus qui sera la réponse de Dieu, réponse bonne pour la génération d'autrefois et aussi pour celle d'aujourd'hui.

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Cette génération demande des miracles, il ne lui en sera pas donné d'autres que celui du prophète Jonas ? Au premier abord, et si nous n'avions à faire à Jésus dont la loyauté de caractère est au-dessus de tout soupçon, cette réponse nous paraîtrait ambiguë ; quelques- uns diraient : c'est une échappatoire. Examinons-la de près. J'ose vous dire par avance, qu'elle est de nature à satisfaire les plus difficiles ... ou plutôt non, elle mécontentera le plus grand nombre, mais elle les fera taire.

Il y a 2 choses dans cette réponse. En premier lieu : un refus. Vous demandez des miracles : vous n'en aurez point. Étrange façon de vaincre l'opposition. Évidemment ce n'est pas la méthode humaine, ce n'est pas la méthode scientifique. Reste à savoir si cette méthode divine et spirituelle ne vaut pas la méthode humaine et scientifique. Or elle lui est supérieure, elle a une portée autre-

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-ment plus grande et haute. Un mathématicien, un savant aurait dit : Comment, comment, vous ne croyez pas à mes affirmations ? Mais je vais vous en démontrer la valeur ; je vais vous donner la preuve que j'ai raison ! Et par des expériences bien conduites reposant sur des faits vérifiés, il aurait prouvé la solidité de son argumentation. Et devant cette démonstration tout esprit eut été contraint d'admettre les affirmations produites comme des vérités ou bien de passer pour un fou. Mais quand cette démonstration aura été faite, quand les esprits auront été convaincus, entre le savant et ses élèves, n'y aura-t-il pas eu un rapprochement ? Les cœurs et les volontés seront-elles plus unies ? Non ! Que dis-je entre celui qui aura eu raison par la démonstration évidente de la résistance de l’autre, et cet autre il y aura peut-être une animosité de plus, car ordinairement (le cœur de l'homme est ainsi fait) on ne supporte pas qu'un autre ait raison et sorte

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victorieux d'une discussion. Or Jésus, l'être spirituel et divin, recherche non l'adhésion de l'esprit mais l'adhésion du cœur, de la conscience et de la volonté. Ce qu'il veut ce ne sont pas des cerveaux qui pensent comme lui ou des imaginations surexcitées, ce sont des cœurs qui l'aiment, des volontés qui le servent par amour. Aussi n'emploie-t-il pas la méthode humaine qui aboutit certes à convaincre l'intelligence mais qui ne dompte pas et ne change pas le cœur. ; qui même contrecarre l'élan du cœur puisqu'elle aboutit à une contrainte où la volonté ni le cœur n'ont pas à intervenir. C'est une loi qu'on subit. Il faut admettre ce que la science édicte ou se résigner à passer pour ignorant ou fou. Il n'y a pas de choix. Jésus, Lui, ne se contraint pas par une évidence absolue ; il ne veut pas s'imposer. Il se propose et on peut lui résister. En cela est la beauté, la grandeur, la sublimité de sa religion. En cela est la nouveauté ou plutôt l'épanouissement de la religion divine

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qui, partie de la loi, (il fallait bien au commencement mettre au niveau de l'homme et parler le langage compris par les hommes) aboutit à la grâce, au don du cœur, c'est à dire à l'amour. Donc pas de miracle pour convaincre les âmes à croire. Voilà la réponse de Dieu, réponse seule respectueuse de l'âme humaine, réponse qui seule donne à l'âme conscience de sa dignité, de sa liberté en la dégageant du mécanisme avilissant dans lequel voudrait la tenir la méthode humaine. Réjouissons-nous et glorifions Dieu de ce qu'il nous estime assez, assez haut pour nous traiter de la sorte.

