Prédications Protestantes dans les Alpes du sud
DIMANCHE 18 Mai 2008
Culte à l’Eglise libre du Rocher - Gap-05000

Lectures du Jour :
Exode 34, 4-9
2 Cor 13, 11-13
Actes 3, 1-11
Guérison d’un boiteux
Qui, ce matin, s’identifie plus au Boiteux, se sent plus proche de lui ? Levez la main.
Qui se sent plus proche de Pierre et de Jean ? Levez la main.
Bien.
Ce matin, je voudrais partager avec vous le fait que nous sommes appelés à être l’un et l’autre, à être comme le boiteux qui reçoit, et comme Pierre et Jean qui donnent.
D’abord, voilà l’homme-objet. L’homme-objet c’est cet homme qui est chaque jour déposé (apporté nous dit le texte) devant le temple de Jérusalem pour y mendier.
Cet homme se repose sur l’une des trois « bonnes œuvres » demandées au croyant juif : l’aumône, (les deux autres étant le jeûne et la prière).
L’homme-fardeau a pour unique métier «mendiant». Il est dépendant de tous : dépendant de sa famille qui vient le déposer tous les jours, puis le rechercher ; dépendant de la générosité des juifs qui viennent pour les prières tout au long du jour.
On peut essayer d’imaginer sa vie : elle est cloîtrée dans le quotidien de ce corps inerte ; elle est rythmée par les bons vouloirs des uns et des autres ; elle est pétrie de cette souffrance physique et morale de ne pas pouvoir se mouvoir seul.
Cette vie, on peut penser qu’elle n’est pas rose.
Socialement ; c’est un boulet familial ; professionnellement, ce n’est pas une grande réussite que de vivre de mendicité ; religieusement, son infirmité fait qu’il n’a jamais eu le droit d’entrer dans le temple, puisqu’étant considéré comme impur. Jamais il n’aura eu de sa vie le droit d’entrer dans ce lieu où pourtant il est conduit chaque jour et où il passe le plus clair de son temps sans avoir le droit d’entrer…
Socialement, professionnellement, religieusement, c’est un RIEN, c’est un marginal, un exclus, dont la seule espérance est de recevoir une pièce qui nourrira son ventre…
Voyons maintenant un peu du côté de Pierre et de jean. Ils vont prier au temple ; et on sait bien qu’il n’y a pas eu de rupture entre la jeune communauté chrétienne et les habitudes religieuses de ses membres d’origine juive.
Luc nous rapporte l’heure de la prière, celle de l’après-midi, à trois heures. Pourquoi ce détail ? Il me semble important. La prière de 3h était courte, mais surtout, on n’offrait pas de sacrifice. C’était la seule prière du jour où l’on n’offrait pas de sacrifice pour le péché.
Notre homme infirme va être relevé au moment-même où aucun sacrifice n’est offert ; il va plus exactement être relevé parce qu’un seul sacrifice est capable de relever pleinement l’homme, celui de Jésus-Christ.
Et il est tout aussi intéressant de relever le contenu de la prière de 3 heures : le prêtre récitait la bénédiction suivante : « Que l’Eternel te bénisse et te garde ; que l’Eternel fasse luire sa face sur toi et qu’Il t’accorde sa grâce. Que l’Eternel tourne sa face vers toi, et qu’Il te donne la paix ».
N’est-ce pas, pour cet homme infirme, exactement ce qui va se passer pour lui, au-dehors ? Ne sont-ce pas ces paroles de Dieu qui, par les instruments que sont Pierre et Jean, vont faire de cet homme impur et plié un homme debout ?
Pierre et Jean d’un côté, et l’infirme de l’autre, n’ont strictement rien en commun ; tout les sépare.
Pierre et Jean sont deux ; l’infirme est seul. Pierre et Jean sont chrétiens ; l’infirme est juif ; Pierre et jean arrivent à pied ; l’infirme doit être porté ; Pierre et Jean vont prier dans le temple ; l’infirme n’a pas le droit d’entrer ; Pierre et Jean n’ont pas d’argent ; l’infirme les harangue pour avoir de l’argent…
A nous aussi, il arrive de croiser, dans la rue, des hommes ou des femmes qui mendient… Parfois, nous donnons un quelque chose qui apaise notre culpabilité.
On donne rapidement, on passe son chemin. Si on leur parle, c’est juste pour leur dire : « c’est pour le chien »ou encore « n’allez pas acheter du vin avec »…
Extraordinairement, La première parole de Pierre est : « Regarde-nous ».
