Prédications Protestantes dans les Alpes du sud 

VENDREDI 22 OCTOBRE 2021

Temple du Villard La Beaume (05140)

Obsèques de Mme Marthe C.

Lecture :

Genèse 49,33 à 50,14 (extraits)

Des larmes légitimes (1)

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Ce texte est l'un des rares récits d'obsèques de la Bible

Ce qui est marquant dans ce texte, c'est d'abord la grande douleur de Joseph. Son père vient de mourir et il se jette sur son corps, le couvre de larmes et de baisers. Pourtant la mort de Jacob n'est en rien tragique : il a vécu longtemps, a eu 12 enfants et de nombreux petits-enfants. Certes, sa vie a connu quelques moments difficiles : Il a volé à son frère Esaü, son droit d’aînesse contre un plat de lentilles, et a donc passé une partie de sa vie à le fuir avant leur réconciliation. Ses fils vendirent leur frère Joseph, le préféré du père, comme esclave mais par un retournement de situation improbable il est devenu premier ministre du Pharaon.

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Après encore bien d’autres péripéties, sa famille fut de nouveau réunie à la fin de sa vie, qu’il passa dans l'affection des siens. Alors pourquoi cette grande douleur de son fils ? C'est que la mort nous sépare de ceux que l'on aime, que la mort de nos bien-aimés arrive toujours trop tôt, quel que soit leur âge et que l’émotion nous déborde souvent malgré notre résistance.

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La Bible est pleine de ces gens ordinaires, comme nous, dont elle dévoile l’humanité toute simple. Et si elle nous montre Joseph, pleurer sur la mort de son père, elle nous dit en quelque sorte : il n'y a pas de honte à être triste, à pleurer, à se désespérer quand la mort fauche nos proches et nous sépare de ceux avec qui nous avons tant parlé, tant partagé.

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Chers amis, la Bible, par ce récit, nous invite à ne pas refouler nos larmes, elles sont légitimes.

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Ce qui est aussi marquant dans ce récit c'est le soin que prend Joseph à s'occuper jusqu'au bout de son père décédé : il le fait embaumer suivant la coutume de l'époque puis il n'hésite pas à quitter pour un temps son travail et à conduire le corps, à travers un long périple de près de 300 km, jusqu'à la tombe familiale, là où étaient déjà enterrés Abraham, Isaac et leurs épouses. Par-là, il rend certes ses derniers devoirs à son père mais il s'inscrit aussi dans une suite familiale qui remonte dans la nuit des temps. Il a le souci de ne pas casser cette chaîne de la filiation qui fait que personne ne peut être le « père de » avant d’avoir été « le fils de », avec l’espoir que ses propres enfants ne casseront pas cette chaîne.

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Vous aussi, chers amis dans le deuil, vous vous êtes occupés de celle qui n'est plus; vous avez fait tout selon ses souhaits et selon notre tradition. Bientôt la dernière étape sera accomplie. Par là aussi vous avez dit votre affection et vous avez affirmé que vous vous inscrivez dans la longue histoire de vos ancêtres.

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Enfin, Joseph, une fois accompli son devoir, revient en Égypte et il peut reprendre son activité là où il l'avait laissée, son travail de deuil accompli. Ce sera pour vous le moment difficile, l'heure où il faudra marcher un peu plus solitaire. Le vide laissé par le décès d'un être cher se mesure après, quand sont passées les visites de proches, les démarches à accomplir. Alors viendra le moment des questions sans réponse sur la vie, la mort.

C'est ici que l'Évangile vient vous rejoindre : notre sœur disparue est maintenant gardée dans l'amour du Christ, c’était en tous cas sa conviction profonde puisqu’elle a souhaité revenir à cette maison.

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Et à ce propos, J. et M. me disaient hier « Notre mère était fière de sa croix huguenote qu’elle portrait toujours mais elle n’allait jamais au culte, elle n’était pas pratiquante. »

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Mais c’est quoi être pratiquant, être un bon chrétien comme disent les bonnes âmes : celui qui se fait voir une heure par semaine au culte et qui dès la porte du temple franchie retourne à ses petites affaires plus ou moins claires, ou celle qui, au nom de cette croix qu’elle portait, a consacré sa vie à instruire des fils et filles de paysans de l’après-guerre pour en faire des hommes et des femmes libres. N’est-ce pas là faire preuve d’une grande humanité, d’une grande empathie, que Jésus Christ n’aurait sûrement pas désavouées ? Oui, Marthe était bel et bien et définitivement membre de notre famille. Et je n’oublie pas que Marthe faisait partie de cette cohorte d’enseignants qui ont permis à ma génération de monter dans l’ascenseur social.

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Alors, ne soyons pas surpris que Marthe ait souhaité nous faire écouter cet air, « le temps des cerises », lorsque l’on sait les circonstances dramatiques pour lesquelles il a été écrit. Son auteur était lui aussi animé de hautes pensées altruistes. Même si ses bases philosophiques n’étaient pas les nôtres, il n’en était pas moins un compagnon de route.

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Mais les chrétiens vont plus loin : la Bonne Nouvelle qu’ils annoncent au monde c’est que le jour de Pâques, Christ est ressuscité ! Il est vivant pour l’éternité et ceux qui se confient en lui sont appelés au même destin. La mort a été vaincue. Devant nous se dresse l'espérance de la résurrection.

Nous affirmerons encore tout à l’heure au cimetière que notre mort biologique, ce n’est pas la fin. La mort n’est pas un mur, c’est un couloir au bout duquel apparaît la lumière, c’est en tous cas ce que vous diront tous ceux qui ont fait ce que l’on appelle une EMI, une expérience de mort imminente.

Alors, dans l’attente de nous trouver nous aussi dans ce couloir, le Christ vient lui-même essuyer les larmes de nos yeux et combler le vide que laisse le départ de nos bien-aimés. Frères et sœurs, chers amis, vous qui avez accompli tout ce qu'il fallait faire pour celle que vous continuez d’aimer malgré sa disparition, ne restez pas dans la peine, vous pouvez entrer dans l'espérance : la promesse de la résurrection est devant nous.

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Amen !

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François PUJOL

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(1) à partir d'un texte anonyme, in Pastorale des Funérailles chez Olivétan-2018