Prédications Protestantes dans les Alpes du sud
Ce texte est la transcription d’une prédication prononcée par Charles LAVAUD (1881-1945), dont la famille est originaire de Trescléoux, durant son ministère pastoral (1906-1940), successivement à Alès, St Laurent du pape, Montélimar. Charles LAVAUD fut membre de la Brigade de la Drôme, avec Jean Cadier.
Dimanche 10 mai 1914
St Laurent, Culte d’installation
Élargissez votre cœur (2 cor. 6 / 11-13)
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F°1
M. fr. ne trouverez-vous pas trop audacieux que déjà aujourd'hui, avant même de vous connaître, j'émette la prétention de parler en ma faveur ? Ne sera-ce pas en quelque sorte, une infidélité jointe à un manque de tact ? Cette chaire va-t-elle devenir le piédestal sur lequel je me présenterai moi-même, en dépit de l'affirmation apostolique : " Ne nous prêchons pas nous-mêmes", parole qui devrait être pour tout pasteur, un mot d'ordre irréductible.
Au lieu de m'oublier moi-même, vais-je oublier celui dont je ne dois être que le messager et derrière lequel je dois disparaître ? Vais-je en un mot faire mes propres affaires et non plus celle de Jésus-Christ ? Telle n'est point mon intention !
Certes, je veux vous parler en ma faveur et vous supplier de m'ouvrir largement vos cœurs ; mais, remarquez-le, c'est dans la parole de Dieu que j'ai trouvé le sujet de cette exhortation, et c'est l'exemple d'un St Paul qui m'y autorise.
L'apôtre n'a pas craint de parler de lui à plusieurs reprises ; il a osé se mettre en scène. Pensez-vous qu'il fut en contradiction avec lui-même ? Pensez-vous qu'en ces occasions il ne fut pas l'interprète de la pensée divine et le prédicateur toujours fidèle de l'Évangile ?
Au contraire, par ce moyen il suscitait dans l'âme des chrétiens les sentiments les plus conformes à l'esprit de Jésus-Christ ; par là il appelait les fidèles à l'accomplissement de ce commandement qui domine tout l'Évangile, qui l'inspire et le remplit " Tu aimeras "
Eh bien permettez-moi, dès notre première rencontre, pour bien établir les relations qui doivent exister entre nous de faire une application spéciale du commandement d'amour et de traduire à votre usage particulier le " Tu aimeras ton prochain " en " Tu aimeras ton pasteur" Et en vérité, pour un membre de l'église, qu'y-a-t-il
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F°2
de plus prochain, de plus proche que son pasteur ? Vous me le permettrez d'autant plus que je ne suis pas St Paul, ni si éloquent, ni si ardent, ni si persuasif, ni si intimement lié au Christ Sauveur, ni si bon pasteur, par conséquent ! Ah ! St Paul quel pasteur ! il ne devait pas être difficile d'aimer un tel pasteur !
Mais que je suis éloigné de l'idéal qu'il représente ; comme je comprends que vous aurez parfois de la difficulté à me donner l'affection que je réclame. C'est pourquoi souffrez que je vous y aide en vous présentant quelques-uns des motifs qui entraîneront votre amour pour moi.
