Prédications Protestantes dans les Alpes du sud
Dimanche 02 aout 2015
Orpierre (05)
Textes bibliques:
Exode 16, 1-15
Jean 6,24-35 (Voir sous cette référence, méditation du 5 Aout 2012)
Éphésiens 4, 17-24 (lu dans la liturgie « volonté de Dieu »)
Du pain de survie au Pain de Vie
1 mois ½ (Exode 16,1-15)
L’Exode : évènement majeur dans l’histoire du peuple juif, célébré par la plus grande fête de son calendrier : Pessah, qui commémore cette sortie d’Égypte, le passage de la mer rouge.
Puis commence la traversée du désert vers la Terre Promise, dans l’ivresse de la libération de ce peuple béni par Dieu le créateur, et guidé par Moïse, le serviteur qu’il s’était choisi.
1 mois ½, il n’aura pas fallu plus de temps pour que cette euphorie de la libération cède la place aux premières récriminations.
Ils se retrouvent au milieu de nulle part, ne cachant plus où est Dieu, car il ne se manifeste plus, ne leur parle plus, sinon par Moïse, qui devient lui aussi l’objet de récriminations.
Alors, peu à peu ils perdent espoir, leur foi ne résiste pas aux premières épreuves et celui que l’on adorait il y a peu devient bien vite un bouc émissaire.
Ce texte illustre une tendance universelle : la versatilité des peuples : aussitôt adoré, aussitôt rejeté, qui se manifestera encore plus tragiquement, 12 siècles plus tard avec Jésus.
Et qui peut dire aujourd’hui que cette tendance a disparu ?
C’était mieux avant
Alors se glisse un petit refrain que vous connaissez tous : Ah c’était mieux avant, quand nous étions assis près des pots de viande, quand nous mangions du pain à satiété (v.3)
Ils rêvent de viande, critère absolu, aujourd’hui encore, de l’abondance et du bien-être.
Et de doléance en récrimination, ils en arrivent même à reprocher à Dieu de les avoir fait sortir d’Égypte. Ils y étaient si bien ! Ils y étaient esclaves ? Petit détail sans importance.
La relation entre le peuple hébreu et son Dieu libérateur étaient bien mal engagées et cela ne fera que s’aggraver, au point qu’aucun de ceux qui furent libérés de l’esclavage ne verra la terre promise, Moïse y compris, et qu’il faudra attendre la seconde génération, celle qui n’aura connu que le désert, pour voir, avec Josué, l’entrée en Canaan.
Cette histoire illustre ce qu’il advient lorsque la foi est confrontée à l’épreuve. Toutes les professions de foi que nous pouvons proclamer sont bien vite balayées si elles ne sont pas ancrées dans une relation permanente, quotidienne, de confiance, avec Notre Seigneur.
1° question : et nous ?
Avant, c’était le bon temps ! Lequel d’entre nous peut prétendre n’avoir jamais prononcé ces mots ou les avoir pensés très fort ?
Notre communauté d’Églises, l’EPU, l’ex-ERF, a perdu la, moitié de ses membres en 50 ans, ne sommes-nous pas nous aussi dans une traversée du désert ?
Le présent est difficile, l’avenir incertain et totalement illisible, est-ce une raison pour tomber dans une nostalgie morbide ?
Où est notre espérance, celle que nous chantons dans nos cantiques ? Cette espérance qui nous remplira de force et de courage pour avancer résolument sur le chemin qui se trouve devant nous.
Qu’allons faire ? Comme les hébreux, nous adresser à Dieu et lui dire qu’attends-tu pour redresser la situation pour faire revenir nos concitoyens dans nos temples ?
Ou plutôt prendre pour nous cette promesse que Dieu fit à son peuple il y a déjà 25 siècles, par la voix de Jérémie :
Moi, le Seigneur, je sais quels projets je forme pour vous : ce ne sont pas des projets de malheur mais des projets de bonheur, pour vous donner un avenir à espérer. (29/13)
L’avenir sera ce que nous le ferons, il importe donc que nous en soyons les acteurs, dans une relation de confiance, quotidienne, avec Notre Seigneur. C’est le message qu’auraient dû comprendre les hébreux, à travers cet épisode de la manne.
Juste le nécessaire : Notre pain de ce jour
La Manne : si aujourd’hui, ce mot signifie un don providentiel et inespéré, un avantage inattendu, une aubaine (on parle de manne financière), à l’origine ce mot signifie tout simplement qu’est-ce que c’est ou ques aco ?
L’important n’est pas de savoir si cette manne était vraiment miraculeuse ou un simple phénomène physiologique des plantes du désert[1].
Peu nous importe car l’important est ailleurs : la manne a pour but d’apprendre au peuple juif à faire, jour après jour confiance en l’avenir : et l’avenir c’est demain, ne pas s’en soucier, car Dieu y pourvoira, accepter de vivre avec juste le nécessaire tout en étant dans la joie et la confiance, voilà l’enseignement de Dieu.
