Prédications Protestantes dans les Alpes du sud
DIMANCHE 6 JUIN 2010
Culte d’accueil à Trescléoux
Textes Bibliques :
Genèse 14, 18-20
ACTES 8, 26-40 1
Corinthiens 11, 18-20
Un évangéliste détourné !
Quel point commun y a-t-il entre notre eunuque éthiopien et Claudette[1] ? Quel point commun y a-t-il entre Philippe et Claudette? Vous riez ! Quel point commun y a-t-il entre l'eunuque éthiopien, Philippe, et chacun de nous?????
Plein! Des tas, des tonnes! Qui vont bien au-delà de l'apparence physique! Qui montrent avec l'un un cheminement, et la rencontre avec le Seigneur; et avec l'autre la manière de vivre l'Evangile et sa mission.
Commençons par l'eunuque éthiopien.
Il n'a pas de nom, mais une fonction; et une fonction importante. Non, la bonne nouvelle ne s'adressera pas qu'aux pauvres qui espèreraient quelque chose, une vie meilleure, plus...bénie!
La bonne nouvelle s’adresse, comme à Zachée, comme à l'homme riche, à des personnes qui semblent dans l'aisance matérielle.
Cet homme a un poste de confiance; c'est lui qui gère le trésor de Candace, reine d'Ethiopie. Candace n'est d'ailleurs pas un nom, mais un titre, au même titre que "Pharaon" roi d'Egypte.
Il a une reconnaissance professionnelle, certainement sociale, qui compensent peut-être plus ou moins sa non-intégrité physique, dont on ne sait d'ailleurs si elle est naturelle ou obligée par son service.
Cet homme est très certainement un prosélyte, un nouveau converti dans la foi juive; il vient de faire son pèlerinage à Jérusalem ( ça faisait tout de même une trotte!) pour, dit le texte, adorer Dieu. Et il est en train de repartir, non sans avoir auparavant acheté un rouleau (qui était coûteux à l'époque) du livre d'Esaïe.
Cet homme semble vouloir de tout son coeur chercher Dieu; à moins que ce ne soit Dieu qui le cherche de tout son coeur! Mais rien de ce qu'il est et fait n'est total, n'est entier.
Il est nouveau converti au judaïsme, mais il ne peut être totalement juif, puisqu'on est juif de par la mère. Presque un faux juif; en tous cas, un juif de seconde zone.
Il n'a vraisemblablement pas eu le droit, avec tout ce long chemin, d'entrer dans le saint temple, le grand temple de Jérusalem, puisqu' avec sa castration, il est considéré comme impur ...A-t-il dû passer outre? Si ça a été le cas, notre homme a dû en être gêné... a-t-il fait le voyage principalement pour pouvoir posséder le précieux rouleau, et essayer par lui-même d'être enseigné? Nous ne le savons pas.
Cet homme, cet eunuque éthiopien, il nous ressemble; il est comme nous avec certains de nos besoins comblés; avec certaines fonctions, qu'elles soient associatives... Il n'a pas l'air d'un malheureux homme!
Nous lui ressemblons parce que nous traînons aussi tous nos boulets: boulets de notre enfance; boulet d'une vie professionnelle difficile; boulet d'un mariage pas réussi; boulet d'échecs divers et variés; boulet de souffrances physiques. Et il cherche !
Mais sa quête solitaire de Dieu ne semble pas porter beaucoup de fruits; il a beau se plonger pendant sa longue route sur le rouleau d'Esaïe, il lui manque, on va dire " la petite étincelle" pour comprendre.
Serait-il inintelligent? Certainement pas; on imagine qu'un haut fonctionnaire était un homme cultivé, intelligent, homme de pouvoir et de décisions...Non, ce n'est pas l'intelligence qui lui manque, c'est cette petite flamme, cette petite lumière, le décodeur quoi!!
On peut alors dire que l'eunuque a reconnu l'existence de Dieu, l'a sûrement cherché, ce Dieu; mais son lien avec Dieu en est encore au " croire", sans être dans la relation.
Beaucoup de chrétiens sont dans le croire" je crois que Dieu existe"; mais ce n'est pas suffisant; le Christ nous appelle au pas de la foi qui nous fait dire " je crois en toi, Dieu".
Faisons une pause avec l'eunuque pour retrouver Philippe. Philippe est extraordinaire: il entend des voix! Les anges lui parlent!