I - Dites-vous tout d'abord que le pasteur est un homme, par où j'entends un membre de la société humaine, un être qui a besoin de la société de ses semblables. Pas plus pour lui que pour les autres, il n'est bon d'être seul.. et pourtant, à l'ordinaire, le pasteur est un isolé. Je ne dis pas un solitaire ; je dis un isolé. Le solitaire est celui qui se tient à l'écart des autres ; l'isolé est celui que l'on tient à l'écart. Or le pasteur est tenu à l'écart des autres hommes. Il voudrait bien, lui, rétablir le contact ; il voudrait bien se laïciser, mais la nature de ses fonctions, la direction de ses idées, en font malgré lui et malgré tout un être à part. À mesure que lui avance, se rapproche, tend les mains, les autres s'écartent, font le vide. C'est un homme religieux - et aujourd'hui tout ce qui est religieux est banni de la société vivante. Cela se conçoit d'ailleurs. S'il en était autrement, cela serait inquiétant. Si le monde nous aimait, c'est que nous serions du monde. Jésus, que nous servons, nous a prévenus : " Si vous étiez du monde, dit-il, le monde aimerait ce qui serait à lui ; mais parce que vous n'êtes pas du monde, et que je vous ai choisis au milieu du monde, à cause de cela, le monde vous hait." C'est bien vrai ! Nous gênons ceux du monde ; les choses
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que nous disons les condamnent ; les idées que nous présentons les choquent, l'attitude que nous observons les entrave. Ne nous étonnons donc pas d'être rejeté ; qu'on nous laisse seul ! Seuls ! Et c’est pourtant nous, nous presque uniquement, qui faisons retentir dans le monde la parole qui sert de lien, de ciment dans toute société : "Aimez-vous les uns les autres ! " Nous qui, par la prédication de l'amour, travaillons à unir entre-eux des individus séparés par l'égoïsme ; nous qui fondons sur l'amour des sociétés désorganisées par la haine ; c'est nous qu'on laisse seuls. Et la solitude, vous le savez, est une souffrance, une grande souffrance. On souffre et on pleure quand habitué à vivre entouré d'un compagnon, d'une compagne et d'enfants chéris, on voit peu à peu le groupe familial se désagréger - quand la mort, un à un, les a tous ravis et quand on se retrouve seul, dans sa solitude, on pleure. On souffre et on pleure encore plus quand la solitude est non plus de la mort, mais de l'indifférence, quand l'amour se change en froideur ou en haine, quand de deux êtres longtemps unis l'un se sépare de l'autre par le cœur et s'en va, ô suprême douleur, apporter son cœur à une autre . Dans cette solitude plus affreuse que la première on pleure des larmes d'autant plus amères que personne ne les soupçonne. La solitude du pasteur a quelque chose de cette amertume. Il sait bien, quand il est aimé par le monde, que ce que l'on aime en lui c'est peut-être un caractère aimable, un abord accueillant "l'homme du monde" mais le pasteur, "l'homme religieux", est laissé seul et cela le fait souffrir et met au cœur une tristesse que personne ne soupçonne.
Mais repoussé du monde, il sera au moins, il doit être entouré par les chrétiens. Les chrétiens se feront un devoir de remplir sa solitude. Ils viendront auprès de lui pour lui faire oublier le mépris de la foule ; eux, loin de le traiter comme un être à part, ils lui donneront le sentiment d'être un membre honoré de leur famille.
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Car les chrétiens forment bien une famille, n'est-il pas vrai ? Ils doivent en tous cas, former une famille. Ah ! un mot que j'affectionne par dessus tout, où je mettrai tout mon cœur chaque fois que j'aurai le privilège de m'adresser à vous de cette chaire ; un mot pourtant qui est devenu banal pour vous à force d'être entendu, mais qui me fait toujours tressaillir d'aise quand je le prononce, c'est celui de frères. "Mes frères". Sentez-vous toute la richesse contenue dans cette expression ? Nous sommes des frères, vous et moi ; nous sommes de la même famille, nous avons part aux mêmes privilèges, aux mêmes promesses, aux mêmes grâces, puisque nous connaîtrons les mêmes faiblesses, les mêmes péchés, les mêmes aspirations, nous avons dans le cœur du même Père, la même place ; nous avons les mêmes droits au sacrifice du même Christ, notre Frère aîné à tous ; rien ne nous sépare plus ; tout au contraire nous rapproche et nous lie ;
Ah ! que les orateurs des solennités littéraires interpellent cérémonieusement leurs auditeurs du nom de "mesdames et messieurs". Que les tribuns politiques s'adressent aux "citoyens" ; que les socialistes de tous ordres soient les uns pour les autres des "camarades", pour nous, nous ne trouvons rien de plus beau, rien de plus riche, rien de plus doux que ce nom de frères. Eh bien ! mes frères, vivons en frères. soyons vraiment de la même famille. Faites à votre nouveau pasteur une place dans vos cœurs. Dans vos cœurs, dis-je ! De la cordialité. Au nom de tout ce qui nous unit, au nom du Père commun, au nom des souffrances et des espérances communes que nous avons, je vous demande de la cordialité. Cette cordialité vous rendra possible et facile à mon égard le devoir d'écarter de votre cœur tout sentiment d'aigreur de votre esprit tout jugement téméraire, de vos lèvres toute critique, tout dénigrement injuste parfois ou simplement malveillant. C'est bien aisé en somme de critiquer ; l'occasion en est si souvent fournie ;
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Mais quand un des membres de votre famille accomplit un acte, un acte quelconque, à supposer même que vous soyez dépourvus de tout orgueil familial, vous le suivez au moins avec bienveillance, vous ne cherchez pas à le dénigrer. Je le crois bien puisqu'il est de votre famille. Et si, par malheur, il se laisse aller à commettre une faute, ce membre de votre famille, vous le défendez, vous le couvrez, ou tout au moins vous l'excusez. Vous vous gardez en tous cas de l'accabler.
