Prédications Protestantes dans les Alpes du sud 

Dimanche 31 Décembre 2017

Trescléoux (05700)

Lectures du jour :

Genèse 15, 1-6/21, 1-3

Hébreux 11, 8-19

Luc 2, 22-40

Dieu nous fait confiance

Introduction

Frères et sœurs, vous ayant déjà proposé[1] une méditation sur Luc 2 il y a exactement 3 ans, je voudrais vous proposer ce matin une méditation sur ce texte de la Genèse, qui sans en avoir l’air est une sorte de bombe à retardement.

La Genèse, ce n’est pas seulement Adam et Ève, c’est aussi ce que l‘on appelle l’histoire des patriarches[2], avec le cycle d’Abraham qui s’étend sur 13 chapitres, puis celle d’Isaac, Jacob, et ses 12 fils dont Joseph, le livre de la Genèse se terminant par la mort de ce dernier[3], au chapitre 50.

L’angoisse d’Abram - l’alliance

Mais revenons à Abram, qui ne deviendra Abraham que 13 ans plus tard. Notre lecture commence par après ces évènements : il ‘s’agit d’une bataille contre les rois de Sodome et Salem, qu’Abram vient de gagner. Les autres rois de la région lui font allégeance et il leur laisse sa part de butin.

Donc tout va bien pour lui.

Pourtant une angoisse sourde l’empêche de savourer cette victoire.

C’est pourquoi le Seigneur[4] s’adresse à Abram et lui dit : ne crains point, je suis ton bouclier.

Que pouvait donc craindre Abram ? Une source d’angoisse absolue : ne pas avoir de descendant.

C’est une obsession centrale du peuple hébreu, celle de la descendance, car on ne peut être juif que par sa généalogie, et ce n’est pas par hasard si le Nouveau Testament commence par la généalogie de Jésus, si la généalogie d’Abram remonte jusqu’à Noé (Gen.11/10-32) et celle de Noé jusqu’à Adam[5]. Même si l’historicité de ces dernières est invérifiable, et pourrait paraître à certains folklorique, l’important n’est pas là. Il faut le redire, l’Ancien Testament, tout au long de ses pages, n’est pas un livre d’histoire, mais un ensemble de livres répondant au même projet théologique, avec cette volonté d’affirmer en toutes circonstances « je sais d’où je viens, depuis la nuit des temps, et enchaîner par donc je sais où je vais, à travers ma descendance car je suis l’héritier de cette alliance indéfectible, irréfragable, entre Dieu et son Peuple, auquel j’appartiens. »

Et cette affirmation s’éclaire lorsque l’on sait que tout le Pentateuque[6] a été réécrit par les scribes en déportation à Babylone, au moment où justement la survie du Peuple et son identité étaient en grand danger.

Cette obsession de la descendance est résumée ainsi par un juif célèbre: Je suis Juif non pas parce que mon grand-père était Juif, mais parce que mon petit-fils sera Juif[7].

C’est pourquoi, après lui avoir dit ne crains point, le Seigneur, au v. 4, lui fait une promesse : tu auras un descendant, sans plus de détails. Et pour lui prouver que ce ne sont pas des paroles en l’air, il le fait sortir de sa tente, lui montre le ciel et lui dit : regarde, compte les étoiles si tu peux, ainsi sera ta descendance.

Mais, attention !! La nuit ne viendra qu’au verset 17. Que pouvait donc voir Abram ? Rien, et pourtant, Abram eut confiance en l’Eternel qui le lui imputa en justice[8].

Mais qu’est-ce qui nous rend juste ?

Associer confiance et justice dès la page 19 de ma Bible, qui en comporte 1.000, n’est-ce pas véritablement une bombe à retardement ?

Inutile d’aller décortiquer l’Epître aux Romains comme le fit Luther, tout est déjà dit dans ce verset, qui proclame déjà le principe de la justification par la foi (selon la TOB), auquel finiront par se rallier nos frères catholiques en … 1.999 !

