Prédications Protestantes dans les Alpes du sud
DIMANCHE 12 MAI 2019
Culte à Gap (05000)
Lectures du Jour :
Actes 13, 14-52
Apocalypse 7, 9-17
Jean 10, 27-30
Il essuiera toute larme
« Apocalypse »… Quand on entend ce mot, on a envie de fuir tant il représente pour nous un imaginaire cruel, terrifiant et incompréhensible!
On voit la fin du monde un peu comme dans Tintin et la boule de cristal : les murs fondent, le soleil écrase tout… Vous rajoutez le tri entre les « bons » et les « mauvais » tel que le présentent les prophètes de malheur ou sectaires de tout bord et vous avez le tableau…
Et pourtant « Apocalypse » ne veut absolument pas dire fin du monde ! « Apocalypse » vient du verbe grec qui signifie « découvrir » ou « révéler »… C’est tout autre chose et je vous propose de voir en quoi cette « révélation » est la bonne nouvelle d’aujourd’hui.
Et tout d’abord comment lire ce texte difficile ?
Les commentaires chrétiens, aujourd'hui, font le plus souvent une lecture historique : on dit que l'auteur de l'Apocalypse parle dans une situation de catastrophe et dans une époque troublée. S’agit-il de l’époque des persécutions à l’encontre des chrétiens par des juifs intégristes (et ce, dès la mort du Christ comme nous le rapportent les Actes des apôtres) ? Ou plus tardivement, l’époque des tortures infligées aux chrétiens par les empereurs romains ?
Ces considérations historiques sont intéressantes, mais le contexte historique de l’époque n’est pas celui d’aujourd’hui et le principe essentiel de lecture de la Bible d'une manière profitable est que chaque lecteur pense que tout texte parle à chacun de nous aujourd’hui et maintenant.
Alors cherchons ailleurs.
La lecture qui nous est le plus souvent proposée est de dire que l'Apocalypse annonce la fin du monde ; une fin du monde qui nous concernerait tous puisqu’elle serait imminente. C'est ainsi que fonctionne le discours de certaines églises ou sectes prêchant le « repentez-vous... car la fin est proche »… Mais ce n'est pas une bonne solution, car même si tout cela pouvait nous concerner (ce dont je doute) alors ça ferait de toute façon plus de 2000 ans que les chrétiens auraient lu l'Apocalypse pour rien puisqu'aucune génération jusqu'à présent n'a connu la fin du monde. Il faut donc penser que l'Apocalypse reste valable pour nous, même si la fin du monde n'est pas imminente.
Si nous revenons aux sens de « révélation » et « découverte », nous changeons notre façon de lire ce texte. Il ne parle pas de la fin de notre monde concret. Il parle de façon imagée de notre vie, des conséquences de ce que nous vivons, et de la manière de vivre dans ce monde. Il parle d’une « révélation » sur le sens de notre vie et ce vers quoi elle peut mener. C’est en ce sens qu’il nous concerne tous.
Il est quand même question de la fin de quelque chose et de destructions... alors de quoi ? Là encore, on peut interpréter cela de plusieurs manières.
La plus évidente, et certainement pas fausse est quelque chose de l'ordre de la mise en garde sur notre manière de vivre. Il y a des choses dans notre façon de vivre qui peuvent mener à la vie, ou à la mort, au bonheur, ou au malheur, et certaines attitudes peuvent en effet mener à la catastrophe, à la destruction, au néant, alors que d'autres mènent vers la vie, la paix, la joie, la transmission et une forme d'éternité.
Ce genre de mise en garde est fréquent chez les prophètes de l'Ancien Testament. Il ne faut pas les lire comme des menaces de punitions divines, mais comme une responsabilisation de l'individu, lui montrant que ses actes ont des conséquences qui peuvent être bonnes ou mauvaises. Il faut faire attention, tout n'est pas égal, et notre manière de vivre a des conséquences pour nous, et pour les autres, et ce, pas forcément dans l'autre monde, mais même ici-bas. Il n'y a pas besoin d'attendre d'être mort pour vivre l'Enfer et le Paradis, ils peuvent très bien déjà se vivre dès ici-bas. Et si cela n'est pas toujours très agréable à se faire rappeler, c'est néanmoins tout à fait important. On annonce en effet le pardon et la grâce, mais il est bon de rappeler que le pardon et la grâce ne déresponsabilisent pas, et n'effacent pas les conséquences de nos erreurs. Certes, on peut vivre libérés et déculpabilisés, mais c'est pour mieux pouvoir s'engager positivement dans le monde.
