Prédications Protestantes dans les Alpes du sud 

Déclaration de foi du synode clandestin de Barmen

Un acte de « résistance spirituelle

Après la prise de pouvoir par Hitler, les Églises régionales protestantes -luthériennes, réformées et unies- constituant l'« Evangelische Kirche », se voient imposées d'adopter dans leurs constitutions un paragraphe aryen et l'affirmation d'une supériorité allemande. Le 29 mai 1934 le Synode de Barmen s'en désolidarise : luthériens et réformés se réunissent sous la dénomination d'Église confessante (« bekennde Kirche »). Ces résistants venus de toutes les parties de l'Allemagne protestaient ainsi contre la mise au pas du protestantisme allemand en voie d'organisation dans les « Deutsche Christen ». Le texte de cette déclaration, dont un des principaux rédacteurs était Karl Barth, se présentait comme un acte exclusivement religieux, de résistance spirituelle pour la défense de l'Église et de la pureté de son message ; en particulier, il ne mentionnait pas la persécution des juifs. Malgré ses lacunes (à l'origine de controverses après la guerre), sa signification politique était évidente.

En France, ce texte fut diffusé par la revue Foi et Vie dirigée par le pasteur Pierre Maury, et également par le Christianisme Social (Elie Gounelle). Le texte de la Déclaration de Barmen, ainsi que ceux du pasteur allemand Martin Niemöller (1), furent publiés en 1940 dans Témoignage chrétien fondé à Lyon, dans la clandestinité.

Ce texte de la charte de la résistance spirituelle au nazisme a été adopté à Barmen (Wuppertal), en Allemagne, en 1934, par des membres d’Eglises luthériennes, réformées et unies :

1 - "Je suis le chemin, la vérité et la vie, nul ne vient au Père que par moi" (Jn14/6)

"En vérité, en vérité je vous le dis, celui qui n’entre pas par la porte dans la bergerie, mais qui y monte par ailleurs est un brigand (...). Je suis la porte. Si quelqu’un entre par moi, il sera sauvé " (Jean 10/1-9)

Jésus-Christ, selon le témoignage de l’Ecriture Sainte, est l’unique Parole de Dieu. C’est elle seule que nous devons écouter; c’est à elle seule que nous devons confiance et obéissance, dans la vie et dans la mort.

Nous rejetons la fausse doctrine selon laquelle, en plus et à côté de cette seule Parole de Dieu, l’Eglise pourrait et devrait reconnaître d’autres événements et pouvoirs, personnalités et vérités, comme Révélation de Dieu et source de sa prédication.

2 - "Jésus-Christ a été fait pour nous, de la part de Dieu, sagesse et justice, sanctification et rédemption " (I Col. 1/30)

De même que Jésus-Christ nous communique de la part de Dieu le pardon de tous nos péchés, de même il est également la puissante interpellation de Dieu qui revendique notre vie tout entière; en lui nous advient une joyeuse libération des entraves impies de ce monde pour un service libre et reconnaissant parmi ses créatures.

Nous rejetons la fausse doctrine selon laquelle il y aurait des domaines de notre vie dans lesquels nous n’appartiendrions pas à Jésus-Christ mais à d’autres seigneurs et dans lesquels nous n’aurions plus besoin de justification et de sanctification.

3 - "Professons la vérité dans la charité, et croissons à tous égards en celui qui est le Chef, Christ, par lequel tout le corps est uni" (Eph. 4/15-16)

L’Eglise chrétienne est la communauté des frères dans laquelle Jésus-Christ présent agit comme Seigneur, par le Saint-Esprit, dans la Parole et les Sacrements. C’est au milieu même du monde pécheur que, par sa foi et son obéissance, par son message et par ses institutions, elle doit confesser, Eglise des pécheurs sauvés par grâce, qu’elle n’appartient qu’à lui seul et qu’elle vit et voudrait vivre uniquement de la force qu’il donne et de ses enseignements dans l’attente de son retour.

Nous rejetons la fausse doctrine selon laquelle l’Eglise pourrait abandonner le contenu de son message et son organisation à son propre bon plaisir ou aux courants successifs et changeants de convictions idéologiques et politiques.

4 - "Vous savez que les princes des nations asservissent et que les grands les tiennent sous leur puissance. Il n’en sera pas ainsi parmi vous; au contraire, celui qui voudra être grand parmi vous qu’il soit votre esclave " (Mat. 20/25-26)

S’il y a différentes fonctions dans l’Eglise, aucune d’entre elles ne doit dominer les autres, car toutes doivent concourir à l’exercice du ministère confié à la communauté toute entière.

