Prédications Protestantes dans les Alpes du sud
Dimanche 07 AVRIL 2013
Trescléoux (05700)

Lectures du Jour :
Jean 20, 19-31
Actes 10, 34-43
Apocalypse 1,9-19
Corneille : Une alliance universelle
Les premiers chrétiens
Pâques, que nous venons de célébrer Dimanche dernier, ouvre le temps d’une nouvelle alliance, le temps de la grâce universelle, c’est pourquoi j’ai trouvé intéressant de méditer sur la 2° lecture de dimanche dernier : Actes 10/34-43.
Dans ces tout premiers temps, l’Église naissante s’est d’abord construite à l’intérieur du judaïsme. Pour ces premiers chrétiens, essentiellement regroupés à Jérusalem, il n’y avait pas de rupture, ils étaient judéo-chrétiens, au sens plein du terme.
Ils restaient donc fortement imprégnés de la tradition et de la culture juive.
La Torah (le Pentateuque) n'interdisait pas les relations avec un païen (elle exhortait au contraire à aimer « l'étranger qui est dans tes portes »). Le bouleversement vient de l’exil, où les juifs déportés durent lutter pour conserver leur identité, leur culte, leur tradition, pour ne pas se diluer dans le peuple vainqueur, et ils ont survécu grâce à ce réflexe identitaire, ce qui fut positif pour le peuple hébreu car il conserva ainsi sa relation à Dieu, et il y eut un très gros travail de réflexion spirituelle, qui donna en particulier l’écriture ou la réécriture, d’une grande partie de l’ancien testament. Mais après le retour d'exil, ce réflexe séparatiste perdurera et générera l’enseignement de préceptes ségrégatifs (Esdras 6,21) « Les enfants d'Israël revenus de la captivité mangèrent la Pâque, avec tous ceux qui s'étaient éloignés de l'impureté du pays et qui se joignirent à eux pour chercher l'Éternel, le Dieu d'Israël. »
Le Livre intertestamentaire des Jubilés (un apocryphe chez nous), met l'accent sur la nécessité pour les Juifs pratiquants de se séparer des Gentils. On y trouve : «Sépare-toi des nations, ne mange pas avec elles, n'agis pas selon leurs coutumes... » (Jub 22,16).
Tout cela pour vous montrer que le message universaliste de la résurrection du Christ n’était pas une évidence et qu’il fallut une intervention massive du Saint-Esprit pour que les apôtres élargissent leur témoignage aux non-Juifs, ceux qu’on appelait les Grecs, avec une certaine condescendance.
Et voilà qu’intervient notre passage, partie finale du chapitre 10, consacré à la rencontre entre Corneille et Pierre.
L’histoire est la suivante : Pierre est en prière dans la ville de Joppé lorsqu’il a une extase dans laquelle il voit un drap sur lequel reposent des tas d’animaux impurs. Une voix lui ordonne de tuer et de manger. Pierre refuse car il n’a jamais rien mangé d’impur. La voix lui dit alors : « Ce que Dieu a déclaré pur, toi, ne le regarde pas comme souillé. » (Ac 10,15).
Pierre sort de son extase et se demande quel est le sens de cette vision lorsque trois hommes frappent à la porte. L’Esprit dit alors à Pierre de les suivre. Il les accompagne et apprend que ce sont des serviteurs d’un centurion appelé Corneille qui a reçu la visite d’un ange lui ordonnant d’aller le chercher.
Pierre comprend alors le lien entre les deux songes, il entre chez Corneille, annonce l’Évangile et l’Esprit tombe sur la maison du centurion.
Devant Corneille et toute une Assemblée réunie chez lui, Pierre fait cette confession : « En vérité, je reconnais que Dieu ne fait point acception de personnes, mais qu'en toute nation celui qui le craint et qui pratique la justice lui est agréable. » et il leur annonce la nouvelle alliance en Jésus Christ.
