Prédications Protestantes dans les Alpes du sud
Dimanche 2 Novembre 2014
GAP (05000)
Lectures du Jour :
Psaume 90, 1à 17
Ecclésiaste 3,1-8 & 14
Il y a un temps pour tout
Dieu a mis six jours pour créer le ciel et la terre et tout ce qu’elle contient et Dieu vit que cela était bon.
Dieu dit « qu’il y ait des luminaires dans l’étendue du ciel pour séparer le jour d’avec la nuit, que ce soient des signes pour marquer les époques les jours et les années ».
Les journées ont toujours 24 heures et les saisons ne sont toujours que quatre durant une année et nous voulons précipiter les choses.
Dieu détermine la date à laquelle une chose doit commencer et puis le temps qu’elle doit durer. Tout d’abord l’Ecclésiaste mentionne les deux bornes de la vie humaine : la naissance et la mort
Il est vrai que le temps a une valeur différente selon ce que l’on vit. Dans la maladie et la souffrance il est souvent trop long, parfois aussi pour certaines personnes âgées où seules, le temps est long, trop long. Mais pour beaucoup, le temps passe trop vite.
Oui, il y a un temps pour tout…
Ce temps nous est donné. Et pourtant ne disons-nous pas souvent «je n’ai pas le temps ». Pas le temps de faire tout ce que je voudrais faire. Pas le temps de flâner, de rêvasser, pas le temps d’aimer comme il faut mon prochain, pas le temps de vivre… Notre temps est un temps d’impatience, de frénésie, de regard rivé sur un écran minuscule, en marchant, en mangeant, en faisant tout le temps autre chose.
L’attente doit être utile, l’ennui impossible. Tout doit servir à quelque chose, car ne dit-on pas le temps c’est de l’argent. Vous devez connaître ce passage magnifique du Petit Prince de Saint-Exupéry ou un marchand propose au Petit Prince une pilule qui apaise la soif. Une par semaine et l’on a plus besoin de boire !
« Pourquoi vends-tu cela ? » Demande le Petit Prince
« C’est une grosse économie de temps répond le marchand. Les experts ont fait des calculs : on épargne 53 minutes par semaine. » Moi, se dit le Petit Prince si j’avais 53 minutes à dépenser, je marcherai tout doucement vers une fontaine…
Il marche à contretemps, le Petit Prince. Car s’il y avait des marchands de temps, sans doute il ferait-on la queue ! Et pourquoi faire, ce temps acheté ?
Il y a un temps pour tout et du temps pour tous.
Et pourtant nous cherchons à nous l’approprier, à le dominer, ce temps donné par Dieu. Nous cherchons à le maîtriser, afin de ne pas subir le flux du temps physique, mais d’en devenir maître. Cette maîtrise passe par la négation du temps.
Le développement des nouvelles technologies de la communication nous pousse à agir dans l’immédiateté ou dans l’instantanéité, pour ne pas être prisonnier de délais temporels : « je veux tout, tout de suite, ici et maintenant «
Voilà le mot d’ordre de notre rapport au temps : nul besoin d’être patient, je n’en ai plus le temps, je peux et je dois assouvir mes besoins immédiatement. Cette évolution nous donne l’illusion d’une libération de la contrainte temporelle mais c’est là un mirage. Le risque existe de se laisser piéger par la dictature de l’urgence et de l’immédiateté. Il y a un temps pour tout qui est dans les mains de Dieu. Actuellement on n’a jamais vu autant de mouvements allant à rebours de cette accélération. Entre décroissance, méditation, contemplation ou toute tentative de se recentrer, se retrouver soi-même et regagner un sens perdu. Sans doute nous faut-il chercher à trouver un équilibre dans notre rapport au temps, qui nous permette d’user au mieux des possibilités offertes à la fois par le temps court et par le temps long.
Mais il y a un temps pour tout.
N’est-ce pas Dieu qu’il l’a établi ainsi ? Or actuellement en ces périodes si troublées, si violentes, si tragiques, n’a-t-on pas l’impression que notre temps, que le temps du monde, n’est pas dans les mains de Dieu, mais dans nos mains ?
Notre temps est plein de contradictions, comme celui du monde, comme celui de l’Église et cela n’est que le reflet de nos propres contradictions.
On a l’impression que le temps de l’homme est hors du temps de Dieu. C’est un temps qui semble se dérouler devant Dieu. C’est ainsi que nous ressentons fortement la fragilité, la vanité de nos années par rapport à l’éternité. Devant le temps de Dieu, qui est éternité, le temps de l’homme n’est qu’un souffle.
