Prédications Protestantes dans les Alpes du sud
Ce texte est la transcription d’une prédication prononcée par Charles LAVAUD (1881-1945), originaire de Trescléoux, durant son ministère pastoral (1906-1940), successivement à Alès, St Laurent du pape, Montélimar. Charles LAVAUD fut membre de la Brigade de la Drôme, avec Jean Cadier.
Alès 25 décembre 1912, Noël après midi
Montélimar 27 décembre 1925
Lectures
Luc V/1-20
Éphésiens 4 /7 à 16
Philippiens 2/1 à 18
Chants
C. 102/1-2-5
C. 133/ 1-3
Une grande joie * Luc 2 -10
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F°1
M.fr.
Nous parlons habituellement de la joie de Noël. Nous reprenons ainsi l'idée venue du ciel et apportée à la terre par les anges lorsqu'ils disaient : " Voici une bonne nouvelle qui sera pour tout le peuple le sujet d'une grande joie." La bonne nouvelle, le sujet de cette joie, c'est l'apparition de Jésus, le don de Dieu à l'humanité anxieuse et triste. Il y a 2 jours déjà vous vous êtes réjouis avec la foule ; plusieurs se sont approchés de la Table Sainte pour goûter plus intimement et plus profondément la joie de la communion divine. Mais, vous en avez tous l'intuition plus ou moins nette, il ne s'agit pas de la joie d'un jour. Il ne s'agit pas de subir la contagion d'une foule en délire, qui ignore même pourquoi elle est joyeuse, ne voit dans cette journée qu'une occasion de repos, repos physique et détente morale, et trouve dans l’entraînement général l'oubli momentané de ses soucis accumulés. Il ne s'agit pas non plus, dans une heure de recueillement et de compagnie divine de s'isoler du reste du monde et puis, cette heure passée, de n'en garder que le souvenir et par conséquent le regret en se chargeant à nouveau du fardeau journalier. Non, la joie d'un jour - quand elle est la joie de Noël - devient et demeure la joie de tous les jours. " Soyez toujours joyeux," disait l'apôtre qui vivait en Christ. Voila le culte d'action de grâces qu'il convient de rendre à Dieu. Ce sera
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F°2
manifester au Seigneur notre reconnaissance que de garder la joie donnée au monde en ce jour ; ce sera lui montrer que nous comprenons la valeur immense du don fait à l'humanité. Mais comprenons-nous réellement la valeur de ce don ? Jamais évidemment nous n'en pourrons mesurer l'immensité. Mais comprenons-nous au moins ce qui sera changé dans notre vie ? Laissons de côté cette fois l'action générale de Jésus dans le monde. C'est à nous qu'il faut tout rapporter. Disons-nous C'est pour nous que Jésus est venu ; pour chacun de nous individuellement. Nous rendons-nous bien compte alors de la valeur de cet élément nouveau introduit dans notre être quand un Noël spirituel s'est produit en nous, la naissance du Fils de Dieu dans notre coeur ? Essayons de le savoir ce matin. Analysons la joie que Jésus nous donne ; demandons-nous si elle vaut véritablement pour toute la vie, du commencement à la fin, pour tous les actes de la vie. À ce prix seulement nous pourrons l'appeler une grande joie.
T Dans le cours de l'existence humaine, nous distinguons aisément trois moments ou plus exactement trois points qui se retrouvent en tout et partout, dans chaque acte particulier aussi bien que dans l'existence considérée dans son ensemble et qui, suivant la manière dont ils sont remplis apportent tristesse ou joie : ces trois points ce sont d'abord la connaissance, la lumière, la vision. En second lieu : l'action, l'effort, la lutte, enfin le terme, le but, succès ou échec, épanouissement ou mort. Quand Jésus-Christ est introduit dans la vie la joie s'infiltre partout, s'implante, s'établit, y transformant, illuminant tout. Jésus apporte d'abord la lumière et avec la lumière la joie.