Vous aurez remarqué que Moïse appelle ces petites boules sucrées, le pain de Dieu, car le pain était dans tout le bassin méditerranéen le symbole de la nourriture quotidienne, le moyen de satisfaire les besoins élémentaires de chacun. Aujourd’hui encore ce pain, que l’on jette maintenant sans réfléchir avec les déchets ménagers, demeure dans de nombreuses expressions comme celle que nous utilisons dans notre prière : donne nous aujourd’hui… ce qui indique bien l’idée de la nécessité de cette relation quotidienne avec Notre Seigneur et l’idée de nous satisfaire de ce que nous recevons jour après jour, et accepter ce que l’on reçoit comme une bénédiction.
Du pain de survie au pain de vie (Jean 6, 24-35)
Au désert, la manne c’était le pain de survie. Et voilà que Jésus, tout en se référant lui aussi à cet épisode du désert, parle du pain de vie.
Jean nous fait entrer dans cette discussion tendue qui suit la multiplication des pains, près du lac de Tibériade. La discussion se produit le lendemain, à Capernaüm, de l’autre côté du lac, où Jésus était retourné, et où des gens l’avaient retrouvé.
Car ils ne voulaient plus le lâcher, ils venaient de trouver leur roi, un souverain idéal à vues humaines, c’est-à-dire matérielles et à court terme : Un roi qui les rassasierait et en plus, qui pouvait les guérir !
Et lorsqu’ils lui demandent ce qu’ils doivent faire, il leur répond vous n’avez rien à faire, rien à comprendre, vous avez seulement à croire, croire en moi.
Eux, ils persistent, exigeant de voir un nouveau miracle pour croire.
C’est là que commence à se creuser le fossé entre Jésus, qui leur demande de reconnaître en Lui le Fils de Dieu, seul chemin de réconciliation avec le Père, de voir dans ses miracles les signes de cette divinité, alors que le peuple ne voit dans ces miracles que l’expression d’une puissance dont ils espèrent bien tirer un bénéfice pour eux-mêmes.
Fossé, divorce, qui trouvera sa conclusion sur la croix.
Pain de vie, Pain de la Vie
Et lorsque Jésus leur parle du pain de vie, ce sera le premier je suis de l’Évangile de Jean
Je suis le pain de la vie. Celui qui vient à moi n’aura pas faim, et celui qui croit en moi n’aura jamais soif.
Premier des 7 je suis, 7 signes explicatifs de sa mission et de sa divinité, explicitée dans le prologue de Jean[2].
Jésus opère un déplacement : L’important n’est plus le pain, que ce soit celui de la manne dans le désert, ou celui de la multiplication des pains. Il faut dorénavant considérer que le pain, le vrai pain, c’est le Christ lui-même.
Et Jésus va encore plus loin dans sa discussion avec les juifs qui n’y comprennent plus rien : Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle. Car ma chair est la vraie nourriture et mon sang est le vrai breuvage. (v.54)
2° question : Que signifie cela pour nous, quand nous communions ?
Et là nous nous aventurons sur un terrain miné, qui est au cœur de toutes les controverses entre chrétiens : catholiques et protestants, Calvin et Farel, Luther et Zwingli, etc…
Ce matin, nous allons donc bien vite abandonner ce terrain et nous contenter de dire un peu trivialement que manger le Christ c’est le faire entrer en nous, d’une autre manière que par sa Parole. C’est faire participer notre corps à la communion avec Christ et pas seulement notre Esprit ou notre intelligence lorsque nous écoutons sa Parole.
Car il n’y a pas le corps d’un côté, qui serait vulgaire et faible et l’esprit qui serait noble et fort. Nous sommes un, corps et esprit, ce qui permettait à Paul de dire que notre corps est le temple du Saint-Esprit.
Nous aurons l’occasion tout à l’heure autour de la table sainte d’approfondir cette question qui touche aux fondements de notre foi.
Conclusion
Mais pour conclure je voudrais vous rappeler tous les repas que Jésus a partagés, réunissant autour de sa table, pauvres et riches, pécheurs et gens pieux, pécheresses et bigotes, malades et bien portants, juifs et païens, collabos et résistants.
Ils formaient tous la communauté de ceux qui avaient reconnu en Jésus le pain de vie et en avaient tous été rassasiés. Dieu donne à chacun la ration nécessaire, sa ration de pardon, de miséricorde et d’amour. Et c’est par cela qu’ils sont « justifiés ».
Amen,
François PUJOL
[1] Ce serait l’exsudat des feuilles de Tamaris, lorsqu’elles sont piquées par un puceron
[2] Jean 1,1-18. Voir aussi liturgie de la Sainte Cène du 02/08 et méditation du 21/11/2014 (Jean 10,9)