La plupart des traductions parlent de confiance : dans une société de défiance généralisée, c’est une valeur dont la cote est en baisse, tout comme celle, par exemple, du mariage.

Je vous parle du mariage car juste avant, il y a (avait) les fiançailles, par lesquelles la famille prend acte de la confiance réciproque que se portent les fiancés.

Ainsi, on peut dire que ce texte scelle les fiançailles de Dieu avec Abram, c’est-à-dire, en réalité, avec l‘Humanité.

Le texte nous dit qu’Abram eut confiance en l’Eternel. S’il y a Confiance réciproque, c’est que Dieu fait confiance à Abram et c’est Dieu qui fait le premier pas, par cette promesse, avant qu’Abram ait fait quoi que ce soit.

Voilà le cœur de ce passage : En premier vient la confiance de Dieu en chacun de nous. C’est cette confiance de Dieu qui nous ouvre un chemin pour notre vie, et nous rend justes à ses yeux.

Après les fiançailles vient le mariage dont le symbole est l’échange des anneaux, les alliances.

Après un long temps de fiançailles, l’alliance de Dieu et d’Abram, viendra 14 ans plus tard et c’est là qu’Abram deviendra Abraham, et Isaac sera le signe de cette alliance.

Justes malgré nos parts d’ombre

Mais qu’a donc fait Abram pour mériter cette bénédiction ?

Justement, rien, il n’a rien fait, il ne mérite rien, il n’a pas respecté une Loi qui ne sera donnée au peuple par Moïse que 6 ou 7 siècles plus tard ; Il n’a pas non plus un comportement « méritoire » : il fait passer sa femme pour sa sœur ; la pousse dans le lit d’Abimélech, engendre Ismaël avec sa servante…. Un homme ordinaire, donc !!

Il a seulement fait confiance, et c’est déjà beaucoup, dans la situation où il était. D’ailleurs, Sarah, elle, n’ pas cette confiance, lorsque les messagers du Seigneur, lui diront, sous le chêne de Mamré[9] qu’elle sera prochainement enceinte. Le Seigneur le lui reprochera : « Tu as ri, non je n’ai pas ri, Si, tu as ri »[10], et c’est elle qui avait poussé Hagar la servante dans le lit d’Abram, source d'un débat, conflictuel, qui ne sera tranché qu'à la fin des temps : La promesse de Dieu faite à Abram, s'est-elle accomplie par Isaac ou Ismaël ? (quand je parlais de bombe à retardement...).

Alors ce que ce texte veut nous dire ce matin, où nous sommes encore dans ce temps de Noël et de son espérance renouvelée, c’est qu’au-delà de nos parcours chaotiques, ceux qui placent leur confiance dans le Seigneur pourront suivre le bon cap, même si parfois ils empruntent des chemins de traverse, ou s’ils croient prendre, comme Sarah[11], des raccourcis qui finalement ne mènent nulle part. Dieu veille sur nous, pour que nous ne perdions pas ce nouveau cap, Jésus le Christ, par la nouvelle alliance qu’il a scellée avec nous par son sang, selon ses propres mots lors du dernier repas.

La foi c’est quoi ? La confiance réciproque

La confiance d’Abram ne fut pas déçue. Mais il faut aussi parler de la confiance de Dieu en Abram, qui ne fut pas déçue non plus : en lui confiant le soin de mener son peuple de la Chaldée vers Canaan, s’en allant sans savoir où il allait, nous dit notre lecture de la lettre aux Hébreux.

La confiance est un contrat, un investissement. Chacun mise sur l’autre.

Et ce n’est pas du tout la même chose de dire je crois que Dieu existe et de dire je crois en Dieu, je crois en Jésus-Christ, et Dieu nous prouve à chaque instant qu’il croit en l’Homme, lorsqu’il nous appelle à nous tourner vers son fils afin de nous libérer de notre finitude, de la mort, c’est-à-dire de l’angoisse du néant, et nous faire accéder à la vie éternelle, c’est à dire retourner (symboliquement !) au 1er chapitre de la Genèse

C’est ce petit mot en qui fonde notre confiance, qui définit le mieux notre foi. C’est cette préposition, en, qui fonde aussi notre certitude que Dieu croit en nous.