Une autre interprétation, plus intéressante des destructions de l'Apocalypse est de montrer que quand on accueille une nouvelle manière d'être dans la présence de Dieu, en vivant certains idéaux, alors forcément cela se fait au détriment de comportements archaïques, accéder à l'amour et la grâce suppose l'abandon et la destruction de la jalousie, de l'égoïsme et de la violence. Il faut que le vieil homme meure pour devenir une nouvelle créature.
Et ces destructions peuvent, enfin, être comprises comme on le fait dans les Psaumes à propos des « ennemis » dont il est dit qu'on demande à Dieu de les abattre, de les tuer, de les noyer dans leur propre sang et d'éclater la tête de leurs enfants sur des rochers. Ces passages ont souvent dérangé les chrétiens qui trouvent que ces demandes ne sont pas très « évangéliques ». Mais c'est se méprendre sur le sens à leur donner. Il ne s'agit évidemment pas d'ennemis humains, mais d'ennemis spirituels, de toute pensée morbide qui nous détruit ou de toute situation, d'épreuve qui tend à nous déstabiliser, à nous faire chuter, à nous détruire. Ce que l'on demande à Dieu, c’est d'exterminer tout le mal qui nous menace ou nous attaque, de faire disparaître ces ennemis intérieurs, et de nous aider à vaincre ces événements mortifères.
Toutes les destructions ne sont donc pas mauvaises, au contraire, il y a plein de choses dont on peut souhaiter qu'elles disparaissent à jamais, qu'elles tombent dans un océan de feu, pour laisser place à une réalité nouvelle faite d'amour, d'espérance, de joie, de paix, de lumière et de fraternité. Bien sûr, cela ne se fait pas sans combat, ni sans renoncer à certaines choses mais nous ne sommes pas seuls.
Et tout ça... ce n'est pas pour la fin des temps, c'est pour tout de suite, pour chacun, et pour chaque jour. Car, délivrés de tout le tragique dans lequel on veut trop souvent nous enfermer, nous pouvons, l’esprit libre, engager une action paisible et joyeuse en ce monde.
Et puis, dans cette découverte, il n’y a pas que de la destruction, ni dans le sens négatif de menace, ni dans celui positif de faire disparaitre le mal. Il y aussi beaucoup de bien, de bonnes choses, il y a plein de grâce, et on peut penser que c'est cela qui en est l'essentiel, le pivot, le point d'appui fondamental pour comprendre tout le livre.
« Dieu habitera lui-même avec eux : il essuiera toutes larme de leurs yeux, il n’y aura plus de deuil, ni cri ni douleur[1]. » quelle joie, quel bonheur. Et on trouve un peu plus loin même ces belles paroles de grâce, parmi les plus belles de toute la Bible : « à celui qui a soif, je donnerai de la source de l'eau de la vie, gratuitement[2] ».
Ne laissons donc pas parler les oiseaux de malheur, bien-sûr, il y aura toujours sur Terre des guerres et des bruits de guerre, mais cela n'est pas la fin dit le Christ, (Mat 24). Non pas « fin » au sens de « terminaison» mais « fin » au sens de « but », « d’objectif ». Il y aura toujours du mal sur Terre, mais ce n'est pas la finalité, ce n'est pas le but, l'objectif. Le but, l'objectif, la finalité de la création, ce n'est pas pour demain, mais pour aujourd'hui, pour maintenant, ce n'est pas pour d'autres, mais pour nous, et c'est la paix, la joie, la douceur, la tendresse, le pardon, la lumière, la vie et l'amour. C'est ça qui donne le sens de toute la création, c'est pour ça que nous vivons, et de ça que nous vivons. Et c'est pour cela que Dieu combat avec nous.
Isabelle CHABAS[3]
[1] Apocalypse 21,4
[2] Apocalypse 21,6
[3] A partir de textes de Louis Pernot et Elian Cuvillier .