Chez Luc, nous sommes déjà habitués aux anges; les anges, ce sont ceux qui parlent de la part de Dieu; et après tout, dans le symbole de Nicée Constantinople, on annonce bine qu'on croit aux choses visibles et invisibles! Alors peut-être qu'on pourrait prêter un peu plus d'attention aux choses spirituelles...
Toujours est-il que ce signe de Dieu demande à Philippe des choses qui peuvent paraître complètement aberrantes: Philippe, qui vient de parcourir la Samarie, qui a annoncé le Messie partout, à des foules, voilà qu'on lui dit de partir en direction du midi sur une route...déserte!! Punition? Philippe, tu n'as pas bien fait ton travail d'évangéliste? Tu dois faire un petit stage au désert !
Philippe est obéissant...il y va! Il ne manque pas d'audace. C'est peut-être ça qui en fait un homme de Dieu: ne pas toujours être dans les calculs humains mais faire un peu confiance en la voie que Dieu indique. Si Dieu est pour nous... qui sera contre nous?
La route est déserte, mais pas tant que ça! Car c'est sur le chemin de Philippe que l'homme se présente; vous avez remarqué, ce n'est pas l'inverse! Dieu fait volontairement en sorte que l'homme se présente devant Philippe.
Et Philippe l'entend ...lire! J'adore cette expression!!! Mais cette méthode était non seulement très caractéristique de la lecture de la Torah à haute voix, mais encore elle permet de mieux retenir ce qui est lu puisque deux sens entrent en fonction.
On sent donc de l'application dans ce que fait l'eunuque. Philippe va aussi mettre du zèle à sa tâche; il arrive à la rencontre de l'eunuque en courant.
Et les premières paroles de Philippe sont fort curieuses: pas de salutation, pas de salamalec, mais plutôt une question très, très directe. Ca peut paraître vexant! L'eunuque est haut fonctionnaire, a un grade; et voilà qu'un gars du genre pécheur de poissons lui demande s'il comprend ce qu'il lit !!!
Pour être audacieux, Philippe est audacieux.
Mais surtout, il sait très bien que sans l'Esprit saint, sans l'éclairage de Dieu lui-même, sans cette illumination, la Bible, c'est effectivement Canal + sans décodeur!! D'ailleurs, la réponse de l'eunuque est explicite: " comment pourrais-je comprendre si personne ne... m’éclaire".
Il y a cette volonté chez l'eunuque de comprendre; et cette humilité de recevoir d'un gars qu'il ne connaît pas, qui n'est sûrement pas habillé nickel. Il a l'humilité de ne pas étaler ce qu'il sait déjà; il a la sagesse de dire qu'il ne sait pas. Et il invite cet inconnu à s'asseoir à côté de lui.
Le texte d'Esaïe lu par l'eunuque est celui du serviteur souffrant. Et l'eunuque est plein de questions qu'il n'a pas honte de poser; pourquoi? Parce qu'on sent chez cet homme une soif; une soif de connaître; de rencontrer Dieu.
Philippe est audacieux, et fait une catéchèse expresse à cet homme dont il ne sait rien. Il annonce la bonne nouvelle à un homme qui n'a rien en lui-même pour mériter cela; même pas un vrai juif!
Philippe sait désormais; sait que quiconque croit au nom du Seigneur Jésus-Christ reçoit le salut, et est ouvert à l'Esprit saint. Il vient de l'expérimenter en Samarie où tous ceux qui avaient été baptisés ont ensuite reçu l'onction de l'Esprit.
Il annonce la Bonne nouvelle; et cette bonne nouvelle transmet aussi l'audace: la question de philippe était audacieuse; celle de l'éthiopien l'est tout autant: " qu'est-ce qui empêche que je sois baptisé?" Pour un catéchisme express, il n'empêche que ça porte ses fruits!! Qu'est-ce qui empêche?
-Plus rien! Ni la vie ni la mort, ni les anges ni les dominations, ni le présent ni l'avenir ni les forces d'en haut ni celles d'en bas, ni aucune autre chose créée, rien ne pourra jamais nous séparer de l'amour de Dieu, manifesté en Jésus-Christ notre Seigneur".
" Qu’est-ce qui empêche?" Rien.