C'est certain, puisqu'il est de votre famille. Vous et lui, c'est presque tout un. Oh ! élargissez votre cœur pour y recevoir votre pasteur afin que comme un membre de votre famille, il trouve là, dans cette place, dans votre cœur, un refuge un abri édifié par votre charité. Une place dans vos cœurs, de la cordialité encore, ce qui vous rendra possible et facile à mon égard le devoir de la confiance. N'est-ce pas qu'il est bienfaisant de se fier, de se confier à quelqu'un, d'avoir un confident ? C'est un besoin de la nature humaine. Mais c'est aussi un besoin de servir de confident. être l'objet de la confiance est aussi bienfaisant. Ne sentez-vous pas que j'ai besoin, moi, de votre confiance ? Pensez-vous que j'aurai le sentiment du devoir accompli, que je serai satisfait quand gravement, froidement, officiellement j'aurai rempli les exercices de mon ministère ? Non ! Quand je prêcherai, quand je baptiserai quand je bénirai des mariages, quand je me rendrai auprès des lits de maladie ou de mort ou au bord des tombes ouvertes, mon cœur vibrera des mêmes émotions que le vôtre ; vous le sentirez ; vous entendrez les palpitations de mon cœur s'ouvrant avec le vôtre aux mêmes craintes ou aux mêmes espérances ; ce sera comme l'appel de mon âme sollicitant votre confiance ; mon cœur et mon âme voudront pénétrer dans les vôtres pour exalter leurs joies ou apaiser leurs douleurs. Si vous croyez cela, mes frères, élargissez votre cœur, faites-moi une place et fort de votre confiance mon ministère aura une efficacité extraordinaire. Je ne serai pas seul.
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Mais vous et moi, bannis peut-être de la société civile au milieu de laquelle nous faisons tache, nous constituerons les premiers éléments d'une société sainte idéale - ce que doit être l'Église - Nous ferons reparaître les beaux jours de l'Église primitive où tous les chrétiens ensemble n'étaient qu'un cœur et qu'une âme ; nous répondrons au vœu formulé par Jésus avant de mourir : " Père, qu'ils soient uns comme nous sommes uns."
II - À vrai dire, rien dans cette attitude ne s'applique spécialement, uniquement au pasteur. C'est tout homme, c'est tout chrétien qu'il faut aimer ainsi : "Aimez-vous les uns les autres " disait Jésus à ses disciples. Le pasteur étant un homme a droit à cette affection au même titre que tous les chrétiens. Mais il y a droit encore pour une autre raison. Il n'est pas seulement un homme, il est un homme de Dieu. Il est revêtu d'une charge spéciale. Il est le ministre - ce qui veut dire le serviteur - du Dieu très haut. Il est l'ambassadeur d'une Puissance Supérieure. Il vient au nom du Dieu dont la demeure est dans les cieux, dont la puissance couvre l'Univers, dont la parole ordonne et tout obéit depuis le commencement des temps jusqu'à la fin des siècles. Il est l'envoyé, le représentant du Fils de ce Dieu, Jésus-Christ. Mais en vous le présentant ainsi ne vais-je pas à contre-fin ? Si j'avais réussi à vous émouvoir en ma faveur en me plaçant sur le même plan que tous les hommes maintenant je risque de vous éloigner en signalant une différence, je risque de vous indisposer en affichant une prétention supérieure.
