Prédications Protestantes dans les Alpes du sud
Dimanche 1er DÉCEMBRE 2019
TRESCLEOUX (05700)
Lectures du jour
Ésaïe 2, 1-5,
Romains 13, 11-14,
Matthieu 24, 37-44 (voir sous cette référence, méditation du 02 Décembre 2012)
Le premier Thanksgiving à Plymouth.
Jennie A. Brownscombe (1914)
La paix, quelle paix ?
Frères et sœurs, il ne vous a pas échappé que nous sommes aujourd’hui entrés dans le temps de l’Avent, temps d’attente d’un monde nouveau, d’une alliance nouvelle entre Dieu et l’Humanité. C’est l’attente de Noël, la Parole faite chair, prenant forme humaine et venant habiter parmi nous.
Cette attente fait de nous les veilleurs dont parle Matthieu dans notre lecture de ce matin.
Et en préparant cette méditation, m’est revenu en mémoire le chant de louange des anges dans le ciel de Bethléem, en ce matin de Noël : Gloire à Dieu au plus haut des cieux, paix sur la terre et bienveillance envers les hommes.[1]
La Paix. Les cinq versets d’Ésaïe proclamant une future paix universelle, c’est sur ce texte que je vous propose notre méditation de ce matin.
Le contexte de l’oracle d’Ésaïe :
Selon toute probabilité, l’oracle d’Ésaïe date de la partie finale de la mission du premier Ésaïe, soit entre 705 et 701 avant J.C. La Samarie a été envahie par les assyriens en – 722, la Judée essaie de résister ou de pactiser avec les grandes civilisations qui l’entourent : L’Assyrie au Nord et à l’Est l’Égypte au Sud, la Phénicie à l’Ouest.
Le livre d’Ésaïe commence par une dénonciation détaillée de toutes les transgressions commises par les habitants de la ville et par ses gouvernants, génératrices de troubles sociaux :
Les riches deviennent plus riches et les pauvres plus pauvres. Ésaïe met en garde les riches qui se prélassent dans le confort, pendant que le peuple crève de faim.
Ce thème est repris par le prophète Michée[2] : Mêmes reproches faits au peuple et au roi : oppression des pauvres, confiance exagérée en sa propre force.
La situation spirituelle est tout aussi désastreuse : idolâtrie, orgueil, refus de la souveraineté de Dieu et abandon de l’alliance avec le Seigneur....
Après avoir appelé le peuple à un retour vers Dieu, et annoncé le jour de colère, que l’on retrouve dans toute la littérature « apocalyptique », l’oracle que nous lisons ce matin est un oracle d’espérance : il annonce une paix universelle à venir, liée à la ville de Jérusalem et au Mont Sion.
La question est de savoir de quelle paix nous parle Ésaïe :
Paix des hommes ?
Le désir d’un monde de paix ou d’une réconciliation universelle accompagne l’humanité depuis le début de son histoire; notre texte le démontre assez clairement. Il est d’ailleurs l’un des textes bibliques les plus cités et les plus étudiés pour une réflexion biblique sur la paix.
Il faut toutefois reconnaître que les hommes étant ce qu’ils sont, ils se sont approprié ce texte pour servir leurs propres projets : au Moyen-Âge, les croisades des chrétiens les ont fait converger vers Jérusalem[3], mais pour la reconquérir militairement et en chasser les «infidèles». La paix durable fit long feu.
A la fin du 19° siècle, le sionisme[4] de Théodore Hertzl, de matrice religieuse[5], lit encore notre passage comme une invitation à faire de Jérusalem la capitale exclusive d’un état juif rayonnant sur tout le Moyen-Orient, établissant une justice basée sur la Loi juive.
Au 20° siècle, après la chute de l’Empire Ottoman c’est le nationalisme palestinien qui émerge, avec la revendication de Jérusalem, 3° ville sainte de l’Islam[6]. On cherche encore la paix !
C’est pourquoi Ésaïe distingue bien entre les peuples et les nations (v.4) : Les peuples, par leur retour vers le Créateur, peuvent reconnaître ce projet divin de paix universelle.