Des tests scientifiques ont montré que si une mère ne regarde pas son enfant dans les yeux pendant les premiers mois de sa vie, l’enfant développe de graves problèmes psychiatriques. Pourquoi ? Parce que sans le regard de l’autre, on ne peut pas exister !
On dit bien que les yeux sont la fenêtre de l’âme… je crois que c’est vrai.
A cet homme dont l’existence est si limité, ces seuls mots « regarde-nous » sont déjà une affirmation que l’homme existe. Tu existes ; tu existes à nos yeux, tu existes aux yeux de Dieu dont tu ne peux t’approcher dans le temple.
Il va ya avoir un petit décalage entre les deux disciples et l’homme. L’homme va les regarder « juste » par obéissance, pour obtenir quelque chose.
Il va certainement y avoir une déception de la part de cet homme : Pierre lui dit qu’il n’a ni or ni argent… Il y a décalage.
N’y a t-il jamais pour vous un décalage entre ce que vous demandez à Dieu, et ce que vous recevez ?
Là, il y a un complet décalage : l’homme tend la main pour mendier, et il ne reçoit…qu’une main vide !!!
Pourtant, il va humainement déjà recevoir ce qu’il ne reçoit jamais : un regard, un regard de considération : oui, toi qui es là, qui n’arrive à survivre que parce que l’aumône est une obligation, je te regarde ; dans les yeux ; tu existes à mes yeux.
Et puis une main tendue ; oui, vide ; mais qui touchait un homme impur devenait impur lui-même !! Donc, on peut imaginer qu’il ne devait jamais être touché par les juifs allant au temple !
Trois des cinq sens sont mis en avant, lui qui ne sent plus rien dans ses jambes : la parole qui lui est adressée ; la vue, pour croiser et échanger ce regard ; et le toucher, qui atteste une proximité, une compassion, un amour.
Nous sommes cet homme infirme. Nous sommes cet infirme pour plusieurs raisons :
Tout d’abord, il nous manque des choses, et nous avons nos infirmités ; pas forcément physiques ; mais nous avons tous nos souffrances, nos échecs, nos ratés, nos difficultés, nos manques d’amour, nos frustrations.
Et un jour, à nous aussi, le Dieu de Jésus-Christ nous a dit : « Regarde-moi » ; à nous aussi, Il a tendu les bras, et nous a dit tout son amour, et nous a affirmé son pardon sur nos vies biscornues.
Chaque dimanche, Dieu nous rappelle en communauté que nous sommes cet homme infirme ; chaque dimanche, en communauté, Il nous redit les mots de cet amour qui relève. Chaque fois que nous le prions, que nous lisons la Bible, Il veut nous redire combien son regard est sur nous, et combien Il veut nous relever de tout ce qui nous pèse, de tout ce qui nous paralyse, de tout ce qui nous coupe d’une vie pleine de sens.
Et ça, je crois que c’est le plus beau des cadeaux : avoir Jésus-Christ dans sa vie, c’est vraiment avoir l’assurance de ne plus jamais être seul, c’est sentir cette présence unique au milieu des épreuves, c’est pouvoir connaître une joie et une paix extraordinaire.
L’homme infirme reçoit. Pas ce qu’il attendait, mais il fait confiance. Il glisse sa main droite dans la main de Pierre. Il a confiance. ; Lorsque Pierre lui dit : au nom de Jésus-Christ, lève-toi et marche, il n’insulte pas Pierre en lui disant que ce n’est pas beau de se moquer d’un infirme ; il ne tente pas non plus de se lever mollement : il saute, et se met à marcher.
Il accepte de recevoir ce qu’il n’attend pas.
Nous sommes appelés, l’humanité entière est appelée à recevoir ce qu’elle n’attend pas : le salut, la bonne nouvelle de Jésus-Christ mort et ressuscité pour nous.
Nous sommes cet infirme à qui le message est adressé : ce lève-toi, dont le verbe est le même que « ressuscite ».
Nous sommes cet infirme pour qui Dieu veut le meilleur, veut la restauration, veut une vie pleine de sens. Nous sommes cet infirme appelé à sauter de joie et à louer Dieu dans son temple, comme nous l’avons fait ensemble tout à l’heure.
MAIS, il y a un MAIS.
Mais cet amour de Dieu, il ne nous est pas juste donné pour faire effet Synthol, du bien là où ça fait mal !