Notre génération a la sensation de vivre au bord du néant, comme si notre temps était à sa fin, comme s’il n’avait plus de consistance, de fermeté, de solidité.
C’est ce qui fait qu’aujourd’hui existe cette tendance qui nous pousse à remplir notre temps à ras bord, à le bourrer le plus possible de façon à vouloir faire toujours plus et toujours plus vite, avec cette impression de n’avoir jamais le temps. Cette tendance existe aussi, bien sûr, dans notre travail où cela nous est imposé : faire toujours plus dans un laps de temps toujours plus court jusqu’à en être malade jusqu’au stress et voir au burn-out.
Cette tendance très répandue, révèle une sorte d’angoisse, angoisse du vide. Nous remplissons notre temps car nous sommes angoissés par la sensation qu’il passe trop vite, comme « un rêve dans la nuit » comme le dit le psalmiste. Nous le remplissons dans l’espoir de lui donner une solidité qu’il n’a pas, de lui donner du poids. Hors des mains de Dieu notre temps s’évanouit. Il n’est qu’un passage éphémère. Nous sommes hantés par le néant parce que la réalité de Dieu s’est effritée dans la conscience de notre génération. Nous partageons l’angoisse de ce temps fragilisé, qui ne peut être surmonté que par une prise de conscience de l’éternité de Dieu pour nous.
Notre rapport avec le temps est faussé parce que notre rapport avec l’éternité est malade. Notre vrai problème ce n’est pas le manque de temps mais le manque d’éternité. Dans le psaume que nous avons lu, il est question de la colère de Dieu qui nous consume et de sa fureur qui nous épouvante. Dieu n’est pas satisfait de notre temps, tel que nous le vivons. Il est prêt à y mettre fin car il ne veut pas qu’il continue à être ce qu’il est. Le jugement de Dieu est que notre temps doit changer pour pouvoir continuer. Il peut y avoir un avenir seulement à condition qu’il soit autre chose que notre présent.
Mais Dieu ne nous laisse pas tomber…
Il prend notre temps dans ses mains pour le changer. Notre temps, avec tous ces drames, ce temps-là est dans les mains de Dieu, tout simplement parce que l’homme est dans les mains de Dieu, pour être changé. Il est dans les mains de Dieu, non qu’il approuve, mais précisément parce qu’il ne l’approuve pas !
Dieu ne nous abandonne pas, lui. La raison qui nous fait dire cela c’est la foi : une foi qui ne s’explique pas, qui est là dans toute sa naïveté, et sa certitude.
Il n’y a d’avenir qu’à travers la conversion, le changement de mentalité de notre part.
La menace qui pèse sur notre temps ce n’est pas l’énergie atomique à des fins guerrières, ni un crash économique, mais c’est le manque de changements profonds en nous. Dieu nous a donné un temps pour tout. Et comme le dit l’Ecclésiaste « j’ai compris que tout ce que Dieu fait existe pour toujours. Il n’y a rien à ajouter ni rien à retrancher. Dieu agit de telle sorte que les humains reconnaissent son autorité ». C’est bien Dieu qui est maître du temps, de notre temps. Jésus nous dit « le ciel et la terre passeront mais mes paroles ne passeront. Pour ce qui est du jour ou de l’heure, personne ne le sait, ni les anges dans le ciel, ni le fils, mais le Père seul. Veillez et priez car vous ne savez quand ce temps viendra »
Le psalmiste nous dit que ce n’est plus le temps où Dieu nous faisait connaître sa grandeur par sa puissance, mais sa grandeur, il nous la fait connaître maintenant par son amour. La vraie grandeur de Dieu est sa bonté envers nous. En nous envoyant Jésus, Mille ans de puissance ne valent pas trois ans d’amour.
Ô Dieu, tu nous dis maintenant qu’une heure d’amour, une parole d’amitié, un geste de fraternité, de miséricorde, une minute de compassion, sont comme Mille ans à tes yeux. Un instant vaut mille ans, si c’est un instant d’amour. Et Dieu nous donne le temps d’aimer. Le changement de Dieu envers nous, de sa puissance à son amour, est la voie, pour nous, vers l’avenir, la voie vers un temps qui dure, un temps affermi, un temps solide, un temps qui résiste et qui n’est plus à perdre. Et l’on peut dire maintenant qu’un jour, trois ans comme le ministère de Jésus, 30 ans, 50 ans, 80 ans… sont une éternité car Jésus nous a, par sa venue, ouvert la porte du royaume.
Il y a un temps pour tout : un temps pour mourir et un temps pour ressusciter. Que notre temps soit chaque jour nouveau, nous sachant aimés par Dieu
Amen !
Alain Prince.