Prédications Protestantes dans les Alpes du sud
Dimanche 2 Juin 2013
Trescléoux (05700)

Textes bibliques:
ACTES 12, 1-25
Luc 9, 11-17 (voir également sous cette référence, méditation du 29 Mai 2016)
1 Corinthiens 11,23-26 (voir également sous cette référence, méditation du 19 Avril 2009)
La libération de Pierre
Frères et sœurs,
Notre lecture de ce matin nous plonge au cœur du livre des Actes, écrit par Luc, ce médecin compagnon de Paul, qui aime, donc, les descriptions précises « il m'a aussi semblé bon, après avoir fait des recherches exactes sur toutes ces choses depuis leur origine, de te les exposer par écrit d'une manière suivie, excellent Théophile (Luc 1/3) »,
Un peu d’histoire
Le premier verset de ce chapitre 12, commence par « Vers le même temps, le roi Hérode… ». Pour la naissance de Jésus, il est déjà question du roi Hérode, devant lequel les mages vont s’incliner.
On peut donc faire rapidement un peu de généalogie :
- Pour la naissance de Jésus c’est Hérode « le Grand », qui ordonne le recensement que vous connaissez.
- Puis il y a son fils Hérode Antipas, qui ordonne la décapitation de Jean-Baptiste, pour faire plaisir à la fille de son épouse qui était aussi sa nièce.
- Enfin, Hérode-Agrippa, petit-fils d’Hérode le Grand.
Point commun de ces trois générations : leur cruauté, le goût du pouvoir ou plutôt des parcelles de pouvoir que leur ont laissé les romains, et leur méfiance vis à vis de tout ce qui pourrait leur faire ombre, et en particulier, ces groupuscules de dissidents juifs.
Après Jean-Baptiste, c’est Jacques qui sera l’une des premières victimes de cette répression. Il s’agit là de Jacques « le majeur », frère aîné de Jean « les fils de Zébédée ». Au verset 17, Pierre dit « vous préviendrez Jacques de ma libération », il s’agit donc d’un autre Jacques, l’un des 12 apôtres (Jacques « le mineur », frère de Matthieu) ou peut-être le frère de Jésus, surnommé "Jacques le Juste", qui exerça une forte influence dans l'Église naissante de Jérusalem.
La date exacte de la mort d’Hérode Agrippa étant attestée par des écrits romains, nous sommes bien en 44 après JC, soit une dizaine d’années après la résurrection de Jésus.
Une Eglise persécutée
Le dernier verset de notre lecture résume tout le propos de son auteur : démontrer que l’Évangile se répand malgré tout : «Cependant la parole de Dieu se répandait de plus en plus, et le nombre des disciples augmentait» (v.24).
« Cependant » : Mot anodin, léger, mais qui exprime la volonté d’affirmer que ni l’hostilité croissante des chefs juifs, ni les difficultés de déplacement de l’époque, ne peuvent freiner la progression de la Parole. Défiant tous ces obstacles, la Parole, qui témoigne du Christ ressuscité et de la présence de l’Esprit Saint, est comme stimulée et confortée par l’adversité.
A la tolérance des premiers jours succèdent l’intimidation, les châtiments corporels, l’incarcération des apôtres, la lapidation d’Étienne, la persécution des croyants. Contraints de se disperser, les croyants essaiment en Samarie, puis dans un rayon toujours plus large, vers la Syrie, la Turquie, la Grèce, puis enfin Rome où Luc accompagnera Paul, via l’île de Malte.
Pierre, qui sera avec le Saint Esprit le personnage principal des 12 premiers chapitres, est favorable à l’accueil des non-juifs, sans conditions, ce qui sera validé par l’Assemblée de Jérusalem, Paul étant conforté dans son entreprise missionnaire auprès des « gentils ». L’épisode de l’arrestation et de la délivrance de Pierre s’insère dans la visite de Barnabas et Saul à Jérusalem, chargés d’y convoyer la collecte des croyants d’Antioche. Tandis que Pierre sort de scène, Saul et ses compagnons reçoivent leur ordre de mission : le chapitre 12 marque ce passage de relais.
La libération de Pierre
Nous sommes en ce chapitre 12, au temps d’une nouvelle fête de la pâque juive, qui commémore la sortie d’Egypte, d’où cette fête des pains sans levain, car il fallait quitter « en vitesse », ce pays de servitude.
Du coup, les tribunaux ne pouvaient siéger avant le terme de la fête (6 jours) d’où la nécessité de surveiller Pierre avec un dispositif policier impressionnant : pas moins de 16 gardes ! En attendant son jugement.
De cet épisode, Luc veut nous transmettre un triple message :
1. En inscrivant la libération de Pierre durant la fête de la Pâque, il met en évidence la fidélité constante et continue de Dieu envers les siens : de l’exode de Moïse à la croix de Jésus, de la résurrection du Christ à la libération de Pierre, l’action divine résonne comme une promesse : Dieu n’abandonne pas qui se confie à lui. Quand tout s’assombrit, quand tout espoir semble perdu, Dieu nous apporte lumière, espérance, liberté.
2. Dans son cachot, Pierre dort. On pourrait dire « du sommeil du juste ». Luther dirait « du sommeil du justifié ». Tout comme Jésus dormait au fond de la barque sur le lac de Tibériade.
Il faudra que l’ange le secoue rudement, le pousse jusqu’à la sortie, où la porte s’ouvre toute seule, pour que Pierre s’aperçoive, une fois dehors qu’il a été libéré.