Si la Bonne Nouvelle, c’est « juste » même si c’est énorme, un beau pansement sur nos souffrances, un bien-être personnel, une zen-attitude pour soi ;
Si l’Evangile n’a que cette conséquence de nous faire du bien et d’être avec des amis sympas le dimanche, alors regardons plutôt dans le Néon les horaires des cours de Yoga ; les tarifs des massages corporels ; allons acheter quelques vitamines ; allons un peu plus souvent chez le coiffeur ; achetons quelques livres sur les énergies négatives qui font du bien et inscrivons-nous à Gap Accueil pour s’y faire des amis !
Et arrêtons-nous là, ça fera aussi bien et ça nous permettra une bonne grasse mat’ le dimanche matin, ok ?
Si chacun d’entre nous sait, sent ce que l’Evangile a apporté de bien dans sa vie, ce que Jésus-Christ y apporte de joie, de paix, de bonheur, je voudrais nous laisser maintenant une minute ( une minute ce n’est pas bien long !), une minute pour nous demander :
Cette bonne nouvelle, comment je la transmets dans ma vie de tous les jours ? Comment mon regard a été changé ? Est-ce que mon regard sur les autres, sur la vie a été changé ? Comment ma main se tend-elle vers l’autre ? Est-ce que le Christ m’apporte juste perso un bon moment le dimanche et à d’autres moments, ou bien est-ce ma vie entière qui en est bouleversée ? En gros, comment passer de l’état de celui qui reçoit à celui qui, au nom de Jésus-Christ, dit aux autres : « lève-toi et marche » ?
Comment, avec la bonne nouvelle dans ma vie, je me différencie de mon voisin x ou y ? A quoi voit-on que je suis disciple du Christ ? Je nous laisse une minute.
Nous sommes appelés à cette métamorphose de nos vies comme Pierre …et quelle métamorphose chez Pierre… Souvenez-vous : au petit matin, le coq chantait et Pierre reniait son maître…Et voilà qu’ici, au grand jour, il ose confesser sa foi en Jésus-Christ ! Mais que s’est-il passé entre-temps ? Qu’est-ce qui a pu changer cet homme aussi radicalement ? Indéniablement, comme le dit la pub pour des céréales : « il y a quelque chose de nouveau dans sa vie » !!!
Ce quelque chose de nouveau, vous savez ce que c’est : Pierre a connu l’événement de la Pentecôte. L’Esprit de Dieu lui a donné de passer de la peur à l’audace de devenir témoin du ressuscité.
Souvenez-vous : Les disciples d’avant la pentecôte étaient enfermés. Enfermés dans leur maison ; ok, on a suivi ce Jésus et un moment ça a pu nous donner des ailes ; mais pas question de finir comme lui ; nous, des ennuis, on n’en veut pas ; c’est mieux de faire comme tout le monde, de se faire oublier ; enfermons-nous
Les voilà enfermés ; Enfermés dans la peur ; on peut les comprendre, leur maître, Jésus, même s’ils l’avaient vu ressuscité, les avait laissés. Ils se sentaient seuls ; et ils sont retombés dans ce quotidien bien humain : la peur, l’enfermement. …Est-ce ça, la vie ?
Le don de l’Esprit transforme radicalement notre Pierre !!!
L’homme infirme aussi est très certainement dans un schéma de peur ; quand on est aussi dépendant, de ses proches pour le porter, des fidèles pour donner, comment ne pas être dans la peur ? Peur qu’on oublie de venir vous chercher ; peur de ne pas rapporter assez d’argent et d’entendre pour la énième fois qu’on est un poids et un bon-à-rien…
Sommes-nous appelés toute notre vie à vivre dans la peur ? peur de l’autre, peur des idées de l’autre, peur pour ses biens, peur pour ses besoins de base, peur, peur, peur ?
La peur, elle nous ronge. La peur, c’est la peur de ne pas y arriver ; la peur de mourir ; la peur de mal faire ; la peur de décevoir ; la peur des autres ; la peur du lendemain… Notre monde est pétri de peur . Et la peur, c’est ce qui paralyse.
Les disciples sont paralysés dans leur maison. Ils attendent que ça passe… Paralysés dans leurs soucis du quotidien à gérer, paralysés par un non-sens puisqu’ils ont l’impression d’avoir perdu tout sens à leur vie…
Au 16e siècle, un homme nommé Luther a expérimenté cela. Le XVIème siècle était un siècle très tourmenté ; la peur de la mort était omniprésente ; les tableaux de l’époque représentent les flammes de l’enfer ; la fin du Moyen-âge était douloureuse. La peur était là, paralysante.
Et Luther découvrit l’épître de Paul aux Romains, celle qui dit : « Il n’y a maintenant plus aucune condamnation pour ceux qui sont en Jésus-Christ. Car la loi de l’Esprit qui donne la vie en Jésus-Christ m’a libéré de la loi du péché et de la mort ».