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F°3
Vous pouvez comprendre sans peine que lumière et joie vont ensemble. Rappelez-vous l'histoire de l'aveugle-né guéri un jour par Jésus. Ne rien voir quelle triste chose. Ignorer le splendeurs du jour, la clarté du soleil, les couleurs variées dispersées dans la nature, l'étincellement des étoiles au firmament, et tout ce que Dieu a placé sur la terre et dans les cieux et qui chante la gloire de ce Dieu. Ne rien voir même de ce que les hommes à côté de soi ont fabriqué d'ingénieux, d'utile et de beau ; user de tout et ne jouir de rien, ne servir à rien mais être à charge, quelle douleur ! Ah ! comprenez-vous toute la joie contenue, mais vibrante qui perce dans ces mots de l'aveugle enfin guéri. "J'étais aveugle et maintenant je vois." Comprenez-vous que rencontrant celui qui l'a délivré, et le voyant, il croie en lui comme Fils de Dieu et se prosterne ? Ah ! Cette fois il voit, mais la lumière qu'il a trouvée dépasse le champ ordinaire de la vision. Il voit, il voit les objets autour de lui, les arbres, les champs, les constructions, la ville et ses boutiques achalandées, les étalages des marchands, l'éblouissement de la civilisation et des hommes, leurs visages, l'expression de leurs traits, l'éclat de leurs yeux et à travers, il découvre même leur âme, leur cœur. Et quand il se trouve en face de Jésus, l'interrogeant : "Crois-tu au Fils de Dieu ? " et ajoutant " Tu l'as vu ; c'est lui qui te parle ? " il n'a pas de peine à le reconnaître : il voit, il voit de ses yeux et de son regard délié il perce jusqu'au fond du regard et de l'âme de Jésus et y découvre ce que les autres n'ont pas su y découvrir : " Le Fils de Dieu." et s'écrie : je crois Seigneur. En se prosternant.
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F°4
Quelle joie ! Si Jésus n'était pas venu ; il eut continué à ne point voir ; il n'aurait rien vu, ni le monde, ni les hommes, ni surtout le Fils de Dieu. Lumière et Joie c'est tout un pour lui. Et pour nous ? Qu'en est-il ? En est-il ainsi ? Il peut n'en être pas ainsi. Jésus continuant à parler dit en effet : "J'ai apporté ce jugement dans le monde : Que ceux qui ne voient point voient, et que ceux qui voient deviennent aveugles." Et comme les pharisiens, des auditeurs lui demandent s'il les considère comme aveugles. Et Jésus leur répond : "Non vous n'êtes pas aveugles, vous voyez et c'est pour cela que votre péché subsiste. Ceux-là ce sont des coupables, qui ne veulent pas se rendre à l'évidence. Ils ont Jésus devant les yeux. Ils voient sa pureté, ils connaissent son amour pour les malheureux et les faibles, ils voient le rayonnement de sa divine beauté, mais ils ne veulent pas en convenir. Ah ! C'est que la lumière a projeté un jour fâcheux à leur gré sur leur péché, leur orgueil, sur leur justice propre, sur leur amour des hommes, sur leur inimitié secrète mais bien réelle contre Dieu, et le Fils de Dieu, et les choses de Dieu. Car Jésus éclaire aussi d'une lumière éclatante, d'autant plus éblouissante qu'elle jaillit au milieu de régions ténébreuses, Jésus éclaire, fait paraître et met en évidence le péché, le mal qui aime, lui, à se tenir dans l'ombre. Et c'est alors qu'on ferme les yeux, devenant volontairement aveugle. Oh ! m.fr je n'ai pas le droit de dire à aucun de vous, vous êtes-vous de ceux-là. Mais s'il y en a qui ne veulent pas voir à la lumière que Jésus projette dans leur vie et qu'ils ne se réclament pas à Jésus La joie de Noël n'est pas pour eux.