Abram a confiance en Dieu, parce que Dieu lui a fait confiance le premier. Il en est ainsi pour chacun de nous. Et dans cette relation, s’entremêlent ces trois mots confiance/foi/fidélité.

Et cela nous conduit au chapitre 11 de la lettre aux hébreux, dont l’auteur anonyme nous propose une définition de la foi :

* la foi est une manière de posséder déjà ce que l'on espère, un moyen de connaître des réalités que l'on ne voit pas". (v.1)

* c'est selon la foi que tous ceux-là sont morts, sans avoir obtenu les choses promises; cependant, ils les ont vues et saluées de loin ; reconnaissant publiquement qu'ils étaient étrangers et résidents temporaires sur la terre. (v.13)

Et Paul ajoute dans sa lettre aux Romains (8/16-24) :

Car nous avons été sauvés, mais c'est en espérance. Or, voir ce que l'on espère n'est plus espérer : ce que l'on voit, comment l'espérer encore ?

La foi est ainsi en même temps ferme conviction et espérance.

Comme Abram, notre foi nous fait voir en plein midi, les étoiles que les autres ne verront qu’à la nuit tombée, mais pour eux, il sera peut-être trop tard.

L’amour de Dieu

Abram a attendu 14 ans avant de voir s’accomplir la promesse faite par le Seigneur. De la même façon, notre foi nous met en tension entre le visible d’aujourd’hui et l’invisible de demain. Elle nous fait pressentir que la promesse de Dieu en Jean 3/16[12], s’accomplira. Elle nous fait posséder déjà un trésor que nous ne tenons pas encore, elle nous fait connaître sans voir.

Mais tout a commencé parce que Dieu, par amour, me considère comme juste. Que faire de cette grâce imméritée ? La recevoir tout simplement, et vivre. Avoir la volonté de vivre et le courage d’être[13].

Amen !

François PUJOL

[1] Hasard de notre tableau des cultes, le 28/12/14

[2] Le second livre du Pentateuque, l’Exode, étant la saga de moïse

[3] à l’âge de 110 ans !!

[4] Le nom « Dieu », n’est jamais employé dans l’Ancien testament, car c’est un nom «imprononçable» (Exode 20/7).

[5] On lit au chapitre 5 v.1 : « Voici le livret de famille d’Adam » !!

[6] Les 5 premiers livres de l’Ancien testament, appelés par les juifs, la Torah

[7] Jacques Attali : Dictionnaire amoureux du judaïsme.2007-Plon

[8] La TOB traduit : Abram eut foi dans le Seigneur et pour cela il le considéra comme juste.

[9] Si l’historicité d’Abraham fait l’objet de controverse entre archéologues distingués, le chêne de Mamré est bel et bien là, près d’Hébron en Cisjordanie. Il est mort en 1996, mais des rejets sont sortis de sa souche, ce qui nous renvoie à la prophétie d'Esaïe 11, 1-5 : Un rameau sortira de la souche de Jessé.

[10] Voir l’intégralité de ce savoureux dialogue, un peu surréaliste entre Dieu et Sarah au chapitre 18

[11] Croyant avoir trouvé la solution, Sarah poussa Hagar dans le lit d’Abram. Naquit Ismaël, ce qui générera une compétition permanente entre les deux ½ frères pour savoir lequel est au bénéfice de la promesse divine, compétition dont nous subissons les réminiscences encore aujourd’hui.

[12] « Car Dieu a tant aimé le monde qu’il donné son fils unique afin que quiconque croit en Lui, ne périsse point, mais qu’il ait la vie éternelle »

[13] Selon Paul Tillich