Rien ne nous empêche, quel que soit notre âge, notre culture, nos origines, notre situation personnelle, rien ne nous empêche de faire partie du peuple de Dieu; rien ne peut nous séparer de l'amour de Dieu; rien!
Il suffit "juste" de croire de tout son coeur; d'avoir confiance.
Voilà ce que nous, baptisés, nous sommes appelés à nous demander: " est-ce que je crois de tout mon coeur?" est-ce que je fais confiance au Dieu de Jésus-Christ au point de lui parler, sans pudeur, sans carcan de mon éducation pudique ou de mes habitudes cultuelles?
L'eunuque éthiopien nous renvoie donc tout d'abord à notre situation: nous avons peut-être l'impression que notre vie se passe plutôt bien; tant mieux; mais chacun de nous a ses soucis, ses névroses, ses insatisfactions. Et parfois ce vide en forme de Dieu qui nous amène à notre quête de Dieu. Est-ce qu'on se satisfait d'une situation, d'un bagage qu'on a reçu petit, au catéchisme peut-être, et qui fait partie de notre culture? Ou bien est-ce que nous sommes toujours des quêteurs de Dieu, sentant que sa bonne nouvelle a toujours à bouleverser notre vie?
Claudette a fait, non, fait cette démarche; elle a bien compris que Dieu n'est pas un joli paquet transmis qu'on trimballe plus ou moins au cours de sa vie. C'est ce que nous sommes toujours, toute notre vie appelés à faire: méditer les Ecritures et demander à l'Esprit saint son éclairage. Et ne jamais nous croire arrivés; c'est comme si on croyait que le jour de notre mariage, c'est terminé, plus besoin de communiquer avec l'autre, plus besoin d'entretenir la relation !!! Le jour de notre baptême, de notre confirmation, ou le jour de notre accueil dans une église marque au contraire le souhait de cheminer avec Dieu en sachant que rien ne l'empêche.
L'eunuque nous laisse ce message ce matin: lui qui était sans nom, lui qui n'avait qu'une fonction va être dans quelques heures baptisé. Parce qu'il veut de tout son coeur rencontrer Dieu; parce qu'il veut de toute sa vie cheminer avec celui qui va devenir son seigneur, parce que le serviteur souffrant est venu; pour lui; personnellement; pour nous; personnellement.
Lui qui n'était qu'à moitié juif va devenir totalement chrétien, nous appelant, si nous-même sommes tièdes, voire froids, peut-être orgueilleux parce qu'issus de camisards et autres huguenots cévenols; oui, cet eunuque nous appelle à être pleinement chrétien, vraiment chrétien; totalement; entièrement chrétiens.
Et là, nous recevons un nom; et là, nous sommes à notre tour appelés à l'audace de Philippe: cette audace, c'est celle de sentir, d'être ouverts aux signes, aux messages de Dieu dans nos vies, sur nos chemins. Devenir ouvert à l'autre, et ouvert au monde des choses invisibles ; devenir audacieux avec sa Parole et aller, aller au-devant des autres, courir au-devant des autres pour leur annoncer l'amour dont Dieu les aime. A notre tour; parce que c'est bien là le sacerdoce universel auquel nous sommes appelés: oeuvrer pour le Seigneur Jésus-Christ, qui, en priant; qui en écrivant des méditations; qui en témoignant par toute sa vie de la joie du Christ; qui en faisant des cultes; qui en faisant des visites et partageant la Parole.
Et nous sommes tous concernés. Nous sommes à la fois cet eunuque éthiopien, qui a à apprendre, à approfondir sa relation avec le Seigneur, à être éclairé; et à la fois ce Philippe, qui va sur le chemin un peu bizarre et illogique à vues humaines que le Seigneur lui indique, mais y va sans rechigner, sans faire son petit capricieux, et qui court lorsqu'il perçoit sa mission; qui y va avec tout son coeur, toute sa joie pour le Seigneur; et qui a reçu un nom qui fait son identité et y puise son être, tout son être.
Nous sommes à la fois cet eunuque, et à la fois ce Philippe. Où humilité et ouverture nous sont demandés pour nous ouvrir à la parole; ou audace, joie et obéissance au Seigneur nous sont demandés pour prendre le chemin qu'Il nous indique, au service de Dieu et des autres.
Amen !
Pr Nathalie PAQUEREAU
[1] Claudette a été reçue officiellement au sein de l’Eglise Réformée de France, à sa demande, au cours de ce culte.