Prédications Protestantes dans les Alpes du sud
DIMANCHE 10 juin 2012
Trescléoux (05700)
Lectures du Jour :
Exode 24, 3-8
Marc 14 12-26 (Voir également méditation du 03 Juin 2018)
Hébreux 9, 11-15
Israël : Un peuple consacré
Les religions du monde entier et de tous les temps ont eu la prétention d'apporter à leurs fidèles le salut, à condition que ceux-ci respectent un certain nombre de règles. Le judaïsme et le christianisme, il faut bien l'avouer, n'ont le plus souvent pas prétendu à autre chose. Et n'est-ce pas de toute façon ce qu'attendent la plupart des fidèles, au point que l'on peut se demander quel serait le succès d'une religion qui promettrait autre chose que le bonheur et le salut de ses fidèles.
Alors, on peut se demander en compagnie de certains, ce que la foi au Dieu de la Bible a de singulier et de spécifique, et en quoi cette foi "fait la différence".
Aujourd'hui nous avons lu deux textes, qui se rapportent aux fondements même de notre foi. D'abord, le récit du don de la loi au Sinaï qui scelle l'alliance passée entre Dieu et le peuple d'Israël. Nous avons lu ensuite le récit de l'institution de la sainte Cène, signe de l'alliance que Dieu a renouvelée et étendue à tous les peuples. Ces deux événements se déroulent lors de la célébration de la Pâque, pour bien marquer que cette fête témoigne de cette alliance passée entre Dieu et son peuple.
Et parce qu'elle se fonde sur une alliance, la foi d'Israël, comme celle du christianisme, diffère grandement de toutes les autres religions. Il s'agit d'une alliance passée entre Dieu et son peuple et comme toutes les autres alliances, elle implique le dialogue et l'échange, et demande la collaboration entre deux partenaires. Il y a des alliances entre les États. Il y a aussi alliance lorsqu'un couple s'unit par les liens du mariage. Il faut donc être deux pour qu'il y ait alliance. Dans beaucoup de religions, les dieux sont lointains, distants, ce sont des dieux qui regardent le monde de haut et de loin et avec lesquels il est impossible de sceller une alliance. Parfois certains apparaissent manipulateurs et interviennent " abusivement " dans l'histoire des hommes, le plus souvent avec violence ; et il faut accomplir des rituels, des sacrifices pour éloigner la colère de ces dieux-là.
Rien de tout cela dans la révélation du Sinaï. Rien de tout cela dans cet événement qui est annoncé tout au long du texte biblique. L'alliance passée entre les hommes et Dieu est un véritable partenariat. Bien sûr il y a des règles, bien sûr il y a des commandements dans cette loi que Moïse, le grand législateur d'Israël a présentée au peuple. Elle n'est pas donnée pour calmer le courroux d'un dieu lointain, mais pour permettre aux hommes, convaincus de la bienveillance divine, de marcher ensemble, de marcher comme des adultes. Il ne peut pas y avoir de vie, il ne peut pas y avoir de vie humaine, il ne peut pas y avoir de vie en société sans règles et sans loi. Et le texte biblique nous le dit très clairement, la loi n'a pas d'autre fonction que de permettre la vie, la vie sereine entre les hommes. Elle est comme une sorte de canne qui doit permettre à l'homme de marcher.
Dieu ne se fait pas d'illusion et le texte de l'Exode, le texte du Pentateuque nous le montre tout au long. Il ne se fait pas d'illusion sur ce que le peuple va être, un peuple à la nuque raide, un peuple rebelle, toujours prompt, comme des enfants, à se détourner de ces commandements donnés par Dieu, toujours prompt à suivre une "pseudo-liberté" qui n'est pas celle donnée par Dieu.
Et pourtant Dieu ne reniera jamais son alliance et toujours lorsque le peuple d'Israël se tournera vers Dieu comme un enfant se tourne vers son Père, il répondra "présent", il sera là, il tendra la main et il l'aidera à se relever pour avancer plus loin.
Mais le peuple d’Israël institutionnalisera une déviance. Il ajoutera aux dix commandements un ensemble de règles de vie, de comportements, de lois spécifiques à suivre dans toutes les circonstances de la vie. Il rapprochera sa religion du modèle que nous évoquions plus haut et son Dieu de ces dieux distants et redoutables qui exigent des rituels et des sacrifices pour apaiser leur colère.