Alors, des langues semblables à des langues de feu descendent sur les disciples ; sur chacun des disciples. C’est ce don de l’Esprit que le Christ avait promis, ce consolateur, cet illuminateur qui est simplement présence de Dieu en chacun d’entre ceux qui l’acceptent.
Voilà ce que ça peut changer dans nos vies ; la première chose est que Dieu veut nous libérer de nos peurs ; de toutes nos peurs ; nos peurs de la mort comme nos peurs des loupés et des rêves détruits.
Au lieu d’être désespérés, au lieu d’être cloués à nos échecs, il y a un Dieu qui, tout simplement, veut nous dire son amour et nous relever, comme les disciples, comme l’infirme, en nous disant : « va, reprends la route, relève la tête ;il y a toujours des reconstructions possibles, un avenir, une lumière plus forte que les ombres et les ténèbres ; quelle que soit la longueur de la nuit, il y a toujours le matin qui se lève ».
La loi de l’Esprit, dit Paul. Cet Esprit, c’est l’Esprit de Dieu, qui veut nous accompagner, nous encourager, nous donner de cette paix qui manque au monde, pour peu que nous l’acceptions.
Vous vous souvenez de ce commandement de Dieu : « Ma volonté n’est pas au ciel ; tu dirais qui ira pour nous la chercher ? »
Certains me diront certainement : bon, ce que tu veux nous dire ce matin, c’est de faire de bonnes œuvres ? Non !
Nous ne sommes pas appelés à vider sans cesse nos poches et nos porte-monnaie pour les autres ; nous sommes appelés, en tant que disciple du Christ, à tendre nos mains vides ; mais à les tendre au nom de Jésus-Christ. En changeant radicalement notre regard sur les autres, comme ce regard de Pierre et Jean sur cet homme si peu intéressant.
Nous sommes appelés à changer radicalement nos vies, en n’ayant plus les mêmes valeurs que notre monde, en ne mettant plus l’argent, la rentabilité, les calculs financiers, la comptabilité comme valeurs premières.
En mettant la relation humaine, le dialogue, la compassion, l’amour du prochain au centre de notre vie. En demandant pardon aux autres, pour nos erreurs, nos maladresses, notre part de responsabilité dans les échecs.
Ecoutez donc Pierre : « Je n’ai rien, mais ce que j’ai je te le donne : au nom de Jésus-Christ, lève-toi et marche ».
Alors, je voudrais récapituler ce que ce texte contient comme bonne nouvelle pour nous ce matin :
- Oui, la première des choses, c’est que le Dieu de Jésus-Christ est venu nous toucher par la bonne nouvelle ; Il a voulu nous donner la joie d’être relevés, la joie de ne plus être enfermés dans nos paralysies.
- La deuxième chose est que le Seigneur est venu nous libérer de nos peurs ; comme cet infirme enfermé dans sa peur, comme ces disciples enfermés dans leur peur, Dieu nous a libérés de nos chaînes, de toutes les chaînes qui nous paralysaient et nous tenaient prisonniers.
- La troisième chose est que Dieu veut nous donner de l’audace, beaucoup d’audace ; de l’audace comme Pierre qui tend sa main vide, parce qu’Il sait que Dieu va la remplir de sens. De l’audace, comme cet infirme, qui n’attend pas que les prêtres aient vérifié qu’il n’est plus impur pour entrer dans le temple pour louer Dieu et sauter de joie.
Dieu veut nous donner de l’audace ; celle que votre voisin n’a pas parce qu’il a peur ; Dieu veut nous donner l’audace de ne pas tomber dans le discours ambiant morose qui nous laisse statiques et nous incite tjrs à croire que tout va mal mais qu’on n’y peut rien…
Dieu veut ce matin donner à chacun d’entre nous l’audace, l’audace de croire que non seulement notre vie peut changer, et être changée par la joie du Christ, le Dieu de paix, de pardon et de reconstruction ; mais aussi l’audace de croire que nous pouvons changer la face du monde, par nos mains vides, par notre regard, par notre confiance en Dieu qui veut tout homme, toute femme et tout enfant relevé.
Dieu a besoin de chacun de chacun de nous pour tendre la main et relever l’humanité.
Mais elle est folle, penseront-ils.
Si vous avez l’impression que tout cela est folie, souvenez-vous, quand vous tendrez vos mains vides vers les autres :
« Heureux les fêlés, car ils laissent passer la Lumière ».
Amen.
Pr Nathalie Paquereau.