Prédications Protestantes dans les Alpes du sud 

Dimanche 8 JANVIER 2017 (Épiphanie)

Trescléoux (05)

Lectures du Jour :

Ésaïe 60, 1- 6

Matthieu 2, 1-12 (Voir sous cette référence, méditations du 08/01/2012, du 07/01/2007 et 07/01/2018)

Éphésiens 3, 2-6 (Voir sous cette référence, méditation du 05/01/2020)

Un rédempteur viendra pour Sion

Frères et sœurs, chers amis,

Ce matin, nos trois lectures parlent, annoncent l’Epiphanie, ce jour où la royauté de Jésus a été proclamée, et comme chaque année les mêmes textes sont proposés à notre méditation, je vais essayer d’aborder ce matin l’Épiphanie sous un autre angle, celui d’Ésaïe.

J’aime ce livre qui a de quoi fasciner :

* le plus long de toute la Bible (AT et NT) : 66 chapitres

* Ses textes s’étendent sur 2 siècles ½ : Trois périodes critiques pour le peuple hébreu, trois rédacteurs : Esaïe lui-même puis 2 disciples successifs qui écrivent en son nom[1].

Malgré cette diversité de temps et de rédacteurs : un seul et même message :


* Le 1er Esaïe : Chapitres 1 à 39, avant la déportation (-740-700), en Judée, au temps d’Esaïe lui-même, qui va dénoncer avec courage l’iniquité des rois, depuis les successeurs de Salomon, leurs aventures militaires et leur infidélité à YHWH. Il les met en garde contre le courroux de l’Eternel auquel ils s’exposent. Mais en même temps il console, donne courage et espoir au peuple opprimé resté fidèle à YHWH, car celui-ci va entrer dans l’histoire des hommes, par l’Emmanuel, Dieu parmi nous et non pas Dieu avec nous.


* Le 2° Esaïe : Les chapitres 40-55, écrits en exil (entre -550 et -538) à Babylone par un disciple d’Esaïe.

Là, il faut vaincre l’abattement des exilés à Babylone (depuis 50 ans) pour les convaincre que Dieu ne les a pas abandonnés et qu’il est seul capable de leur donner un avenir[2], que cet avenir passe par la préservation de leur identité, autour de leur Dieu.

Le 2° Ésaïe fait renaître une volonté de résistance, fortifiée par l’Espérance, l’attente de la venue du Messie. C’est l’annonce du serviteur souffrant d’Esaïe 53.

* Le 2° Esaïe : Les chapitres 40-55, écrits en exil (entre -550 et -538) à Babylone par un disciple d’Esaïe.

Là, il faut vaincre l’abattement des exilés à Babylone (depuis 50 ans) pour les convaincre que Dieu ne les a pas abandonnés et qu’il est seul capable de leur donner un avenir[2], que cet avenir passe par la préservation de leur identité, autour de leur Dieu.

Le 2° Ésaïe fait renaître une volonté de résistance, fortifiée par l’Espérance, l’attente de la venue du Messie. C’est l’annonce du serviteur souffrant d’Esaïe 53.

* Le 3° Esaïe : Chapitres 56 à 66 écrits entre -537 et -520 par un autre disciple confronté au découragement des exilés revenus en Judée, car les choses ne se sont pas passées comme prévu :

Les Juifs restés au pays supportent mal le zèle religieux de ces donneurs de leçon fraîchement débarqués. Des étrangers se sont établis, ou sont revenus avec les exilés, et en revanche de nombreux Juifs ont préféré rester dans ces terres d’exil où ils se sont installés[3]. Comment digérer tout cela ?

C’est là qu’interviennent les paroles du 3° Esaïe, un message dans la continuité des 2 premiers prophètes, un message simple et constant : YWHW est un Dieu fidèle, qui n’abandonne jamais les siens, quelles que soient les situations dans lesquelles ils se sont embourbés. Cette fidélité et cet amour de Dieu pour son Peuple, trouveront leur accomplissement dans le Messie, son Fils, qui prendra notre condition humaine pour mieux nous montrer le chemin de réconciliation vers Dieu le Père.

