Prédications Protestantes dans les Alpes du sud 

DIMANCHE 8 DÉCEMBRE 2019

Trescléoux (05700)

Lectures du jour :

Esaïe 11, 1-10 (Voir également méditation du 4-déc-16)

Romains 15, 4-9

Mt 2, 19-23 (Voir également méditation du 29-déc-13)

Rejets et greffons

Frères et sœurs,

Il y a quelque temps, j’ai participé à une journée d’information sur la greffe des arbres fruitiers. En lisant ce texte, je me suis demandée ce qu’un rejet pouvait avoir de différent par rapport à un greffon... Et pour cela, je suis allée sur Wikipédia, l’encyclopédie d’internet. Accrochez-vous, nous sommes partis pour une étude de botanique !

Définition du rejet au sens botanique : un rejet est une nouvelle pousse apparaissant sur une plante. Le rejet peut être naturel sur les plantes à port arbustif ( troène, buis par ex.), ou consécutif à un traumatisme (à la suite de la coupe d'un tronc par exemple). L’arbre présente alors un déséquilibre entre la masse de ses racines et la masse qui est à l’air, se résumant parfois à un tronc coupé. L’arbre va chercher à compenser ce déséquilibre en émettant des rejets qui vont pousser du tronc pour combler ce vide.

Je vous relis maintenant le passage de l’évangile de Mt au chapitre 2: « Après la mort d’Hérode, l’ange du Seigneur apparut en rêve à Joseph, en Égypte et dit : Lève-toi, prends l’enfant et sa mère, et retourne dans le pays d’Israël, car ceux qui en voulaient à la vie de l’enfant sont morts. Joseph se leva, prit l’enfant et sa mère et rentra au pays d’Israël. Mais quand il apprit qu’Archélaos était devenu roi de Judée à la place d’Hérode, son père, il eut peur de s’y rendre ; divinement averti en rêve, il se retira en Galilée et vint demeurer dans une ville appelée Nazareth, afin que s’accomplisse ce qui avait été dit par l’entremise des prophètes : Il sera appelé Nazoréen. »

On a chez Ésaïe[1], l’annonce de ce rameau qui sort d’un vieux tronc, est le rejeton des racines de l’arbre et, nous dit Ésaïe, sera fécond. C’est donc une histoire de botanique où le rejet donnera des feuilles ou des fruits qui seront de la même espèce que ceux de l’arbre dont il ne reste que le tronc.

Mais c’est aussi une parole biblique car le nom de Nazoréen dont Jésus hérite voudrait aussi dire en hébreu « rejeton ». Tout comme dans l’histoire de la botanique, on peut se dire que le « rejeton » qu’est Jésus puise sa fécondité, sa parole, dans les racines qui sont les siennes : l’histoire et la foi singulières de ses ancêtres Jessé (appelé aussi Isaï) et David ainsi que du peuple juif.

Jésus porte les mêmes caractéristiques que l’arbre dont il sort mais, même s’il a les mêmes racines que le tronc, il est une pousse nouvelle. Il est un arbre en devenir, différent de celui qui était et qui n’est plus.

Il nous parle d’avenir, de nouveauté, de ce qui est possible, de ce que nous pouvons désormais envisager même si, comme au temps d’Ésaïe, nous avons l’impression que tout est bouché, tout est mal parti et que l’avenir est terriblement inquiétant.

Jésus, c’est le rameau qui nait envers et contre toute espérance. Ésaïe exprime le rêve du peuple hébreu et Jésus reprendra ce rêve à son compte, non pas pour y mettre un terme mais pour en redire la pertinence et la possibilité. L’espérance d’Ésaïe n’est pas morte. Elle peut encore être la nôtre aujourd’hui.

Quant au fait qu’une nouvelle pousse puisse être naturelle ou consécutive à un traumatisme subi par l’arbre, on peut là aussi s’amuser à faire des rapprochements.

Le tronc est coupé et le rejet surgit alors. Une force extraordinaire éclate et tout ça, nous est-il dit, pour permettre à l’arbre de retrouver l’équilibre entre les racines, intérieures, invisibles et ce qui manque au-dessus du tronc, à l’extérieur et bien visible.

Est-ce que ce n’est pas un peu pareil pour nous, ce qui nous arrive lorsque nous apprenons une mauvaise nouvelle ou assistons impuissants à un évènement ? Lorsque nous sommes traumatisés par quelque chose ou avons peur de l’être ?