Et que personne ne dise que Jésus se dérobe : pas d'action merveilleuse propre à exciter l'imagination, pas de preuve irréfutable propre à contraindre les esprits, mais tout de même un signe, une marque, une trace de l'action divine, un miracle donc, mais bien différent de celui qu'on attend : c'est le miracle du prophète Jonas. Voila ce qu'il y a encore dans la réponse du Seigneur Jésus. Et à cette réponse ... inattendue, vous jugez de la stupéfaction des interlocuteurs ; vous la

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mesurez à votre propre stupéfaction - Jésus semble se jouer de ses adversaires ; on dirait qu'il leur propose une énigme. Ce n'est pas un jeu pourtant ; il s'agit là d'une chose trop sérieuse, d'une vérité trop profonde et trop belle, il faut seulement pour la découvrir avoir le sens spirituel qui permet de sonder les choses spirituelles. Le miracle du prophète Jonas ? Quel est-il ? Vous le connaissez ou vous croyez le connaître : " Jonas demeura 3 jours dans le ventre d'un grand poisson, puis il en ressortit vivant. Ainsi, explique l'évangéliste, Jésus devait demeurer dans le tombeau et en ressortir vivant. Autrement dit: c'est le miracle de la vie : le miracle : c'est le Christ vivant.

Mais le miracle du prophète Jonas n'est pas tout entier dans cette puissance de la vie. Ce n'en est là que le germe, que la condition. Le vrai miracle c'est Jonas prêchant aux habitants de la ville de Ninive - ce qu'il avait refusé de faire - et à sa prédication de repentance, les ninivites se convertissant - ce que

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Jonas avait refusé de croire. Jonas avait refusé de croire. Le miracle c'est donc sa puissance de vie ayant raison des conditions défectueuses dans le ventre du poisson, et ce qui est mieux, plus extraordinaire et plus divin encore, ayant raison de l'iniquité de tout un peuple et l'amenant au salut ; miracle répété et amplifié, porté à la suprême puissance par Jésus, vainqueur, Lui, non seulement du tombeau et retrouvant sa vie corporelle mais ce qui est mieux et plus extraordinaire et plus divin encore vainqueur par sa mort et sa résurrection de l’âme humaine, de toute âme d'homme de quelque époque ou de quelque pays qu'il soit. Le seul miracle auquel Jésus consente c'est en mourant et en ressuscitant de sauver las âmes.

Commencez-vous maintenant, m.fr. à entrevoir la sublimité de la réponse divine. Ah ! S’il en était parmi vous qui aient réclamé un miracle par vaine curiosité - ou même ce qu'après tout Jésus tolère puisqu'il y répond parfois par l'exaucement - s'il en était

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qui avait réclamé un miracle de délivrance - que ceux-là élèvent plus haut leurs pensées, qu'ils se dégagent du matérialisme naturel dans lequel ils sont enveloppés, qu'à travers les voiles, les obscurités de toutes sortes ils contemplent le miracle du Christ vivant et agissant, du Christ Sauveur. Vous demandez un miracle ? En voici un toujours actuel : il est étonnant par sa durée. Depuis 2000 ans, il n'a pas cessé un seul instant, en voici un extraordinaire par son étendue : du pôle Nord au pôle Sud, de l'extrême Orient à l'extrême Occident, il n'y a pas d'autre nom sur la terre par lequel les hommes puissent être sauvés. En voici un exorbitant, formidable par sa répercussion : d'un mort il fait un vivant, d'un être avili, dégradé, souillé il fait un enfant de Dieu pur et joyeux. D'une Madeleine il fait une Sainte, d'un Saul de Tarses, il fait un Paul apôtre ; d'un jeune débauché il fait un Saint Augustin, d'une âme de païen plus noire de crime que la peau

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de ce païen, il fait une chose exquise, délicate et fraîche, et pour vous montrer que ce miracle éternel, infini et puissant est ce qu'il y a de plus authentique, de votre âme, de ton âme, frère et sœur, âme d'impur, âme d'avare, âme d'orgueilleux, âme d'égoïste, âme d'homme et de femme qui n'a rien à se reprocher - ce qui est bien le pire de tous les états - de ton âme, dis-je il est encore capable de faire une fille de Dieu pour l'éternité.