Vous pouvez craindre, en effet, de ma part, comme un abus de pouvoir La tentation est grande pour le pasteur de se servir du nom et de l'autorité de Celui qu'il représente pour faire peser sur les consciences et sur les volontés un joug pénible. Sous prétexte de fidélité à la volonté divine il peut exercer sur les âmes une contrainte dont le mobile
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secret serait la satisfaction égoïste d'un besoin d'autorité ; il peut jouer au petit monarque, au despote et travailler avec un zèle de mauvais aloi plus à l'établissement de sa propre gloire qu'à l'avancement du règne de Dieu. Mandataire du Grand Roi, il peut oublier celui de qui il tient son mandat, perdre de vue sa misérable origine et devenir d'autant plus arrogant qu'il a été tiré du plus bas. Si cela m'arrivait, honte et folie pour moi ! Dieu ne m'induis pas en tentation. Si je devais usurper une gloire, un titre, un honneur, qui reviennent à toi seul, arrache-moi plutôt le mandat que je tiens de toi. À toi seul l'honneur et la gloire. Humilie et courbe-moi ! Et vous, m.fr. si vous reconnaissez en moi cette disposition, Ah ! que tout ce qu'il y a en vous de noblesse native, tout ce qui s'émeut et vibre au seul mot de liberté, s'insurge !
Mais là encore, élargissez votre cœur. Qu'il n'y ait pas seulement place dans votre cœur pour une sainte révolte, mais aussi pour une compréhension bien claire de mon devoir. Dites-vous et vous le savez bien, que le message dont je suis chargé implique une certaine opposition à vos pensées naturelles ; que grâce à l'autorité de la Parole annoncée, je dois aiguiller votre volonté, diriger vos sentiments, réprimer vos passions, que je dois - c'est là mon ministère - vous faire aller là où vous ne voudriez pas aller naturellement : rendre l'indifférent zélé, le timide ardent, l'avare généreux, le mondain pieux, l'égoïste bon, en un mot, rapprocher de Dieu tous ceux qui en sont séparés, coûte que coûte.
Et ce n'est point là, croyez-le, faire office de tortionnaire d'âmes, d'inquisiteur nouveau-jeu, de gendarme religieux zélé à faire respecter une Loi implacable et d'autant plus implacable lui-même que le chef du gouvernement, Dieu, est plus éloigné. Non. Donnez votre cœur et vous comprendrez que mon cœur s'est ouvert pour vous, et ma bouche aussi pour vous annoncer ce qui fait ma joie.
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J'ai trouvé en Jésus-Christ un Sauveur parfait. Il a été pour moi ce que le prophète Ésaïe annonçait : " porteur de bonnes nouvelles au jour du malheur, guérissant mon cœur brisé, proclamant ma liberté au sein de la captivité et la délivrance de toutes les chaînes ; publiant pour moi l'année de grâce de l'Éternel, consolant à l'heure de l'affliction, accordant un diadème au lieu de la cendre, une huile de joie au lieu du deuil, un vêtement de louanges au lieu d'un esprit abattu " Et j'ai pensé que cette joie je devais vous la faire partager. J'ai été saisi par la grandeur, par la beauté, par la sublimité de la vérité révélée en Jésus-Christ. J'y ai vu une sagesse entre le parfaits " une sagesse capable de rendre les hommes aussi parfaits que possible; répandre cette lumière principe de vie capable de conduire tout homme dans toute la vie et le diriger à travers les obscurités et les obstacles vers un but certain, jusqu'à Dieu, y-a-t-il au monde œuvre plus belle ?
