Prédications Protestantes dans les Alpes du sud 

DIMANCHE 04 Décembre 2016

Culte à Trescléoux (05700)

Lectures du Jour:

ÉSAÏE 11, 1-10

Romains 15, 4-9

Matthieu 3, 1-12 ( voir également méditations du 9-déc-07 et du 5-déc-10 )

Noël, une utopie ?

Frères et sœurs, chers amis,

Eh oui, cette fois encore, nous y sommes, nous sommes bien entrés dans ce temps de l’Avent, en ce 2° Dimanche, où nous aussi, comme les contemporains d’Ésaïe, nous sommes en tension dans l’attente du Messie, de ce Fils qui va nous être donné.

Et au cas où nous serions distraits, ce texte d’Ésaïe 11, nous rappelle bien que le temps de Noël advient :

Un rejeton jaillira de la souche de Jessé (v.1). Pour nous, aucun doute, le prophète annonçait la naissance de Jésus Christ, à Bethléem, la prophétie est accomplie.

Car Jessé, éleveur à Bethléem, petit-fils de Ruth la Moabite, était le père de David. C’est le prophète Samuel[1], son contemporain aux environs de l’an -1.000, qui ira chercher David, le dernier de la fratrie, le plus chétif, sur ordre de YHWH, et qui le bénira (il l’oindra d’Huile, signe de purification), lui, mais aussi toute sa postérité.

Ces quelques références généalogiques ne sont pas inutiles, car rappelons le, le N.T. commence par la généalogie de Jésus, remontant jusqu’aux ancêtres de David, pour confirmer ce lien, confirmer que la naissance de Jésus est un accomplissement.

Esaïe, ce prophète vivant aux alentours de -750 (2 ½ siècles après David) rappelle opportunément cette résurgence d’un rameau à partir de cette souche que l’on croyait morte, tant les rois qui succédèrent à Salomon, le fils de David, furent des rois infidèles, responsables de tous les malheurs du peuple hébreu, depuis la division des fils de Salomon entre royaume du Nord (la Samarie) et royaume du Sud (la Judée)[2], jusqu’à cette déportation de ses élites durant 70 ans. Tous ces rois manipulateurs, oppresseurs du Peuple, avaient oublié comment un roi fidèle à Dieu devait gouverner.

Esaïe nous rappelle que seuls les 6 attributs de l’Esprit (v.2) permettent à un roi de gouverner selon la volonté de Dieu. Car la Justice incombe au roi. Elle est un don de Dieu, elle doit s’exercer d’abord au bénéfice des pauvres et des petits, apportant la prospérité au pays. Tout un programme !

Et lorsqu’ Esaïe décrit la paix entre les hommes et les animaux (voir v. 6 à 9), il renvoie au jardin d’EDEN et au récit de la création. Il promet tout simplement le retour à l’unité de la création, de laquelle l’homme s’est séparé depuis le péché originel[3], et au sein de laquelle il reprendra sa place

Le paradis perdu

Mais on est tellement loin de cette promesse ! Et pourtant nous affirmons que la prophétie d’Esaïe est accomplie !

Comment pouvons-nous expliquer ce paradoxe ?

Les contemporains du prophète vivaient dans un environnement particulièrement déprimant. Sur le plan international, leurs rois organisaient des alliances avec les grandes puissances voisines (Assyrie, Egypte) pour sauver le petit royaume de Juda au prix de pas mal de combines. À l'intérieur, ce n'est guère plus brillant : l’absence de conscience morale des élites du pays atteint tout le peuple. Ceux qui restent fidèles à YHWH ne savent plus à qui se fier, mais à chaque nouveau roi, c’est l’espoir qui renaît. Le roi Achaz, contemporain d’Esaïe, infidèle à Dieu, allié de l’Assyrie, est responsable de la chute de la Samarie, et voit arriver en Judée un grand nombre de samaritains fuyant l’occupant, source de troubles.

Dans ce contexte d’abattement moral et de difficultés matérielles le peuple reporte sur son successeur, Ézéchias, l'espérance d'un monde meilleur où régneront la paix et la justice. Beau rêve de courte durée, qui prépare de grandes déceptions. Après Ezéchias qui fut un bon roi, fidèle à Dieu, ses successeurs n'éviteront pas l'invasion étrangère, la guerre, la destruction, la misère de l'exil.

Les alternances au sommet de l’Etat, qui suscitent de grands espoirs, aussitôt déçus, vous connaissez, vous aussi vous avez déjà donné, ces peuples fuyant la guerre et l’envahisseur, vous connaissez, spectateurs impuissants de ces tragédies.

Oui, depuis 2.700 ans, rien n’a changé, et la mort de Castro la semaine dernière nous rappelle si besoin, de quoi sont suivies ces promesses du grand soir révolutionnaire et des lendemains qui chantent. Alors les peuples déboussolés sont prêts à suivre, de façon totalement irrationnelle, n’importe quel beau parleur venu de nulle part au risque de désillusions encore plus grandes. Comment expliquer autrement la victoire de Trump aux Etats Unis et comment expliquer que 80% des évangéliques américains blancs, ceux que l’on appelle les WASP[4], aient voté pour lui ?