Mais la venue du Messie provoquera un bouleversement universel, par le renversement des valeurs qu’il développera tout au long de ses paraboles, par l’annonce du pardon de son péché à quiconque se repent et croit en Lui, ce quiconque s’adressant à tous les peuples de la terre, à tous ceux qui le reconnaîtront comme Seigneur. Et surtout, par sa résurrection, il ouvre concrètement ce chemin de réconciliation avec Dieu le Père.

Voilà le message d’Ésaïe, tout au long de ces 66 chapitres[4] que nous retrouvons dans notre lecture de ce matin et dont je vous ai sélectionné quelques versets :

1. En premier lieu, un constat : l’Humanité est dans l’obscurité. Elle ne peut trouver le salut en elle-même, elle qui depuis 2.500 ans ne fait que s’enfoncer dans les ténèbres.

2. Le salut ne peut venir que de l’extérieur, de cette transcendance créatrice dont nous nous sommes séparés. C’est l’annonce du rédempteur, qui viendra pour le Peuple élu, pour les descendants de Jacob (Es 59/20), oui, mais seulement pour ceux qui se convertiront de leurs péchés, c’est à dire qui leur tourneront le dos, à 180°.

C’est une façon de nous rappeler qu’il n’y a pas de grâce sans repentance.


3.
La lumière seule peut vaincre les ténèbres[5]. Elle est le signe de la présence de l’Eternel, et toutes les nations seront attirées par cette lumière.

L’Homme a toujours le choix entre les ténèbres et la lumière. Il suffit de se tourner du bon côté, vers l’Orient, oui, c‘est à l’Est qu’il y a du nouveau. C’est par cette lumière venue d’Orient[6] (Matt.2/1) avec les mages qu’un autre avenir est possible, que l’espérance peut remplacer le défaitisme, que notre cœur peut se dilater de joie (Es 60/5), que nous aurons accès à la réconciliation avec notre créateur, par l’œuvre rédemptrice de son fils. C’est le message que les 3 Esaïe n’ont cessé, 2 siècles ½ durant, de proclamer à leurs contemporains respectifs.

Et ce matin encore nous pouvons nous mettre en route en compagnie des mages, qui crient dans les rues de Jérusalem Où est le roi des Juifs qui vient de naître ?

Pour eux, spontanément, un roi ne peut naitre que dans les palais d’une capitale. Erreur bien compréhensible, mais ce n’était pas le plan de Dieu.

Le message de Dieu à travers son fils, commence dès sa naissance : Naître dans une petite ville de province, dans une étable, n’empêche pas que l’Humanité toute entière, représentée par ces 3 mages, des savants, détenteurs des pouvoirs de la science, venus de riches et lointains royaumes, vienne Lui faire allégeance.

C’est ainsi que l’Épiphanie, l’annonce de la royauté de Jésus, est proclamée non par les scribes qui avaient en mains toutes les prophéties de l’AT[7], mais par des païens ;

C’est le cœur du message de Matthieu, le juif, l’instruit. Il se saisit de la prophétie d’Esaïe, avec ses chameaux, ses nations venues d’Orient, qui viennent faire allégeance, ces cadeaux royaux offerts au rédempteur, pour faire passer son message : Dieu ne fait pas de différence entre les Peuples.

Seul Luc développe également ce thème de l’Epiphanie, mais chez Luc le toubib, le grec, dont l’un des thèmes récurrents est celui de l’option préférentielle de Dieu pour les pauvres, ce sont des bergers, le petit peuple, besogneux, analphabète, méprisé par les élites, ce sont eux que l’ange a choisis pour aller proclamer l’irruption de l’Eternel dans le quotidien de l’Humanité, la venue du Seigneur parmi nous, qui peut bouleverser le monde, qui peut lui ouvrir un autre chemin, lui donner un autre avenir.

