Prédications Protestantes dans les Alpes du sud
Dimanche 01 Novembre 2015
Fête de la Réformation
TRESCLEOUX (05700)

Lectures du Jour
Marc 12,28-34
Hébreux 7,23-28
Deutéronome 6, 1-6
Les deux ne font qu’un
Frères et Sœurs,
Les lectures qui nous sont proposées ce matin, nous plongent dans le Pentateuque, la Torah. La Genèse, puis l’Exode et le décalogue, le Lévitique qui détaille ces commandements et les prescriptions qui en découlent, et dans lequel apparaît un nouveau commandement (Lév. 19/18), le livre des Nombres, pendant les 40 années au désert, et puis le livre du Deutéronome, cette seconde Loi, réécriture par les scribes en exil des discours de Moïse.
Ce matin, la question qui se pose à nous est de savoir ce que ce texte, vieux de 25 siècles, essentiel pour les juifs, (c’est leur profession de foi), ce Shema Israël, qu’a-t-il à nous dire aujourd’hui ?.
Les scribes avaient compris que s’ils voulaient survivre en tant que peuple de JHWH, il leur fallait réaffirmer la primauté de leur Dieu, sur tous les autres, et en particulier sur ceux de leurs vainqueurs, et donner à ces juifs exilés, esclaves, au fond du trou, de voir un peu de lumière, ce que le prophète Jérémie, qui était du voyage, fera en:[1]réaffirmant ainsi la fidélité de Dieu envers son peuple, qui doit se montrer digne de cette fidélité. Alors, toutes les bénédictions lui seront promises, comme à ses pères au désert.
ECOUTE !
Et ce matin, nous aussi nous entendons cet appel du Shema Israël : Ecoute ! d’habitude c’est plutôt nous qui disons cela : Mon Dieu écoute ma prière, accompagné le plus souvent de « exauce-moi » !.
Ici, c’est différent, ce Ecoute, vient d’ailleurs, il vient de Dieu, qui nous lance une sorte d’appel au secours : Ecoute, écoute-moi, reviens vers moi. Ce Ecoute, est le cri de quelqu’un qui nous aime malgré nos infidélités.
Alors, il est temps pour nous, de proclamer, comme ces juifs en exil, Le SEIGNEUR notre Dieu est le Seigneur UN. (v 4)
Proclamer le Dieu UN, c’est un cri de ralliement identitaire, c’est notre condition de survie, c’est proclamer notre relation privilégiée à cette transcendance totalement étrangère[2], hors du pouvoir des hommes, qui EST en dehors de nous, de notre dimension humaine. Dieu n’a aucun besoin de nous pour ÊTRE, puisqu’il EST, de toute éternité, cette éternité que nous ne pouvons ni imaginer, ni appréhender.
Proclamer le Dieu UN, c’est en même temps nous libérer de notre condition humaine et de sa finitude, c’est affirmer que nous prenons notre part de cette Eternité.
Nous sommes aujourd’hui, dans la même situation que ces exilés à Babylone, qui avaient compris la nécessité de se rassembler autour du Dieu UN pour exister en tant que peuple. Et ils pouvaient le faire, bien qu’étant en exil sur une terre étrangère[3] adoratrice d’idoles de toutes sortes.
Nous sommes leurs héritiers, nous le Peuple de Dieu entouré de multiples dieux, idolâtrés par nos contemporains, en exil sur nos propres terres.
Aime ton Dieu
Mais dire cela ne suffit pas. Pour que Dieu existe aux yeux des hommes, il faut qu’il soit vu. Et c’est par nous, par nous seuls, que Dieu peut être vu, Dieu a besoin de nous pour exister, ici, maintenant.
Pour cela, il faut aimer Dieu de tout ton cœur : le cœur, siège de toutes les émotions, de toutes les énergies, le cœur rassemble symboliquement notre être tout entier, tout ce qui n’est pas visible : pensée, intelligence, projets, mémoire aussi, c’est pourquoi, tu aimeras ton Seigneur, le Dieu UN, de tout ton cœur, de toutes tes forces, et certaines traductions ajoutent de tous tes moyens, ce que j’aime bien, car cela veut dire que tant que tu n‘as pas mis en œuvre tous tes moyens, tu ne peux pas dire que tu aimes ton Dieu, Totalement.
Du Deutéronome à Marc
Mais les similitudes entre Israël recevant ce commandement et nous, aujourd’hui, s’arrêtent là, car :
* Dans le Shema Israël, Dieu est un Dieu jaloux, alors que dans notre Credo, qui est son équivalent, nous proclamons : Je crois en Dieu le Père tout puisant. Le Père : Voici qui peut laisser augurer une relation plus intime, plus dans l’affection que dans la crainte.
* dans le Shema Israël, Dieu est le Dieu UN. Dans notre Crédo, le Dieu UN est devenu le Dieu Trinitaire, car il s’est révélé à l‘humanité par son fils, Jésus le Christ et qu’il nous a laissé l’Esprit-Saint pour compagnon, consolateur, nous permettant de rester en relation avec Lui en attendant son retour.
Mais tout de même, il reste 2 similitudes importantes, qui nous permettent de faire le lien avec le texte de Marc :
* le commandement de Dieu au Peuple est accompagné d’une promesse, d’une bénédiction : (v.10/12), qui est d’abord un don.
Dans le texte de Marc, Jésus nous donne un commandement nouveau, accompagné lui aussi d’une promesse, la promesse d’entrer dans cette nouvelle terre promise, le Royaume de Dieu donné à tous ceux qui acceptent de le recevoir.