Et Jésus sera envoyé pour recadrer, pour expliquer, pour montrer ce qu’est vraiment le relation entre Dieu et les hommes. Et les juifs pieux, qui attendaient le Messie, entendirent un discours provocant, à l’opposé de ce qu’ils attendaient. Ils croyaient qu’il était essentiel d’obéir à la Loi, mais Jésus leur disait qu’il fallait, avant toute chose, aimer sans condition son prochain, et en tirer les conséquences soi-même, librement. Ils croyaient que le Messie viendrait un jour pour rétablir toute chose, mais lui leur disait seulement d’ouvrir les yeux, de vivre dès aujourd’hui le royaume et d’en discerner les prémices dans le partage et le don de soi.
Judas était le seul originaire de Judée dans le groupe de disciples venus de Galilée. Il était le seul à connaître vraiment le Temple de Jérusalem et la religion, la Loi, ses prescriptions et la force de ses obligations. A-t-il, comme beaucoup d’autres, et malgré son attachement à Jésus, été choqué par son discours et son comportement. L’a-t-il livré, comme la Loi l’y obligeait, parce qu’il voulait qu’il s’explique devant les grands prêtres et qu’à la lumière de la controverse ainsi provoquée, l’on sache vraiment qui était dans le vrai. Nul ne le sait, mais c’est vraisemblable ; et rien n’a tourné comme il le souhaitait peut être. Mais c’était écrit…
La venue de Jésus, son enseignement, son exemple et sa crucifixion sont un renouvellement de l’alliance. L’alliance de Dieu avec son peuple s’est en effet manifestée d’abord par la Loi donnée sur le Sinaï et transmise par Moïse, puis a été explicitée ensuite par la venue du Christ et son sacrifice, lors d’une autre Pâque, en témoignage et accomplissement de cette alliance.
Cet accomplissement dévoile de quelle manière il nous faut comprendre cette alliance, l'entendre, la recevoir, la vivre. L'alliance passée entre Dieu et les hommes n'est pas quelque chose qui fonctionne en sens unique. Elle n'est pas un contrat dans lequel tous les droits seraient pour Dieu et tous les devoirs pour l'homme. Elle n'est pas une loi qui est imposée par Dieu et qu'il faudrait suivre à la lettre pour s'attirer ses bonnes grâces et le salut. C'est Dieu qui fait le premier pas en nous témoignant de son amour radical en Jésus Christ. Ce premier pas Dieu l'a fait pour nous sur la croix, sans préalable. Ainsi le salut n'a pas à se marchander, il a été offert une fois pour toutes à Pâques. La réponse de l'homme, l'acceptation de cette alliance, c'est la foi en cet amour infini. L'application de la Loi ne sert pas à s'attirer les bonnes grâces de Dieu, l'application de la Loi est la réponse de la foi à la Grâce première de Dieu.
Lorsque nous entendons l'Évangile, lorsque nous vivons dans notre communauté, c'est de la grâce de Dieu que nous vivons, c'est de son amour. Un amour total, un amour qui va jusqu'au bout, qui va jusqu'à la mort. C'est de cet amour-là que nous vivons chaque fois que nous sommes rassemblés pour célébrer le culte, chaque fois que nous sommes rassemblés pour la prière, chaque fois que nous sommes rassemblés pour méditer la parole de Dieu.
Le signe de cette alliance, c'est le repas du Seigneur comme c'est le repas pascal pour le peuple d'Israël. Et au-delà de ce signe formel, il y a la communion ! La communion, c'est-à-dire la participation à la communauté des croyants avec le Christ. Une communauté qui est ainsi faite de tous ceux qui ont cru bien faire mais qui se sont peut être trompés. Une communauté d’hommes et de femmes impardonnables, mais que Dieu a pardonnés. A ce moment là, Dieu est présent parmi nous, il est présent par son amour et par sa grâce ; et c'est à cause de cette grâce que nous pouvons vivre de cet amour.
Que cela soit notre force pour aujourd’hui !
Amen !
Jean Jacques Veillet