Est-ce que nous aussi, tout comme l’arbre face à l’épreuve, nous n’avons pas une force imprévisible qui nous pousse à faire face, espérer et privilégier la vie plutôt que la mort ? Est-ce que chez nous aussi, tout comme l’arbre, il ne se passe pas quelque chose qui nous amène à retrouver l’équilibre perdu ? Équilibre entre ce qui est en nous, intime, présent mais silencieux et un besoin d’exprimer au grand jour ce qui nous nourrit et nous fait vivre ? Dire au grand jour et avec la force que donne la ceinture que l’on met lorsque l’effort sera trop dur, que quelque chose nous permet de pousser et tenir debout, droit sur notre tronc ? Ce quelque chose que l’on appelle la foi en un Dieu qui donne un sens à tout ce que nous ne comprenons pas toujours.

Nous ne sommes pas de gentils naïfs qui croient à un monde où tout le monde il est gentil.

Quand nous aimons entendre ce texte d’Ésaïe qui nous fait du bien, nous affirmons que d’autres relations sont possibles avec la parole et non la violence, avec la confiance et non la peur, avec l’espérance et non le renoncement.

Ce n’est pas facile et nous avons besoin de lire et relire, entendre et réentendre ces versets si bienfaisants, porteurs d’une bonne nouvelle: « le souffle du Seigneur reposera sur lui : souffle de sagesse et d’intelligence, souffle de conseil et de vaillance, souffle de connaissance et de respect du Seigneur »

Nous aussi nous pouvons être des rameaux qui explosent de vie. Des rameaux qui ne seront pas la réplique des arbres d’avant mais seront des pousses nouvelles.

Des rejetons qui n’auront pas peur d’affirmer que :

Oui, il est possible de se comporter avec ses ennemis autrement que comme un loup.

Oui, il est possible de garder le cap et ne pas suivre les foules déchainées.

Oui il est possible de prendre le temps d’écouter et d’accueillir malgré colère et amertume.

Oui, il est possible de mettre la loi au service de l’homme et non l’homme au service de la loi, de pratiquer une justice droite et force de vie.

La prédication et la vie de Jésus ont été suffisamment marquantes pour que des personnes en viennent à se dire qu’elles avaient vu la gloire du rejeton de Jessé sous leurs propres yeux.

Alors, nous aussi, aujourd’hui encore, sentons cette force qui vient des racines de nos arbres.

Je ne sais pas si cela vous fera comme à moi mais désormais, je ne peux plus regarder les arbres de la même façon !

Avant, le moindre rejet d’un érable ou d’un frêne qui avait échappé à ma vigilance et poussait là où je n’avais surtout pas envie qu’il pousse m’énervait profondément…


Désormais, je crois que je ne pourrai pas m’empêcher de penser à ce texte d’Ésaïe et la persévérance de ces rejets à pousser malgré toutes les incertitudes et les apparences !


Amen !

Isabelle CHABAS

[1] Isaïe ou Ésaïe est un prophète de l'Ancien Testament qui aurait vécu sous le règne d'Ézéchias puisqu'il est fait mention de « la quatorzième année du roi Ézéchias ». Figure biblique, Ésaïe aurait vécu à Jérusalem au VIIIe siècle av. J.-C., approximativement entre 766 et 701. Son époque est marquée par la montée en puissance de l'Assyrie face au royaume de Juda qui voit toutefois une période de prospérité. Isaïe dénonce le relâchement des mœurs de ses concitoyens, ce qui attire la colère de Dieu.

En français, les traditions juive, catholique et orthodoxe utilisent habituellement la forme Isaïe, alors que les protestants ont coutume de prononcer et d'écrire Ésaïe (probablement pour différencier le nom du prophète de celui du père du roi David, car les protestants nomment Isaï le père de David, tandis que les juifs l'appellent Ishaï et la tradition catholique Jessé). La Traduction œcuménique de la Bible utilise Ésaïe. La forme anglaise, y compris pour les protestants, est Isaiah.

Sous l'apparence d'un livre unique de 66 chapitres, le Livre d'Isaïe se présente en fait en trois parties bien distinctes qui auraient pu former trois livres séparés. Chapitres 1-39 : Isaïe présente le contexte historique, avec la montée en puissance de l'Assyrie, jusqu'à la tentative de prise de Jérusalem par Sennachérib. Les chapitres 1 à 39 présentent le contexte historique, avec la montée en puissance de l'Assyrie, jusqu'à la tentative de prise de Jérusalem par Sennachérib ;