Cette expression n’est pas neutre. Pierre « a été » libéré comme Jésus « a été » ressuscité, par une puissance extérieure, la puissance de Dieu, manifestée dans les situations les plus désespérées, l’absolue désespérance étant celle de son Fils sur la croix.
3. Car Luc dessine un parallèle très clair avec la passion du Christ : Pierre au fond de son cachot, comme Christ dans son tombeau, la porte qui s’ouvre seule, comme la pierre roulée du Sépulcre, les femmes incrédules de Gethsémané ou plutôt qui ont peur de croire, tout comme les fidèles dans la maison de Marie, la mère de Marc, ces fidèles, enfermés dans la maison, comme les 11 dans la chambre haute, ils croient voir un ange quand Marie-Madeleine crut voir un jardinier, la délivrance enfin, lorsqu’ils voient Pierre comme pour les 11, lorsqu’ils virent le Christ ressuscité, tous ces parallèles pour nous dire que si Christ « a été » ressuscité, si Pierre « a été » libéré de cette mort annoncée, alors notre foi en notre propre résurrection n’est pas vaine :
Non, Dieu n’abandonne pas les siens
Nos prières sont exaucées
Il entend notre prière et l’exauce au-delà même de nos espérances, nous en avons encore une fois la démonstration : Comme lors de la première arrestation des apôtres (Ac 4), la communauté s’implique par l’intercession en faveur des serviteurs de la Parole. Depuis son arrestation, les croyants n’ont pas cessé de prier pour l’apôtre. Cette persévérance devrait aider à croire au miracle et à le reconnaître quand il se produit.
Eh bien non ! Ces exemples montrent une fois de plus que notre raison l’emporte sur notre foi, l’acte de foi ne surgira que lorsqu’ils verront Pierre, comme les 11 virent Jésus, le touchèrent même, pour croire. Il leur fallait voir pour croire, c’est pour cela que Jésus nous dit, à nous, comme une promesse : « heureux ceux qui croiront sans avoir vu. »
D’où l’obsession de Luc dans ses 2 livres :
Alors que Jean, nous donne juste quelques signes fondateurs pour nous aider à croire, Luc nous donne une multitude de détails pour nous convaincre de croire. 2 personnalités, 2 façons de délivrer le même message : Christ est ressuscité, ne cherchez pas à comprendre avec votre raison, croyez seulement ;
Porte ouverte ou fermée : Ce que nous dit ce texte
On est saisi par cette image : la communauté, l’Église en somme, enfermée, qui prie et qui est sourde aux coups de poing de Pierre dans la porte, Pierre qui est pourtant la manifestation vivante de la puissance de Notre Seigneur.
Porte ouverte ou porte fermée ? Voilà la question centrale de ce texte du jour. Question qui n’a rien d’anecdotique pour nombre de nos contemporains qui, à un moment ou à un autre, sont confrontés à des échéances vitales : recherche d’emploi dans un marché du travail saturé, quête d’autorisation dans le labyrinthe administratif, accès aux soins limité par des contraintes financières, ruptures de relations douloureuses…
Chacun s’est retrouvé au moins une fois devant une porte fermée, signe d’échec, d’épreuve ou de souffrance.
Dans ce contexte, le message d’un Dieu qui ouvre la porte, peut aider nos contemporains à retrouver l’espérance, voire à entrer dans une démarche de foi.
Jésus lui-même n’a cessé d’être un ouvreur de portes, qui a fait bénéficier de la Grâce « les pauvres, les aveugles, et tous les estropiés de la vie, » : « Vas, ta foi t’a sauvé ».
Mais pour être fidèle à l’enseignement des évangiles, et de Luc en particulier, il faut oser dire clairement que la diffusion de la Parole de Dieu ne peut se faire à travers des portes fermées. Pierre et les apôtres ne sont pas libérés par privilège ou par pitié, mais parce qu’ils contribuent de manière décisive à la diffusion de la Parole.
En conclusion
Cette Parole de Dieu, qui « n’est pas enchaînée » comme le dit l’apôtre Paul, comment pourra-t-elle atteindre nos contemporains, toutes les victimes de la violence, les déracinés, les sans-abri et autres quémandeurs de chaleur humaine ?
Cette Bonne Nouvelle de la résurrection qui nous fait vivre, cette annonce de la grâce gratuite pour celui qui se repent et qui croit, comment l’entendront-ils si nos portes restent closes ?
Cette présence libératrice de tous les enfermements, comment la découvriront-ils ?
Nous subissons un rationnement accru de pasteurs ? Notre région PACCA ne peut assurer que 25 postes alors qu’il en faudrait 30, « condamnant » ainsi en permanence 5 paroisses à connaître des vacances pastorales, alors tant pis ou tant mieux, il est temps pour nous de redécouvrir le sens du « sacerdoce universel », le temps est venu, pour le peuple des croyants que nous sommes, de réoccuper l’espace du témoignage, d’ouvrir nos portes et de courir vers ce monde qui nous attend…
Mais nous avons un problème : Des voix de plus en plus nombreuses dans la société civile et ses dirigeants voudraient, au nom d’une laïcité détournée de son sens, repousser les chrétiens dans leurs églises pour les y enfermer et ainsi ne plus entendre leur message, surtout lorsqu’il est à contre-courant de la pensée dominante. Il est urgent et peut-être vital pour les chrétiens et en particulier notre nouvelle Eglise Protestante Unie de réoccuper l’espace public pour y rappeler la volonté de Dieu pour ce monde (comme le firent les signataires des thèses de Pomeyrol en Juin 1941), notre conception du bien commun selon l’enseignement des Évangiles et le message de salut du Christ à l’Humanité, seul capable de lui apporter l’amour et la paix.
Amen !
François PUJOL.