D’autres se réfugient dans des philosophies millénaristes plus ou moins bricolées, de type New Age, d’autres enfin, à l’image des Amish ou des communautés post soixante-huitardes essaient de couper tout contact avec la société ;

Voilà l’état de l’Humanité 2.700 ans après la prophétie d’Ésaïe, et pourtant, nous continuons de proclamer que sa prophétie est non seulement réalisée, mais accomplie

Un monde nouveau, Une terre nouvelle

Et le monde nous demande où est donc cette nouvelle terre où la Justice habite dont nous parle l’apôtre Pierre ?[5]

En proclamant la résurrection d'un homme condamné à mort il y a deux mille ans, dont le royaume serait celui dont tout le monde rêve, un royaume de justice, mais qui ne serait pas de ce monde, ne jouons-nous pas le rôle d’opium du peuple décrié par Marx ?

Pas exactement.

La Justice, c’est ce qui manque le plus et ce que désirent le plus nos frères humains.

Or l’histoire de l’Humanité nous prouve et chaque jour encore, que la Justice ne peut venir des hommes[6], elle leur est extérieure, immanente, c’est pourquoi il fallait que vienne ce Messie imprégné de l’esprit de Justice, puisqu’il est le fils de cette transcendance que nous appelons Dieu.

Esaïe nous met le nez dans nos contradictions. A la fois nous aspirons à la Justice et en même temps nous condamnons à mort le Juste qui nous montrait le chemin de Justice.

Mais, paradoxe absolu, signe de l’amour fou de Dieu pour l’Humanité, cette mort même, parce qu’elle est suivie de la résurrection du Christ, l’oint de Dieu, comme le fut son ancêtre David, nous ouvre le chemin de réconciliation avec Le Père.

Voilà le sens de ce temps de l’avent : nous attendons de nouveau ce Messie, le fils de Dieu, la Parole faite chair[7], ce Jésus qui vient, comme l’annonçait Ésaïe, afin que les nations se tournent vers Lui et trouvent en Lui le chemin de leur salut, car il n’y a aucun autre nom par lequel les hommes puissent être sauvés (voir Actes 4/12 et 1 Timothée 2/5) , sauvés d’eux-mêmes, de leur ego, de leur finitude .

Conclusion

Alors posons-nous la question : Noël aujourd’hui, c’est quoi pour nous ?

C’est l’occasion de nous rappeler que par la venue de son fils, dans cette étable de Bethléem, Dieu s’est approché de nous. Et que proclame Jean-Baptiste[8] ?

Dieu a fait un grand bout de chemin vers nous. Notre repentance, c’est le dernier bout de chemin qu’il nous reste à parcourir pour retrouver le Père. Et ce bout de chemin nous mène à la croix.

Vous allez trouver saugrenu de parler de la croix alors que je suis censé vous parler de Noël et ses bergers .

Pour moi, cet événement de Noël n’a pas de sens spirituel, s’il n’est pas associé à la fin de l’itinéraire terrestre de Jésus, la croix, oui, mais la résurrection. De Noël à Pâques, la boucle est bouclée.

Noël n’annonce pas un monde de rêve, un paradis perdu à retrouver mais un monde nouveau où sont abolies les règles que les hommes ont établies à leur profit sans jamais avoir consulté Dieu et Jésus a payé de sa personne pour avoir rappelé la volonté de Dieu d’instaurer un ordre nouveau dans les relations entre les hommes :

Ce monde nouveau, de Justice, Humilité, Amour.., c’est à nous, frères et sœurs en Christ, de le faire advenir, et le mot Avent prend alors un tout autre sens.

Serons-nous, sommes-nous, les artisans de ce monde nouveau, ici et maintenant, pour que Noël soit une vraie bonne nouvelle non seulement pour nous, mais pour l’Humanité toute entière, le jour où Toutes les nations se tourneront vers lui, Et la gloire sera sa demeure. (v.10).

Car le Royaume de Dieu ce n’est pas pour plus tard, pour après, dans un petit coin de ciel bleu, le Royaume de Dieu, c’est ici et maintenant. Chacun de nous en est une parcelle, c’est donc à nous de le faire grandir, sans ignorer que les forces du mal nous entourent, c’est pourquoi notre foi[9] n‘est pas une utopie humaine.

Noël n'est pas non plus la fête douceâtre de l'enfance et des illusions perdues : c'est l'utopie vraie de l’irruption de Jésus-Christ dans l’histoire de l’Humanité pour construire un avenir possible, accomplissant ainsi la promesse faite par YWHW à son Peuple déporté, par la bouche d’un autre prophète, Jérémie : Je n‘ai pas pour vous des projets de malheur, mais des projets de bonheur pour vous donner un avenir à espérer.

Amen !

François PUJOL

[1] Voir I Samuel 16 et le livre de Ruth, juste avant.

[2] Voir I Rois 12 à 22

[3] Qui n’est pas une faute morale, mais tout ce qui nous éloigne de Dieu, au point de nous en séparer.

[4] Les « White Anglo-Saxon Protestant », concentrés dans la « Bible Belt », recouvrant approximativement le territoire des états sudistes.

[5] 2 Pierre 3/13

[6] Les hommes peuvent tout juste prétendre pratiquer de temps en temps l’équité. Quant à la Justice….

[7] Il faut relire le prologue de Jean (Jean 1/1-14)

[8] Repentez-vous race de vipères, car le Royaume s’est approché de vous (Matt.3/2). Pas très convivial !

[9] La foi, c’est « la volonté de vivre et le courage d’être » Paul Tillich.