Les nations instrumentalisent Dieu à leurs propres projets. La paix est nécessairement la paix du vainqueur.
Dans la suite du verset 4, les armes qui deviennent des outils de travail et de prospérité ont une force expressive qui nous fait penser à la faucille et au marteau, symboles de l’URSS forgés avec l’acier des canons. L’Humanité était censée entrer dans un nouveau monde, avec des lendemains qui chanteraient sûrement. On sait comment cela s’est terminé.
Cette perversion d’un idéal somme toute assez généreux n’est pas propre à l’URSS, mais on doit constater que toutes les révolutions de par le monde, se sont terminées soit par des bains de sang soit par des dictatures.
Ainsi, si nous suivons la vision d’Ésaïe, nous devons nous résoudre à ce constat : les êtres humains ne sont pas, et ne seront jamais, en mesure de rétablir la moindre forme de justice et, par conséquent, de paix durable sur la terre.
Paix divine ?
Malgré tous les progrès accomplis dans le domaine de la connaissance, l’Homme n’a pas trouvé la clé pour assurer cette paix universelle, principale richesse des peuples.
Car il ne peut y avoir de paix sans justice, sans équilibre entre les peuples. Seule cette transcendance que nous appelons Dieu peut assurer cette équité absolue qui permettra que l’Humanité soit vraiment Une.
Les Hommes n’ont pas progressé d’un barreau dans l’échelle de l’Humanité[7], malgré toutes ces organisations internationales, ces résolutions régulièrement bafouées.
Malgré ce constat assez pessimiste et déprimant, l’espérance n’est pas morte.
Ésaïe annonce un pèlerinage de tous les peuples vers Jérusalem et la montagne de Sion.
Jérusalem, étymologiquement : la ville de la paix ! Quelle dérision !
Mais Ésaïe nous dit aussi (v.3) que la Parole du Seigneur nous vient de Jérusalem : C’est cette parole, une Parole de paix, que les peuples viendront chercher au terme d’un pèlerinage qui n’est pas un pèlerinage géographique, mais un pèlerinage intérieur, qui nous fait, d’étape en étape, connaître de mieux en mieux celui qui marche à nos côtés.
Ainsi ce n’est pas des nations que pourra venir cette paix universelle, mais de chaque individu, acceptant librement sa soumission à cette Parole divine, ces 10 commandements, ce décalogue, sorte de minimum syndical du bien vivre ensemble, que toutes les démocraties intègrent dans leur constitution, sans jamais les respecter car il leur manque ce 11° commandement, cette règle d’or édictée par Jésus Christ, et cet amour des uns pour les autres, dont il nous a donné la démonstration ultime, jusqu’à son paroxysme, sur la croix.
Non, la paix universelle n’est pas une utopie de plus, mais il dépend de nous qu’elle devienne une réalité en devenir.
Non, la paix universelle n’est pas une utopie de plus, mais il dépend de nous qu’elle devienne une réalité en devenir.
Temps de l’Avent
Mais alors pourquoi ce texte sur la paix, précisément pour inaugurer ce temps de l’avent ?
Que dit Ésaïe au verset 5 ? Marchons dans la lumière du SEIGNEUR ! Un jour, le Seigneur fera reconnaître sa puissance.
Ce verset évoque les mages marchant guidés par la lumière de l’Étoile, à la recherche d’un puissant roi.
Mais le vrai pèlerinage qu’ils ont réalisé, ce ne sont pas tous ces kilomètres depuis leurs lointaines contrées jusqu’à Jérusalem, mais ce pèlerinage intérieur, pour certains bien plus long et parsemé d’embûches, qui leur a permis de reconnaitre la puissance d’un roi dans ce bébé né dans une étable, avec une mangeoire en guise de berceau, né non pas dans la capitale du Royaume mais dans un obscur chef-lieu de canton, obligé de fuir dès sa naissance dans un pays voisin, pour échapper au despote infanticide, Hérode.
Nous sommes au cœur du renversement opéré par Dieu à travers son fils Jésus : Le rapport de force et la soif de pouvoir, remplacés par l’amour et l’humilité. Ma grâce te suffit, car ma puissance s'accomplit dans la faiblesse[8]. Il est donc bon que je sois faible, car c'est alors que la puissance de Christ peut s’exprimer en moi et me transmettre sa force.