Le scribe
Et donc, il y a le scribe de Marc, qui intervient après une dispute de plus, entre Jésus et les sadducéens[4], cette fois. Les Évangiles en disent tellement de mal (v.38/40), que ce scribe mérite notre attention, car la suite du récit montre qu’il s’adresse à Jésus non pas en ennemi, mais en chercheur, en chercheur de vérité, et s’adresser à Jésus dans ce but est une démarche courageuse dans ce contexte, qui pouvait le mettre lui aussi en danger, tout autant que Jésus.
En effet, sa démarche est celle de celui qui n’hésite pas à sortir du troupeau car il n’est pas satisfait de ce qu’il entend ou de ce qu’il voit. Cela aurait justifié que l’on connaisse son nom, à ce scribe définitivement anonyme.
Et de fait, sa question n’a pas pour but, une nouvelle fois, de piéger Jésus, mais la recherche sincère d’un juif pieux qui essaie de respecter à la lettre toutes les prescriptions issues du Décalogue multipliées dans le Lévitique:[5]
Et le scribe ne se satisfait pas du respect de ces prescriptions, ces traditions, ces fêtes, qui de génération en génération, au lieu d’être les signes d’une fidélité à Dieu sont devenues une fin en elles-mêmes, détachées de leur objet originel : être un signe de fidélité à Dieu.
C’est le risque encouru par les religions, y compris la nôtre, dont les rites, les traditions les enseignements, perdent peu à peu de vue Celui dont elles devraient être le signe, préoccupées d’abord par leur propre survie.
Alors la réponse de Jésus touche le scribe au cœur, lorsqu’il lui propose de revenir aux origines, à Dt 6, au Shema Israël : Ecoute Israël, tu aimeras le Seigneur UN, et ton prochain comme toi-même.
Et le scribe prolonge la réponse de Jésus en affirmant que s’attacher à ces deux commandements, cela vaut plus que toutes les traditions, que tous les rites accumulés par sa religion au fil des siècles. Se dépouiller de toute cette gangue accumulée, pour retrouver la vraie fidélité, voilà le chemin que désormais il suivra[6].
Fête de la réformation
Alors frères et sœurs vous comprenez maintenant pourquoi ce texte a été choisi spécialement aujourd’hui pour cette fête de la Réformation.
Luther n’a rien fait d’autre, le 31 Octobre 1517, que la démarche du scribe, en posant cette question : qu’est-ce qui est le plus important, que devrait-on conserver si l’on devait faire LE grand nettoyage[7] ? Et Luther répond par ses soli : la grâce seule, la foi seule, les écritures seules, le Christ seul, qu’il termine par A Dieu Seul la Gloire[8].
Pour conclure
Alors, pour conclure, nous pouvons dire cela : * Aimer Dieu, Aimer mon prochain, ce ne sont pas 2 commandements, mais le même commandement : j’aime Dieu, totalement, en aimant mon prochain, totalement.
Et Jésus nous propose d‘aller un peu plus loin que ce scribe, qui, lui dit Jésus, n’est pas loin du Royaume de Dieu.
Mais où-est-il ce Royaume ?[9] Et nous, où sommes-nous ? Pas loin, tout près ? Ayant côtoyé Jésus depuis notre plus tendre enfance sans jamais l’avoir vraiment rencontré ?
A nous de savoir si nous pouvons dire : « J’aime Dieu qui m’a aimé le premier, j’aime mon prochain comme Jésus m’a aimé, et avec Lui j’entrerai dans l’Eternité, car j’ai déjà franchi la porte[10], je suis déjà, moi, petit serviteur quelconque[11], ici et maintenant, une parcelle du Royaume de Dieu. »
Amen,
François PUJOL
[1] je n’ai pas pour vous des projets de malheur mais des projets de bonheur pour vous donner un avenir à espérer (Jér.29/11),
[2] Voir « altérité et transcendance » d’Emmanuel Levinas
[3] Ce qui est également nouveau, auparavant les juifs considéraient que leur religion ne pouvait être pratiquée en dehors du Temple.
[4] Issus de la tribu de Lévi, chargés du service du Temple, composaient majoritairement le Sanhédrin, Assemblée de 71 membres, chargée d‘interpréter « la Loi et les prophètes » : la Mishna. C’est le sanhédrin qui a dû dire si Jésus était, oui ou non, le Messie annoncé.
[5] Les mitsvot, rassemblées dans le Talmud : 248 positives (tu feras) et 365 négatives (tu ne feras pas)
[6] Ce que Saint Augustin exprimait par « Aime Dieu et fais ce que voudras ».
[7] Voir l’ouvrage de Sébastien Castellion : « L’art de douter et de croire, d’ignorer et de savoir » (1563)
[8] Symbolisée par ces 3 lettres : SDG, dont J.S. Bach signait chacune de ses œuvres.
[9] Luc 10/9 : « guérissez les malades qui s'y trouveront, et dites-leur: Le royaume de Dieu s'est approché de vous ». Ce Royaume n’est donc surement pas caché derrière un petit nuage !
[10] Jean 10:9 "Je suis la porte. Si quelqu'un entre par moi, il sera sauvé; il entrera et sortira, et il trouvera de quoi se nourrir."
[11] Luc 17,10 : « Vous de même, quand vous aurez fait tout ce qui vous a été ordonné, dites: Nous ne sommes que des serviteurs quelconques, nous avons fait ce que nous devions faire ».