Prédications Protestantes dans les Alpes du sud
Dimanche 1° Juillet 2012
Orpierre (05)
Lectures du Jour :
Ezéchiel 18, 1-2 21-32
Marc 5, 21-43 2
Corinthiens 8, 7-15
Quand les parents boivent…
Chers Frères et sœurs,
Dans notre Sainte Bible, l’ancien testament occupe les ¾ des pages. Or, nos prédications dominicales portent presque exclusivement sur des textes du N.T. et en son sein, sur un passage de l’un des Évangiles. Comme si l’A.T. n’avait plus grand-chose à nous dire, puisque depuis, J.C. est venu sur terre, pour nous apporter la grâce de son pardon, et puis c’est si loin, trop loin peut-être, pour nous parler encore.
Ezéchiel
Et puis il y a ces prophètes qui sans le savoir annoncent une nouvelle alliance, qui préfigure celle que Dieu scellera avec l’Humanité par son fils J.C., (et c’est cela qui nous rend ces textes si intéressants, bien qu’un peu difficiles d’accès). Ézéchiel en fait partie, intervenant dans la période la plus dramatique qu’ait connu le peuple hébreu dans son histoire avant J.C. : L’exil, l’esclavage, durant près de 70 ans.
Il est assez facile de le situer historiquement car beaucoup d’oracles du livre sont datés avec précision. Ils débutent le 31 juillet 593 (voir Ez 1,1-2) et se terminent le 26 avril 571.
Le contexte de ce livre est celui de la prise de Jérusalem. En 597, la ville tombe une première fois aux mains des Babyloniens qui déportent le roi Joïakîn et nomment comme roi à sa place son oncle Sédécias. Une petite partie de la population est déportée à cette occasion. Cette première déportation ne concerne que l’élite administrative et sacerdotale : prêtres, scribes hauts fonctionnaires, membres de la famille royale et artisans métallurgistes. Très vraisemblablement, Ézéchiel fait partie de cette première déportation, puisque son ministère commence quatre ans plus tard en terre d’exil.
Sédécias, mal conseillé et pensant à tort pouvoir compter sur l’aide égyptienne, va entrer en révolte ouverte contre les Babyloniens. La riposte de ces derniers sera impitoyable: Jérusalem va être prise une seconde fois en 587. Sédécias est exécuté, le Temple, déjà pillé en 597, est cette fois, complètement rasé, de même que les murailles de la ville. Juda perd dès lors définitivement son indépendance et devient une province babylonienne.
Une seconde déportation commence pour une portion importante de la population.
Le dicton
Alors, les habitants de Jérusalem déportés à Babylone, qui ont perdu leur terre, leur roi, leur temple, se demandent comment ils ont mérité cette punition, et si celle-ci vient de Dieu, ou si Dieu les a abandonnés, car selon la vieille habitude humaine, personne ne veut reconnaître une quelconque responsabilité personnelle dans son malheur, mais chacun cherche à rejeter la faute sur d’autres. Et ils ressassent ce vieux dicton « Les pères ont mangé du raisin vert et les dents des fils ont été agacées ». Ils accusent leurs pères et leurs ancêtres des fautes dont eux croient subir la punition.
Et à la lecture de ce dicton, m’est tout de suite venu sur les lèvres un slogan, qui eut un grand succès dans les années 60, que l’on voyait sur des affiches 4x3, et que vous connaissez tous : « Quand les parents boivent… »
Et alors que je viens de vous dire que ces textes difficiles d’accès étaient trop vieux pour nous parler, voilà qu’à 26 siècles de distance, nous répétons les mêmes dictons, prouvant ainsi que l’homme, lui, est toujours le même
Les fautes de nos pères
Toujours le même, à chercher des alibis pour ne rien faire, rester dans le statu quo en sauvant la face. Par exemple, que disons-nous aujourd’hui ? :
- Les violences dans les banlieues, mais qui donc a construit des barres d’immeubles aux dimensions inhumaines ? Nos pères alors que nous n’étions que des enfants. Qu’y pouvons-nous aujourd’hui ? On ne peut plus rien faire, c’est trop tard.
- Notre électricité est à 85% d’origine nucléaire, même si l’on voulait en sortir on ne pourrait pas, on ne va pas revenir à la bougie, on ne peut rien faire, c’est trop tard.
On ne peut rien faire, sinon continuer à aller dans le mur, et si cela nous mène à une catastrophe, sociale ou écologique, ce n’est pas si grave, puisque ce n’est pas notre faute.
Et, plus sérieusement, à la fin de la 2° guerre mondiale, ce n’était pas il y a 26 siècles, l’Église évangélique d’Allemagne, notre sœur, disait encore que la Shoah était une expression de la colère de Dieu contre la désobéissance juive. Il fallut attendre l’année 1950 pour qu’elle déclare : « Nous reconnaissons que, par omission ou par silence, nous sommes aussi coupables devant le Dieu de miséricorde des crimes commis contre les juifs par les citoyens de notre pays. »
Un dieu-idole
Vous voyez les ravages que peut provoquer cette forme de raisonnement, qui laisse entendre que l’évolution de nos sociétés serait régie par une loi implacable et mécanique, de la cause et de l’effet, qui par une sorte de fatalité se transmettrait de génération en génération et sur laquelle nous n‘aurions aucune prise.
Et la tentation est grande, alors, et les déportés de notre texte ne s’en privent pas, de se tourner vers Dieu et de lui demander des comptes : mais que fais-tu ? Pourquoi laisses tu faire cela, car c’était à toi d’agir, pas à nous ! (v.25). Il est plus facile de s’en prendre à Dieu qu’à nous-mêmes.