L’Esprit ouvre les portes
Résumons-nous : il a fallu que Dieu utilise les grands moyens, en envoyant un ange à Corneille, une vision à Pierre et une inspiration à ce dernier pour que l’apôtre mette les pieds chez un Grec.
Qui est ce Corneille ? Un païen ? Non, un craignant-Dieu, c’est-à-dire un homme qui craint le Dieu des juifs et qui est décrit de la façon suivante : « Il était pieux et avec lui, toute sa maison craignait Dieu ; il faisait beaucoup d’aumônes au peuple et priait Dieu constamment. » (Ac 15,2).
Pourquoi Pierre doit-il aller chez Corneille ? Par pure courtoisie ? Non, pour lui annoncer l’Évangile, non pas spontanément, mais par ordre de Dieu !
Ce passage nous aide à prendre conscience de l’épaisseur des murs de séparation entre les Juifs et les Grecs. Paul le constate aussi à Ephèse : Christ est notre paix, lui qui des deux (Juifs et non juifs) n'en a fait qu'un, et qui a renversé le mur de séparation, de l'inimitié (Eph.2/14)
Pour illustrer les problèmes que la première Église a dû affronter, en gros, nous rencontrons trois positions :
- Certains membres de l’Église de Jérusalem étaient opposés à l’ouverture de l’Église aux Grecs. Pour eux, l’Église de Jésus-Christ devait rester à l’intérieur des frontières du judaïsme. Lorsqu’un païen se convertissait, il devait devenir Juif avant de devenir chrétien et devait donc se faire circoncire et respecter les prescriptions de la loi, interdits alimentaires, etc….
- À l’opposé, nous trouvons la position défendue par l’apôtre Paul selon laquelle la foi en Jésus-Christ ouvre à une alliance nouvelle dans laquelle les différences entre Juifs et Grecs sont dépassées : « Vous tous qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu le Christ. Il n’y a plus ni Juif ni Grec, il n’y a plus ni esclave ni homme libre, il n’y a plus ni homme ni femme, car vous tous, vous êtes un en Jésus-Christ. » (Ga 3,27-28).
C’est la foi en Jésus-Christ qui purifie les cœurs et, au regard de cette Vérité, les oppositions religieuses (Juif ou Grec), sociales (esclave ou homme libre) ou matrimoniales (homme ou femme) sont caduques.
- Entre ces deux positions, certains ont essayé de trouver un compromis en envisageant des Églises de Juifs et des Églises de Grecs séparées. La question s’avérait alors difficile au moment d’organiser des repas d’Église. Certains Juifs étaient prêts à concevoir que des Grecs deviennent chrétiens, mais de là à partager la même table, il ne fallait pas trop en demander.
Historiquement, c’est la position défendue par Paul qui a fini par s’imposer, aidée en cela par un concours de circonstances : la chute de Jérusalem en 70, la destruction du temple et les massacres qui s’ensuivirent.
Ouverture sur l’universel
Mais que disait Jésus sur cette question ? On peut se rappeler trois rencontres :
Interpellé par les religieux, parce que ses disciples ne se lavent pas les mains avant de manger, Jésus répond que ce qui souille l’homme n’est pas ce qui entre dans sa bouche mais ce qui en sort : Jésus induit une conception nouvelle : la frontière qui sépare le pur de l’impur n’est plus une frontière extérieure qui sépare les humains en deux catégories mais une frontière intérieure : ce qui souille l’homme est ce qu’il dit ou fait contre son prochain. La pureté personnelle s’exprime dans nos relations avec notre prochain.
La rencontre de Jésus avec la femme cananéenne, « une indigène » le conduira, au bout de son dialogue, à lui reconnaître le droit de participer à la bénédiction qui au départ était réservée aux « brebis perdues d’Israël »
La dernière rencontre est encore avec des Saducéens qui veulent piéger Jésus et lui demandent un signe venant du ciel. Il leur répond que le seul signe qu’il puisse leur donner est celui de Jonas et il les plante là.
