Prédications Protestantes dans les Alpes du sud 

VENDREDI 03 Avril 2015

Vendredi Saint

Célébration Œcuménique à SERRES-05700

Lectures du Jour :

Esaïe 52,13-53,11,

Psaume 22,

La croix, la fallait-il vraiment ?

Frères et sœurs en Jésus Christ, comment interpréteriez-vous ce texte, ce poème, que l’on appelle le chant du Serviteur Souffrant, écrit 5 siècles avant Jésus Christ, sinon comme nous le faisons tous, tant la ressemblance de Jésus avec ce Serviteur souffrant nous semble une évidence. Sans que nous forcions les analogies entre l’ancien et le nouveau testament, il y a une parfaite et surprenante similitude entre le mystérieux serviteur de l’Eternel attendu par Esaïe, et Jésus, le messie de la nouvelle alliance, par exemple en ce qui concerne l’amour de son prochain, le refus de la violence, sa fragilité, son acceptation d’un châtiment destiné à d’autres, son rôle libérateur, puis le chemin de croix, la mort substitutive de celui qui est venu pour servir et non pour être servi.

Et si nous faisons sans hésiter cette analogie entre le Serviteur Souffrant d’Esaïe et Jésus, c’est que c’est Jésus lui-même qui nous y invite.

Lorsqu’il s’est mis en chemin vers Jérusalem depuis la Galilée, par trois fois il a annoncé à ses disciples le but de ce voyage, but qu’il connaissait et auquel il se préparait :

La première fois, en Mc 8,31, alors Pierre, toujours prêt à en découdre, proteste disant que cela ne pourra pas lui arriver à lui, Jésus.

La deuxième fois, en Marc 9,30, et que font les disciples ? Ils se chamaillent pour savoir qui d’entre eux sera le plus grand.

La troisième fois, en Marc 10,32, c’est le moment que choisissent Jacques et Jean pour s’inquiéter de la place qu’ils occuperont dans son règne.

On ne s’attardera pas sur les réactions des disciples, qui nous rassurent car elles sont aussi médiocres que celles que nous aurions eues si nous avions été à leur place.

Vous remarquerez plutôt que chacune de ces trois annonces se termine par et trois jours après il ressuscitera.

Mais vous aurez aussi remarqué que la première de ses trois annonces commence par il faut, auquel les disciples répondaient par il ne faut pas, tant ils étaient incapables de comprendre ce qui était en jeu, eux qui ne pouvaient envisager que des occurrences terrestres : Jésus ce roi annoncé, ce libérateur à la Bolivar, qui entrerait triomphalement dans Jérusalem et bouterait les Romains hors de Judée.

Eux, ne connaissaient pas l’épilogue de l’histoire, ce mystère de la résurrection le 3° jour. Alors comment, après cet échec ultime, ce terrible fiasco aux yeux des hommes et des disciples eux-mêmes dont un seul sera au pied de la croix, comment auraient-ils pu comprendre cette annonce trois fois formulée par Jésus ?

Et se pose encore aujourd’hui une question : Pourquoi ce il faut, pourquoi fallait-il la croix ?

Pourquoi ce Dieu, Père, Fils et Saint Esprit, ce Dieu tout puissant, ce Dieu créateur avait-il besoin de la croix ?

Ce n’est pas comme cela que la question doit être formulée.

Dès le début de son ministère, c’est à dire ces trois années où il sillonna la Galilée, la Samarie et la Judée, dès le début, juste avant son baptême, Jésus en annonce la fin, (Jn 3/14) : Et comme Moïse éleva le serpent dans le désert, il faut de même que le Fils de l'homme soit élevé,

L’élévation dont parle Jésus, c’est son élévation sur la croix, qui est associée à un autre mystère, celui de notre salut afin que quiconque croit en lui, ait la vie éternelle.

Et le verset qui suit immédiatement, en donne l’explication (Jn 3/16) : Car Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu'il ait la vie éternelle. Dieu, en effet, n'a pas envoyé son Fils dans le monde pour qu'il juge le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui.…

Nous sommes là au cœur du sens de la croix :

Lorsque Jésus est venu sur terre, il a abandonné son statut divin et dès lors, jusqu’à sa crucifixion et sa mort sur la croix, ce sont les hommes qui ont la main, qui mènent ce sinistre bal, les hommes qui détiennent le pouvoir face à celui qui a refusé tout pouvoir, des hommes dont l’autorité est remise en cause par le seul qui pouvait parler avec plus d’autorité qu’eux.

Alors les délibérations sont rapides : la sentence du grand prêtre Caïphe tombe avec cette phrase au double sens involontaire : Il est bon qu’un seul homme meure pour tout le peuple. (Jn 11/50)

Et il ne pouvait en être autrement. L‘attitude radicale de l’Homme sans péché, sans compromission, manifestant en toute circonstance son amour pour les humains des plus basses conditions, l’itinéraire de cet homme-là ne pouvait que le conduire à la croix. S’il y a eu sacrifice, ce sont les hommes qui en sont les auteurs et non Dieu ;

Mais dès que Jésus l’Homme rend son dernier souffle, remettant son esprit entre les mains du Père, c’est Dieu qui reprend la main et manifeste sa puissance par la résurrection de son fils bien aimé. Ce n’est qu’après le supplice de la croix que Jésus pourra retrouver sa divinité, retourner auprès de cette transcendance qui nous est si étrangère, depuis que nous nous sommes éloignés d’elle et que nous appelons Dieu.

Et par cette mort sur la croix, qui est plus une mort par substitution qu’une mort sacrificielle, Jésus nous montre le chemin, celui de la réconciliation possible avec notre créateur qui se fait sauveur, le salut par celui qui, ayant connu jugement, torture, humiliation, échec absolu, abandonné par tous, peut venir nous chercher là où nous sommes, dans nos caves, dans nos puits sans fond, dans nos obscurités.

Alors, pourquoi nous épuiser à essayer de nous hisser en vain au-dessus du lot, à essayer de nous élever comme la tour de Babel, à monter en tige, quitte à marcher sur les pieds de quelques-uns, pourquoi chercher à être toujours plus, plus parfait, plus pur, quand celui que nous avons choisi pour structurer notre vie, nous dit : regarde ! Regarde où je suis descendu, où j’ai été abaissé par les hommes. Mais mon Père, qui est aussi ton père, ce Dieu tout puissant m’a ressuscité en gloire, m’a ouvert les portes de son Royaume, domaine de l’infini et de l’Eternité.

Jésus me dit : Fais confiance, fais comme moi, totalement confiance au Père, fais le vide en toi, accepte toi tel que tu es, et deviens celui que tu es réellement. Largue les amarres, meurs à toi-même, laisse ton vieil homme mourir chaque soir dans les ténèbres de la nuit, et renais chaque matin dans une aube nouvelle, d’un cœur nouveau et d’un esprit nouveau. (Ez 36.26) Approche-toi de la croix et laisse toi inonder totalement par Jésus-Christ. Alors seulement, dans cette quête de sincérité, tu seras justifié, non par tes propres mérites, mais par le don de Dieu. Ainsi réconcilié avec ton Créateur grâce à l’intercession de Jésus Christ, tu seras sûr de ton salut, tu pourras porter du fruit.

Alors, pour répondre à ma question initiale, oui, il fallait cette croix, il la fallait pour nous faire comprendre ce message d’amour, pour dire le don et le pardon, par anticipation, de toutes nos turpitudes, tous nos renoncements. Il fallait la croix pour dire l'engagement total et définitif de Dieu aux côtés de notre Humanité.

Amen !


François PUJOL.