C'est là ma mission. J'ai trouvé en Jésus-Christ la connaissance du Dieu insondable. Ses oracles m'ont été confiés. "Ces choses que l’œil n'a point vues, que l'oreille n'a pas entendues, et qui n'étaient jamais montées au cœur de l'homme, j'en ai été le témoin. Dieu me les donne pour vous les transmettre, car il aime à se servir d'intermédiaires, même faibles : " qui vous reçoit me reçoit, dit Jésus et qui me reçoit reçoit celui qui m'a envoyé." Y a-t-il au monde action plus Sainte ? C'est là ma mission. Parmi ces choses révélées il y en a de terribles. Dieu est un Dieu Saint ; la Loi de Dieu, la justice de Dieu ne sont pas de vains mots. Dieu est un Dieu jaloux qui punit l'iniquité des pères sur les enfants jusqu'à la troisième et quatrième génération, Dieu ne tiendra pas pour innocent celui qui aura pris son nom en vain. Ces choses je dois vous les dire et elles rendent ma charge redoutable. Mais Dieu a mis sa gloire à pardonner et mon ministère est un ministère de pardon. Je dois
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faire retentir à vos oreilles le " Convertissez-vous " des prophètes ; car Dieu ne veut pas la mort de celui qui meurt, mais sa conversion et sa vie : "Je dois vous présenter un Dieu dont la justice se résout et s'accomplit dans l'amour d'un Dieu qui" a tant aimé le monde qu'il a donné Son Fils Unique afin que quiconque croit en Lui ne périsse point mais qu'il ait La Vie Éternelle," un Dieu qui était en Christ réconciliant le monde avec lui-même, un Dieu dont la gloire fut de se dépouiller, dont la couronne fut d'épines, dont le trône fut une croix, dont toute la vie c'est d'aimer et de pardonner, dont toute l'action c'est de vous solliciter par la voix de son Fils transmise à travers mes lèvres : " Vous tous qui êtes fatigués et chargés, venez à moi " Y a-t-il au monde une œuvre meilleure, qui surpasse celle-là en grandeur, en Sainteté, en bonté, C'est là ma mission la dignité de cette charge, la grandeur du salut que je vous présente ne suffisent-elles pas à ouvrir vos cœurs ? Ah ! si vous accueillez volontiers le message du pardon, si la parole d'amour venue du ciel réjouit votre cœur, je suis assuré de votre reconnaissance. Personne au monde, en effet, ne saurait vous donner trésor plus précieux ni joie plus profonde que l'assurance de l'amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ. Désormais les portes du ciel sont ouvertes pour vous. Vous voyez la lumière d''En Haut, et en bas vous marchez dans la lumière : consolation, force, joie, Sainteté au milieu des tribulations, des luttes, des péchés, de la terre. Tout cela pour vous grâce au message délivré par votre pasteur. Si votre cœur est à Dieu, je ne doute pas que votre cœur ne me soit ouvert. Et ce sera ma récompense.
Mais si vous ne comprenez ni la beauté, ni la gravité de mes appels, si vous ne répondez pas à l'amour divin, oserai-je solliciter pour moi l'élargissement de vos cœurs ? Je l'oserai. À l’œuvre divine accomplie par Jésus, j'ai le devoir d'ajouter
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F°10
sous l'inspiration du Christ homme de douleur et pour rendre plus actuelle et plus vivante son œuvre éternelle, j'ai le devoir d'ajouter ma propre action dans la souffrance. Ah ! sans doute le temps est passé pour les serviteurs de Dieu d'être livrés aux bêtes du cirque, au bûcher, au gibet. Le sang des martyrs était pourtant
une semence d'âmes bien féconde. Cela nous manque peut-être. Mais pour être moins tragique ma souffrance n'en sera pas moins réelle.
Quand je monterai dans cette chaire et quand j'en descendrai, je prierai, je veux dire je souffrirai criant à Dieu pour qu'il touche vos âmes. Quand je parcourrai les divers quartiers de la paroisse et pénétrerai dans vos maisons, quand avec vous je parlerai de toutes choses, je souffrirai : je voudrais tellement que la seule chose nécessaire fut mise au premier plan, à sa vraie place !
Quand je travaillerai et appellerai au travail chrétien des collaborateurs, je souffrirai. Cela serait si beau d'être tous ensemble " ouvriers avec Dieu" Tout mon ministère sera une souffrance, un labeur, une lutte. Oh ! quel fardeau, si Dieu n'était pas là pour le porter avec moi !
En raison de cette souffrance, par pitié, ne voudrez-vous pas m'ouvrir votre cœur ? Mon cœur s'ouvre pour vous. Rendez-moi la pareille. J'ose vous le demander. Car qui sait ? Oui, Dieu voudra qu'il en soit ainsi ; quand vos cœurs me seront acquis, à moi, votre pasteur, ils ne seront pas loin d'être gagnés à Dieu. Ce sera mon excuse et votre récompense.
Et bientôt alors, pour tous se lèvera le jour de la joie, le réveil des consciences après celui des cœurs, en attendant l'aube éternelle où accueilli avec vous dans le ciel, je pourrai dire :
Père me voici avec ceux que tu m'as donnés ; aucun d'eux ne s'est perdu !