Ce Jonas, qui arrive à Ninive, en annonce la destruction, puis il attend, mais rien ne vient car les habitants de Ninive décident de jeûner et de se repentir. Dieu dans son amour décide de ne pas détruire la ville puisque toute la population se tourne vers Lui et se détourne du péché. Jonas est alors furieux. De quoi ? De la possibilité même du pardon. Que Dieu puisse pardonner lui est intolérable « il dit : Ah ! Éternel, n’est-ce pas ce que je disais quand j’étais encore dans mon pays ? Car je savais que tu es un Dieu compatissant et miséricordieux, lent à la colère et riche en bonté, et qui te repens du mal.» Jonas se retire alors de la ville pour l’observer de loin, espérant, en vain, que les Ninivites vont se remettre à pécher ce qui annihilerait et ridiculiserait le "pardon".
Le converti n’est pas celui qu’on croit
Et Pierre, revenu à Jérusalem, raconte son histoire, mais ses compagnons, conscients d'appartenir au peuple élu, sont scandalisés d'apprendre que Pierre est entré dans la maison de Corneille, un étranger et, de plus, officier dans l'armée d'occupation. Pierre a même logé quelque temps chez lui, partageant sa table. Un comportement absolument contraire aux règles alimentaires, qui séparaient strictement les juifs des autres peuples.
Que s'est-il passé pour que Pierre se convertisse ainsi à la fraternité envers tous ?
Rien de moins qu'une puissante œuvre de l'Esprit saint ! Dieu a voulu la fraternité entre juifs et païens. Pourquoi ? Parce que Jésus est venu l'annoncer, nous l’avons vu avec ces trois rencontres. Bien plus, il a donné sa vie pour nous réconcilier tous en Dieu. Et pour le faire comprendre, Dieu a répandu avec force l'Esprit saint aussi sur la maison de Corneille... ce qui a converti Pierre.
Un candidat à de récentes élections présidentielles, aujourd’hui remplacé par sa fille, proclamait : « je préfère mon frère à mon cousin, mon cousin à mon voisin, etc…. » Cette affirmation semble tellement évidente que spontanément on a tendance à y adhérer. Et pourtant, cette façon de concevoir nos relations par cercles concentriques, que l’on peut décliner de multiples façons, combien d’indifférences, de barrières, de murs ne cache-t-elle pas ?
Et Jésus dans tout cela ? En s’approchant de l’aveugle né, du paralytique, du sourd muet, en parlant à la samaritaine, à la femme cananéenne, à Zachée le collabo, n’a-t-il pas fait sauter tous ces cercles concentriques, et n’est-ce pas aussi à cause de cela qu’il est mort sur la croix ?
Mais comment nous relier à des personnes avec lesquelles nous avons l'impression que tant de choses nous séparent ? Ce peut d’ailleurs être tout aussi bien notre plus proche voisin, que l’africain fraîchement débarqué, clandestinement bien sûr, à Marseille. Lequel africain, entre parenthèse, redonnera vie et joie à une de nos paroisses moribondes.
Cela n'est pas compliqué ! Il faut se laisser guider par L'Esprit Saint, accepter en confiance d’aller vers l’Autre, notre frère, comme Jésus le fit en son temps.
Et cela nous pouvons le faire, pas seulement avec des chrétiens, mais avec tous, et si nous imaginons volontiers tous les désagréments que cela peut engendrer, nous remercierons bien vite le Seigneur de toutes les joies et les richesses que ces rencontres peuvent procurer.
Enfin, à l'image de Pierre, nous avons à prendre le risque du témoignage. Que fait-il dans la maison de Corneille ? Il raconte simplement l'histoire de Jésus, et il arrive quelque chose d'étonnant. Ayons cette confiance que L'Esprit saint agit, d'une manière ou d'une autre, lorsque Jésus Christ est annoncé ! Pas besoin d'être des spécialistes de l'évangélisation. Des mots tout simples suffisent.
Quand l'homme écoute, Dieu agit. Mais pour qu'il puisse agir, il faut que l'Évangile soit annoncé.
Amen !
François PUJOL.