Nous rejetons la fausse doctrine selon laquelle l’Eglise pourrait, en dehors de ce ministère, se donner ou se laisser donner un chef muni de pouvoirs dictatoriaux.

5 - "Craignez Dieu, et rendez honneur au Roi ! " (I Pierre 2/17)

L’écriture nous dit que selon l’ordre voulu par Dieu, l’Etat a, dans un monde qui n’est pas encore libéré et dans lequel l’Eglise est dressée, la tâche de veiller au droit et à la paix en usant de la menace et de la violence dans les limites de la clairvoyance et des possibilités humaines. Avec gratitude, et dans la crainte de Dieu, l’Eglise reconnait les bienfaits de cet ordre. En annonçant le Royaume de Dieu, sa loi et sa justice, elle rappelle, tant à ceux qui sont gouvernés qu’à ceux qui gouvernent, quelle est leur responsabilité. Elle se fie à la puissance de la Parole de Dieu et lui obéit, car c’est par elle que Dieu soutient toutes choses.

Nous rejetons la fausse doctrine selon laquelle l’Etat devrait et pourrait, dépassant en cela les compétences de sa mission particulière, prétendre devenir l’ordre unique et total de toute la vie humaine et remplir ainsi jusqu’à la vocation même de l’Eglise. Nous rejetons la fausse doctrine selon laquelle l’Eglise devrait et pourrait, dépassant en cela les compétences de sa mission particulière, s’approprier le caractère, les tâches et le prestige de l’Etat et devenir ainsi elle-même un organe de l’Etat.

6 - "Voici, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde" (Mat. 28/20)

"La Parole de Dieu n’est pas liée" (2 Tim. 2/9)

La mission de l’Eglise, en quoi s’enracine sa liberté, consiste à communiquer à tout le peuple, à la place du Christ, donc au service de sa parole et de son œuvre, attestée par la prédication et les sacrements, le message de la libre grâce de Dieu.

Nous rejetons la fausse doctrine selon laquelle l’Eglise pourrait, en vertu d’un acte d’autonomie humaine, mettre la Parole et l’œuvre du Seigneur au service de désirs, de buts et de plans quelconques choisis de sa propre autorité.

Le Synode confessant de l’Eglise évangélique allemande déclare voir, dans la reconnaissance de ces vérités et le rejet de ces erreurs, l’indispensable fondement théologique de l’Eglise évangélique allemande, considérée comme une fédération des Eglises confessantes. Il invite tous ceux qui peuvent se joindre à ces déclarations à se souvenir de ces mises au point théologiques lorsqu’ils auront à prendre des décisions de politique ecclésiastique. Il prie tous ceux que cela concerne de revenir à l’unité de la foi, de l’amour et de l’espérance.

"Verbum Dei manet aeternum ".

Wuppertal, le 31 mai 1934.

(1) : Auteur de ce Célèbre poème :


Quand ils sont venus chercher les communistes,

Je n'ai rien dit, je n'étais pas communiste

Quand ils sont venus chercher les syndicalistes,

Je n'ai rien dit,

Je n'étais pas syndicaliste.

Quand ils sont venus chercher les juifs

Je n'ai pas protesté,

Je n'étais pas juif.

Quand ils sont venus chercher les catholiques,

Je n'ai pas protesté,

Je n'étais pas catholique.

Puis ils sont venus me chercher,

Et il ne restait personne pour protester


Niemöller fut arrêté en 1937 et envoyé au camp de concentration de Sachsenhausen . Il fut ensuite transféré en 1941 au camp de concentration de Dachau . C’est Dietrich Bonhoeffer qui lui succédera à la tête de l’Eglise confessante Allemande, avant d’être lui-même arrêté.

Libéré du camp après la chute du régime nazi, en 1945 , il devient militant pacifiste et consacre le reste de sa vie à la reconstruction de l’Église protestante d’Allemagne, chose peu aisée, la volonté d’oubli primant sur la repentance de ceux qui ont milité ou accepté un déviationnisme théologique "insensé" et le refus d’une reconnaissance collective par « l’Eglise Allemande » de son aveuglement, porté par un antijudaïsme dogmatique qui ne sera surmonté par l’EKD que par petites étapes successives et assez récentes.

En 1961, il est élu à New Delhi coprésident du Conseil mondial des Eglises. Malgré les controverses, son image reste celle d’un homme qui, a selon les termes de l’évêque berlinois Dibelius, « consacré avec détermination toute son existence au service de sa foi et d’une Eglise juste ». Il décédera en 1984 à Wiesbaden.