Le miracle de Jonas ! Mais ce sera le Christ vivant surgissant du tombeau de l'oubli dans lequel vous l'avez enseveli jusqu'à ce jour, se présentant à vous avec toute sa sainteté et tout son amour. Or l'amour c'est la vie - car l'amour est plus fort que la mort - et vous montrant par contraste, votre péché hideux. Ce sera le Christ vivant se débarrassant des bandelettes et des linges mortuaires, des déceptions, des douleurs, des deuils, des écœurements qui vous empêchaient de voir et de reconnaître

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son visage adorable et vous montrant à travers son sourire sa compassion infinie. Ce sera le Christ vivant qui roulant et même brisant les pierres sépulcrales du formalisme, de l'assistance au culte pour la forme, de la lecture de la Bible superstitieuse, des prières qui ne sont que de vaines redites, s'établira enfin en vous, dans votre cœur, au plus profond, et là détruira, consumera tous les instincts, les désirs malsains qui le souillaient et à la place de ces cadavres de démon s'introduira pour y régner Lui, avec sa pureté, son amour et sa joie. En un mot le miracle de Jonas ce sera le Christ vivant en vous et vous faisant vivre d'une vie renouvelée et en quelque sorte divinisée.

N'avais-je pas raison de vous dire que cette réponse était de nature à faire taire toutes les objections. Qui donc maintenant oserait demander des comptes au Christ ? Qu'ils viennent les adversaires et qu'ils se mettent en face

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de ce Christ, nouveau Jonas plus étonnant que le premier. Qu'ils le regardent, qu'ils l'observent, l'étudient, le sondent, le fouillent puis, après l'avoir ainsi retourné et laissé intact (car en Lui rien n'est à reprendre) qu'ils le placent, tel quel dans son authenticité, dans sa vérité la plus absolue, qu'ils le placent dans le cœur d'un homme, quel qu'il soit, fut-ce le pire des hommes qu'ils l'introduisent dans leur propre cœur et après avoir accompli cet acte de foi, ils verront eux-mêmes cet homme régénéré. Et s'ils n'en veulent pas pour eux-mêmes qu'ils en cherchent de ces hommes autour d'eux, ils en trouveront- il y en a. Que ce Christ véritable, ils le placent ensuite dans la famille comme épurateur de l'amour conjugal, comme inspirateur de l'éducation des enfants, comme but sublime des efforts de tous. Que leur propre famille donne l'hospitalité à cet hôte divin et après avoir accompli cet acte de foi et après avoir accompli cet acte de foi, ils verront leur famille jamais divisée, pas même par la mort. Et s'ils n'en veulent pas pour

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eux-mêmes qu'ils regardent autour d'eux. S'ils n'ont pas peur d'y croire ils trouveront de ces saintes familles, il y en a.. Que dans la société, ils fassent au Christ la place qui lui revient, la première et au lieu d'arrivistes, de séducteurs, de fraudeurs, au lieu du mensonge universel parlé et surtout vécu, générateur de scandales et de haines, ils verront une société harmonisée dont les membres ne seront qu'un cœur et qu'une âme liés les uns aux autres comme les membres d'un même corps le sont entre eux pour le bien de ce corps. Et s'ils ne veulent pas accomplir cet acte de foi, qu'ils regardent autour d'eux ; ils trouveront - car il y en a - des membres de la société pour qui le sacrifice n'est pas un vain mot et qui travaillent, dans la foi et l'espérance, à l'établissement de la société future, ici-bas ou là-haut.

Mais ces opposants ne sont pas là pour entendre nos objurgations. Que faudra-t-il alors pour les convaincre ? Qui donc les obligera à se

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taire ? Qui ? Vous, mes chers auditeurs. Le miracle éternel, infini et tout puissant de Christ vivant, vous le montrerez dans votre propre vie.

            Je comprends pourquoi ils sont si audacieux les adversaires. C'est parce qu'autour d'eux, tout près d'eux, dans leur famille, ils n'ont pas vu le miracle. Sans doute il existe le 

miracle, au Japon, en Chine, en Amérique, à Madagascar, dans une autre localité, dans une autre famille. Mais devant eux, tout près d'eux, chez eux, ils n'ont rien vu. À vous donc maintenant de le leur montrer. Donnez-vous, livrez-vous au Christ rédempteur et régénérateur. Que ce Christ vivant vous change. Qu'il fasse de vous un être nouveau et bon, en travail de Sainteté. Ils croiront eux qui ne croient pas, car alors ils verront, ou peut-être non. Ils ne croiront pas plus car la foi ne naît pas de la vue. Mais vous verrez votre joie grandir car la foi donne la vision des [splendides ? ] réalités du ciel, et il vaut bien la peine de croire pour voir cela.