En faisant des bergers ses messagers, Luc affirme ainsi que Dieu ne fait pas de différence entre les individus.

Matthieu le Juif met en avant des païens, Luc le Grec, l‘étranger, met en avant des Juifs, n’y a-t-il pas là matière à méditation ?

Car cette double affirmation est aussi une promesse, au bénéfice de laquelle nous sommes tous, nous qui sommes les descendants de païens, promesse dont Paul le Juif, reconnaît qu’il y a là un mystère[8] : Ce mystère, c'est que les païens sont cohéritiers, forment un même corps, et participent à la même promesse en Jésus Christ par l'Évangile, dont j'ai été fait ministre selon le don de la grâce de Dieu, qui m'a été accordée (Eph.3/6)

Ce mystère c’est l’universalité de la Grâce.

Alors qu’allons-nous faire ? Les fortes paroles d’Ésaïe qui déclenchèrent espérance et résistance il y a 2.500 ans, que vont-elles susciter aujourd’hui ?

Allons-nous rester dans nos petites obscurités, figés comme les scribes, emmurés dans leurs traditions, apeurés par cette nouveauté venue de Bethléem, en laquelle pourtant ils espéraient, ou bien nous mettre en route, comme le firent les mages venus de contrées lointaines, au point qu’ils arrivent un peu en retard, marchant dans l’obscurité environnante du monde, mais avançant sereinement, guidés par la lumière.

Quel sera notre propre chemin, notre exode intime, quittant ce monde de ténèbres, nous laissant conduire par ce Fils de l’Homme qui désire entrer en nous ?

Écoutons Ésaïe nous parler ce matin du fond des âges au v.1 :

Debout ! Ta lumière arrive, sur toi le Seigneur se lève et sa gloire brille sur toi.

Et puis revient en notre mémoire, le Sermon sur la montagne[9] :


Vous êtes la lumière du monde… on n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau, mais on la met sur le chandelier, et elle éclaire tous ceux qui sont dans la maison. Que votre lumière luise ainsi devant les hommes… et qu'ils glorifient votre Père qui est dans les cieux.


Nous sommes tous des grains de lumière, ici et maintenant ! des parcelles du Royaume de Dieu,


Amen !


François PUJOL

[1] Selon une pratique courante, la pseudépigraphie, utilisée par les disciples, qui écrivent sous le nom de leur maître, pour bien manifester leur filiation spirituelle. C’est aussi le cas pour certaines lettres attribuées à Paul mais rédigées par des disciples (Les lettres à Timothée, Tite, aux Éphésiens et peut être celle aux Colossiens et la 2° aux Thessaloniciens). La lettre aux Hébreux est beaucoup plus tardive.

[2] Voici, je vais faire une chose nouvelle, sur le point d'arriver: Ne la connaîtrez-vous pas? Je mettrai un chemin dans le désert, Et des fleuves dans la solitude. (Esaïe 43,19)

[3] Qui formeront la diaspora juive tout autour de la méditerranée et ne parleront plus que le grec.

[4] Voir quelques versets significatifs d’Esaïe ICI

[5] L’obscurité ne peut pas chasser l’obscurité ; seule la lumière le peut. La haine ne peut pas chasser la haine ; seul l’amour le peut. Martin Luther King - 13 Novembre 1962 ”

[6] Et l’on pourra au passage remarquer que si nos contemporains à nous, nous semblent assez désorientés, c’est le moins que l’on puisse dire, c’est probablement parce qu’ils ont perdu le bon cap, le contact avec cette lumière qui vient d’Orient.

[7] Et qui donnent même la bonne adresse aux mages, mais restent assis sur leur siège !

[8] On comprend mieux pourquoi ce texte figure dans nos lectures de ce matin.

[9] Matthieu 5