Les propos de Jésus, en Mathieu 24, commencent par un rappel de Noé, le seul à écouter le Seigneur, au milieu d’un peuple dont la seule préoccupation est de profiter d’aujourd’hui, cueillir le temps présent sans se préoccuper de demain, épicuriens et hédonistes avant l’heure.
Ils ont eu leur récompense, mais la conclusion est que par la persévérance d’un seul homme, l’humanité a été sauvée.
Cette référence à Noé est un message d’espérance en ce temps de l’Avent : Plus jamais Dieu ne maudira les hommes à cause de leur infidélité. Semailles et moissons, froid et chaleur, été et hiver, jour et nuit ne cesseront plus jamais.[9]
Jésus poursuit non par une menace, mais la proposition d’un choix, le même depuis les origines, que celui proposé par Dieu à Moïse : j’ai mis devant toi la mort et la vie, choisis la vie[10] !
Ainsi de deux collègues de travail, de deux voisins, l’un, disciple d’Épicure, saisi d’une soudaine fièvre acheteuse consacrera ce temps de l’avent à une surenchère de cadeaux, une pléthore de nourriture et de boissons à bulles. Mais dès le lendemain, à part la gueule de bois, rien. Un vide sidéral. Il aura eu sa récompense, à proportion de ses attentes[11].
Combien seront-ils encore dans 4 semaines à passer à côté de cette rencontre qui aurait pu changer leur vie, et de proche en proche, changer l’Humanité ?
L’autre, qui n’aura pas pour autant fait vœu d’ascétisme absolu, consacrera ce temps de l’avent à une veille attentive, mettant ce temps particulier à profit pour laisser Jésus Christ se rapprocher de lui encore un peu plus.
Et dès lors, plus de crainte à avoir, car Jésus est déjà là, dans les yeux de notre prochain, si nous savons le regarder. Ainsi il nous donnera cette paix dont Esaïe parlait déjà il y a près de 30 siècles :
Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix. Je ne vous donne pas comme le monde donne. Que votre cœur ne se trouble point …. Je vous ai dit : Je m'en vais, mais je reviens vers vous.
Alors, pour inaugurer ce nouveau temps de l’Avent nous pouvons dire avec Paul : «Maranatha ! Viens Seigneur Jésus, nous t’attendons[12] ».
Amen !
François PUJOL
[1] Luc 2, 14
[2] Contemporain du 1er Esaïe (Michée 4,1-3)
[3] Capitale des Etats Latins d’Orient (1099-1291)
[4] Dont les principes fondamentaux seront : l'existence spécifique du peuple juif ; l'impossibilité de son assimilation par d'autres peuples ; la nécessité de créer un État particulier, qui prenne en charge le destin de ce peuple, d’où le droit des Juifs à s'installer en Palestine, qui était alors, partie de l'Empire ottoman.
[5] « C'est la volonté de Dieu, que nous revenions sur la terre de nos pères », (Herzl cité par Reuven Snir). Le sionisme utilisera lui aussi la violence « aveugle », avec l’Irgoun, comme l’attentat de l’hôtel King David à Jérusalem (1946)
[6] Avec la mosquée Al Aqsa, l’une des 3 mosquées recommandées par Le Prophète (Coran : S17/V1)
[7] Voir de Marcel Légaut « L’homme à la recherche de son humanité » Ed. Aubier, 1971.
[8] 2 Corinthiens 12,9
[9] Genèse 8, 21
[10] Deutéronome 30, 19
[11] En ce surlendemain de « Black Friday », parler de surenchère acheteuse n’est pas une image ! Les pères pèlerins (pilgrim fathers), qui instaurèrent en 1621, le 1er « Thanksgiving Day », le « Jour d’actions de grâces », doivent se retourner dans leur tombe pour ne pas voir ce spectacle !
[12] Voir 1 Corinthiens 16, 22 et 19, 24 et l'épilogue de l'Apocalypse (Apoc. 22, 20).