Mais cette conception de Dieu, juge lointain, indifférent est totalement erronée, et repousse Dieu au rang d’une idole, muette et immobile.
Ezéchiel refuse cette posture, et il délivre un message d’espérance : d’abord, Dieu n’abandonne pas son peuple exilé. Il en prend soin à tel point que c’est même là, en terre d’exil, que vont être données des prophéties concernant le retour au pays. Mieux encore, Ezéchiel rapporte la vision de Dieu quittant le temple de Jérusalem et prenant lui-même le chemin de l’exil. Le Dieu d’Ezéchiel est un Dieu proche, soucieux de ses créatures, cherchant à transmettre la vie.
Nos propres fautes
En même temps il rompt cette notion de culpabilité trans-générationnelle (Exode 20 : « je suis un Dieu jaloux, qui punis l'iniquité des pères sur les enfants jusqu'à la troisième et la quatrième génération de ceux qui me haïssent), en affirmant que chacun est responsable de sa propre vie (Dt 30 : j'ai mis devant toi la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction. Choisis la vie, afin que tu vives, toi et ta postérité,)
Il substitue la transmission d’une bénédiction à la transmission d’une malédiction.
Mais cela ne nous exonère pas pour autant de notre responsabilité dans notre propre existence à l’égard des générations futures. Quelle terre, quelle société allons-nous leur transmettre ? Nos descendants béniront-ils ou maudiront-ils un jour notre mémoire ? Les déportés à Babylone n’étaient sans doute pas plus infidèles que ne l’étaient leurs pères ; mais, étaient-ils meilleurs ? Etaient-ils seulement différents de leurs pères ? Ne reproduisent-ils pas en fin de compte, la manière de vivre et les errements hérités de leurs pères ?
C’est pourquoi Ézéchiel leur lance cet appel : « Revenez à moi, dit Dieu, ainsi vous vous ferez un esprit neuf et un cœur neuf. »
La repentance
Tout n’est donc pas fini avec l’exil. Mais cet avenir ne reste possible qu’à la condition d’une véritable conversion, d’un changement profond de comportement et de dispositions intérieures.
Autant que de se repentir, il s’agit d’accepter de prendre nos propres responsabilités.
« Je vous jugerai chacun – individuellement - selon ses voies » (v.30).
Reconnaître que ce n’est pas d’avoir fait notre B.A. quotidienne qui nous rend juste, car à côté de cette BA, nous rompons cent fois l’alliance que Dieu nous propose. Ce qui nous rend juste, c’est de revenir à Dieu, afin qu’il efface nos iniquités et que nous vivions. Nous sommes déjà presque dans le message des Évangiles :
« Je ne désire pas la mort du pécheur, dit le Seigneur, l'Éternel. Convertissez vous donc, et vivez. » (v.32)
La grâce
Ce refus d’une accumulation du péché au fil du temps, libère également l’avenir. Il n’y a plus de fatalité et cette conversion est toujours possible, jusqu’au dernier jour. Paul en est l’un des meilleurs exemples :
« Jésus-Christ m’a jugé digne de confiance en me prenant à son service, moi qui étais autrefois un blasphémateur, persécuteur et violent... en moi le premier, Jésus-Christ démontre toute sa générosité.... ! » 1 Tim 1.12-17.
L’exil, en ce qu’il déstabilise totalement les hébreux, peut être une bonne occasion de changement radical de comportement. C’est également le cas pour nous, un choc affectif, familial, professionnel ou de santé est parfois nécessaire à ce travail intérieur préalable à un retour vers Dieu :
« Revenez et détournez-vous de toutes vos transgressions, afin que l'iniquité ne cause pas votre ruine.» v.30
Cette conversion des juifs exilés ne sera pas vaine, mais au contraire elle sera récompensée par un véritable renouvellement d’alliance.
Dans ce sens, le livre d’Ézéchiel marque un tournant dans cette théologie de la RÉTRIBUTION (Fidélité / Bénédiction / Infidélité / Punition / Repentance / Bénédiction) intériorisée par les juifs.
Ce n’est plus le peuple collectivement qui doit rendre des comptes à Dieu, mais chacun individuellement qui doit se présenter devant Dieu, instaurant une relation personnelle avec lui, pour obtenir son pardon :
« Si le méchant ouvre les yeux et se détourne de toutes les transgressions qu'il a commises, il vivra, il ne mourra pas ».(v.28)
Ainsi, Ézéchiel ne faisait peut-être qu’entrevoir l’immensité de la grâce que Dieu nous accordera en son Fils Jésus-Christ. Mais il avait déjà eu la révélation que Dieu ne prend pas plaisir à la mort des gens, au contraire il veut qu’ils vivent en revenant à lui. En accordant son pardon il efface le passé, aussi sombre qu’il soit et permet un nouveau départ dans la vie.
Voilà ce qu’auraient dû comprendre les juifs déportés : chaque matin c’est un homme nouveau qui se lève, chaque jour est une nouvelle page blanche, à nous de l’écrire, avec Dieu pour guider notre main.
Et cette vie de réconcilié avec Dieu que le prophète n’a fait qu’entrevoir, Dieu nous l’accorde pleinement en Jésus-Christ. Jésus Christ qui achève, qui accomplit, selon ses propos mots, cette évolution théologique : Plus de rétribution collective, plus même de rétribution individuelle, mais la foi, la confiance en notre Sauveur, que nous lisons en Marc 5 ce matin :
« Ma fille, ta foi t'a sauvée; va en paix » Mc 5/34,
Et à Jaïrus dont la fille vient de mourir,
« Ne crains pas, crois seulement » Mc 5/36
Amen,
François PUJOL.