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F°5
Ne vous y trompez pas en effet. C'est pour votre joie que Jésus paraît. Et sans doute cela fait souffrir l'homme de voir son erreur, son iniquité, son péché ; mais vous savez bien que Jésus ne révèle pas que cela. Il faut qu'il révèle cela ; mais pour mieux faire éclater l'amour divin. Il faut bien voir l'obstacle pour le supprimer ; et puis quand il est supprimé la route devient lumineuse. Oh ! Toi, mon frère, qui a reçu ton Sauveur, n'es-tu pas transporté d'allégresse ? Vois : plus d'erreur, plus de faux jugement sur ton propre compte ; tu sais à quoi t'en tenir sur ta valeur. À la clarté divine tu vois dans ton âme toutes les souillures, toutes les oppositions que ton œil se refusait à voir. Quand des forteresses établies à terre, le projecteur électrique balaie d'un puissant faisceau de lumière la mer qui s'étend, aucun navire entré dans le rayon lumineux ne peut échapper, et quand Jésus a pénétré dans ton âme, tu vois ton âme à nu, aucun mal ne peut s'y dissimuler. N'y a-t-il pas là de quoi se réjouir ? Et ne vois-tu pas en même temps le chemin qui s'ouvre ? Livré à tes propres moyens tu allais à tâtons. Sans doute ton intelligence, ta perspicacité, ta prévoyance étaient actives et parfois c'était avec succès. Mais quand d'autres fois intelligence, perspicacité et prévoyance étaient déjouées par des événements inattendus, c'était alors la déroute ; et surtout, si tu voulais voir jusqu'au fond, jusqu'au bout de la vie, tu ne voyais que la mort, le trou noir de l'abîme. Mais Jésus vient en toi et voici tu comprends le pourquoi des événements les plus incompréhensibles. Ils ne te paraissent plus étrangers, contradictoires. Tu sais y discerner la pensée divine, tu reconnais qu'ils concourent tous, quels qu'ils soient, à ton bien, et voici même tu te sens doté d'un sens nouveau de pénétration qui te fait éviter ce qu'il faut éviter, qui te fait accomplir ce qu'il faut accomplir, qui te fait discerner en quelque sorte les pensées de Dieu, qui te fait voir comme Dieu voit, aimer comme Dieu aime, par conséquent et aussi agir comme Dieu agit. Oh ! Quelle joie d'avoir Jésus en soi, en soi au point de dire : ce n'est plus moi mais Christ en moi. Quelle joie, j'étais aveugle et je vois.
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F°6
II - Voir n'est pas tout. Il faut encore pouvoir. Or voir, savoir et ne pas pouvoir c'est le contraire de la joie. C'est éprouver une tristesse d'autant plus grande que l'espérance née dans la vision était vive. C'est pourtant le sort ordinaire des efforts humains. Avec Jésus seul, la puissance est au service de la foi et de l'espérance. Et cette puissance apporte, renforce, complète la joie. La joie que Jésus donne est faite de la force qu'il communique aux siens : "Hors de moi, disait-il, vous ne pouvez rien." Et c'est bien vrai. Car il s'agit, vous le comprenez, d'actes producteurs de vie et de bonheur. Hors de Jésus on fait beaucoup de choses : on gagne de l'argent, on acquiert des connaissances, on fait des découvertes, ce qu'on appelle le progrès ne demande pas son inspiration à l'Esprit du Christ ; mais regardez donc, l'argent, la connaissance, la vapeur, l'électricité, l'aviation ont-ils rendu les hommes meilleurs ? Eh Non ! ils ont trouvé là de nouveaux moyens de manifester le fond mauvais qui était en eux ; leur égoïsme a trouvé là de merveilleuses occasions de se développer et de se déchaîner. Il y a aujourd'hui autant et plus de coquins qu'autrefois : l'argent, la science, les découvertes n'ont pas empêché les hommes de pleurer, ni de mourir. Au contraire ils ont été instruments de nouveaux maux, ils ont accru la faculté de souffrir, en sorte qu'aujourd'hui autant et plus qu'autrefois on souffre, on pleure, on meurt. Hors de Jésus donc rien, rien qui dure, rien qui améliore, rien qui transforme. Même ce
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F°7
que l'on a pris à Jésus, sa morale, ses préceptes de bonheur sa charité ne donnent rien quand cela est pratiqué hors de Lui, hors de Lui il ne reste que l'effort stérile. Le cœur de l'homme ressemble à l'oiseau aux ailes brisées.
Il s'envole, il aspire un torrent d'étincelles,
Toujours plus haut enflant son vol tranquille et fier
Il monte vers l'orage où l'attire l'éclair...
Mais la foudre d'un coup a brisé les deux ailes.
Avec un cri sinistre il tournoie, emporté
Par la trombe, et crispé, buvant d'un trait sublime
La flamme éparse, il plonge au fulgurant abîme.
C'est l'histoire sans cesse répétée depuis qu'Adam tenta de se passer de Dieu pour obtenir sa vie en dérobant le fruit de l'arbre de la connaissance du bien et du mal, histoire renouvelée par l'humanité orgueilleuse au pied de la tour de Babel qui prétendait atteindre aux cieux en amoncelant les pierres des unes sur les autres, histoire vécue aujourd'hui encore par des aviateurs qui veulent transporter leur corps à travers l'espace ou par ces aviateurs spirituels qui essaient de surprendre secret de Dieu en le cherchant dans leur pauvre petit cerveau. Et Non. Rien n'est possible, rien ni la vie, ni le bonheur qui donne à la vie sa raison d'être, rien ne se peut pour l'homme hors de Jésus ; car hors de Lui, le mobile c'est l'orgueil ; c'est la jouissance basse, c'est la fortune, c'est la gloire, c'est l'ambition, c'est peut-être l'amour, mais un amour qui n'est pas l'amour au sens divin et vrai car l'amour sur terre c'est prendre pour soi, tandis que l'amour qui vient du ciel c'est donner, donner de soi, se donner tout entier.
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F°8
Ah ! Qu'il y en a de ces fatigués, de ces chargés, de ces surmenés, de ces épuisés qui n'ont au bout du compte que le dégoût, la grande lassitude de la vie ! Et par contre qu'il y en a peu, mais qu'ils sont forts, mais qu'ils sont grands, mais qu'ils sont heureux ceux qui ont reçu Jésus et l'ont introduit dans leur vie ! Ils font moins de bruit que les autres, ils passent inaperçus dans la foule, mais ils demeurent et les œuvres demeurent. Ils sont forts ceux-là parce qu'ils travaillent dans l'amour et par l'amour. Or l'amour c'est une vérité éternelle. L'amour est plus fort que la mort. Le service, l'activité produite par l'ambition, par la convoitise de la gloire, de la fortune, du plaisir est à la merci des événements, d'un insuccès, d'une maladie, de la mort en tous cas. Le service né dans l'amour domine les événements, les échecs, les faiblesses physiques, la mort elle-même. O toi, mon frère, qui as connu Jésus et l'as reçu pour ton sauveur c'est à dire comme ton [inspirateur] n'est-il pas vrai que rien au monde n'arrêtera ton élan, rien n'étouffera ton enthousiasme, rien ne détruira ton action, car celui qui est en toi tu l'aimes. Tu ne le sers pas en esclave, mais en ami ; Dieu n'est plus ton maitre, c'est ton Père ; tu n'es plus le serviteur, tu es le Fils depuis que Jésus est en toi. Et je comprends alors ta joie ; ta joie dans le travail, ta joie dans l'opposition, ta joie dans l'insuccès, ta joie quand tu mourras ; ta joie semblable à celle du Christ lui-même à l'heure où la croix le tenait mais où il pouvait s'écrier : " Tout est accompli." de sa mort même en effet il faisait une victoire. Et toi aussi, de toute ta vie en Christ, tu fais une victoire et tu t'écries : "Je puis tout par celui qui va me fortifier." Quelle joie !
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F°9
Et tout au bout, encore la joie, une joie éternelle. Voir son chemin, accomplir son devoir donnant de la joie, mais posséder, réaliser pleinement sa destinée c'est la joie totale et celle-là est pour ceux qui sont en Christ. C'est le ciel, mais le ciel est déjà sur la terre - "Celui qui a le Fils a la vie." Il a présentement, actuellement. Sa foi et sa lutte vous font peut-être croire que ce jour est encore lointain où il jouira de la vie ? Eh bien, non ! Sa foi et sa lutte sont la preuve qu'il a la vie, et comme Dieu donne à celui qui a, plus il avance et plus il possède. Il se produit en sa faveur une accumulation extraordinaire à son capital de joie et de vie, productifs de nouveaux intérêts en sorte que le jour vient où extraordinairement enrichi de cette joie et de cette vie divine il se trouve tout naturellement sans a coup au dessus de la condition terrestre ordinaire, il est pour ainsi dire dans le ciel ; le Père n'a plus qu'à l'appeler doucement, tendrement, et pour lui alors le ciel se continue de l'autre côté. N'est-ce pas ce qui s'est passé pour Jésus au jour de l'ascension ; n'est-ce pas ce qui s'est passé pour plusieurs, pour beaucoup de ses élus ? Oh ! Quelle joie qu'une telle vie ! Ajouterais-je la description de ce qui se passe alors dans la maison du Père ?
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F°10
Ce serait folie de l'essayer. Nous pouvons seulement dire : C'est la joie dans la plénitude. La joie comme l'a connue le Père du Fils prodigue quand il dit : " Mon fils était perdu et il est retrouvé." la joie comme la décrit l'auteur de l'Apocalypse en des images d'une extraordinaire splendeur...
Fr. et S. gardez en vous cette joie. Elle vous a été présentée par le petit enfant venu du ciel pour répandre sur les hommes les dons du ciel... Gardez cette joie... Mais pour la garder, veillez et priez. Ne vous fiez pas aux impressions d'une heure, d'un jour. Souvenez-vous de votre faiblesse naturelle. Veillez et priez pour demeurer en Christ, afin que sa joie demeure en vous.