Prédications Protestantes dans les Alpes du sud 

Jeudi 13 Février 2014 - Le Bersac (05700)

Service d'obsèques de Mr Abel L.

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Heureux ceux qui ont le cœur net, car ils verront Dieu !

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Ma rencontre avec Abel et Micheline, date de 50 ans, à quelques mois près. Je recherchais un stage en exploitation, et le hasard, pour ceux qui y croient m’a fait atterrir à Guire. Je ne crois pas au hasard. Tout au plus à des concours de circonstances, qui parfois peuvent être heureux. Ce fut le cas ;

Alors, je pourrais vous dire qu’Abel a été mon maitre, mon initiateur, celui qui m’a transmis la passion pour l’élevage de notre race locale, ce qui a été déterminant pour ma vie professionnelle.

Je pourrais vous parler de son engagement militant au sein du Syndicat d’élevage le mouton Savournon, dont il fut président de 1963 à 1971, organisation qui restera unique : celle d’une action collective et transversale au service de tous, inspirée chez beaucoup par les Jeunesses Agricoles Chrétiennes, fondatrices d’une fraternité encore perceptible il y a peu, au contact permanent avec sa base grâce à un quadrillage territorial à mailles serrées, fédérée autour de cette race de mouton, emblématique de notre région, véritable patrimoine commun à toutes nos vallées.

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Mais tout cela est somme toute second, même si ce n’est pas secondaire, puisque cela a rempli une vie. Mais l’important est ailleurs.

Ailleurs, c’est le mot qui convient. Car il n’aura fallu que quelques jours pour nous rendre compte l’un et l’autre que nous avions placé nos vies sous le regard d’une transcendance, invisible, inexplicable par la raison, que nous appelons Dieu.

De surcroît, l’un et l’autre, nous croyions et confessions que ce Dieu si lointain, si étranger, s’est approché de nous, en la personne de Jésus Christ son fils, par le don gratuit de sa mort et sa résurrection. Nous croyions qu’une nouvelle alliance était offerte à l’Humanité, un chemin de salut à travers chacun des individus qui la composent.

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Il n’y a rien à gagner ni à mériter, il n’y a aucune rétribution à attendre en échange de ce don, cette grâce est offerte définitivement une fois pour toutes à chacun d’entre nous.

C’est sur ce fondement que naquit une communion totalement improbable entre Abel, le paysan catho et moi, l’étudiant huguenot, communion d’autant plus forte qu’elle ne reposait sur rien, sur rien d’autre qu’une espérance commune.

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Et c’est ainsi qu’Abel et Micheline devinrent mes adultes référents, attentionnés, suivant de loin en loin mon parcours, que leurs enfants devinrent des frères et sœurs et que la communion se transforma peu à peu en affection.

Dès lors, plus besoin de longs discours, puisque nous savions l’un et l’autre sur quel socle commun étaient construites nos vies, nous reposant sur les paroles de l’apôtre Paul adressées aux habitants de Corinthe (I Cor.15/17), et qui s’adresse à nous, à vous aujourd’hui :

« Si Christ n'est pas ressuscité, votre foi est vaine, et vous êtes perdus. Si c'est dans cette vie seulement que nous espérons en Christ, nous sommes les plus malheureux de tous les hommes…. Mais nous savons que Christ est ressuscité des morts, et s’il est ressuscité, alors nous aussi nous ressusciterons. Lorsque cela se produira notre rédemption sera parfaite et nous pourrons dire « Mort où est ta victoire ? » »

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Je suis reconnaissant au Seigneur d’avoir pu vivre l’expérience de cette fraternité en Christ, qui transforme notre espérance en assurance, pour reprendre les termes du rédacteur anonyme de l’épître aux hébreux, lorsqu’il donne sa définition de la foi « la foi c’est la ferme assurance des choses que l'on espère » (Hébr.11/1).

Alors à propos de la dernière demeure d’Abel, puisque c’est l’expression en usage dans la circonstance qui nous rassemble, je n’en connais pas l’adresse exacte. Mais la lecture de la première des 8 béatitudes, prononcées par Jésus, dans Matthieu 5, peut nous guider :

« Heureux les pauvres de cœur, car le royaume des cieux est à eux! »

Le royaume des cieux, ce n’est pas un petit coin de ciel, bleu de préférence, c’est le domaine du Créateur, caractérisé par l’infini et l’éternité, 2 notions inconcevables à notre raison, 2 notions qui donnent le vertige, à nous humains, coincés dans notre finitude, bornés par une naissance et une mort.

Ceux qui fondent leur vie sur l’alliance avec le Christ accèdent dès aujourd’hui à cette dimension divine, car vous aurez remarqué que Jésus utilise le présent de l’indicatif, comme il utilise le présent de l’indicatif lorsqu’il dit « Celui qui croit en moi, il a la vie éternelle » (Jean 6/47)

Le royaume des cieux, ce n’est pas pour un futur hypothétique et improbable, pour un au-delà mystérieux et angoissant, mais c’est pour aujourd’hui, ici et maintenant, pour les pauvres de cœur.

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Pauvre de cœur, Abel l’était bel et bien, essayant, tant bien que mal, avec ses qualités et ses défauts, à travers les vicissitudes de la vie et les deuils qui frappent tour à tour chaque famille, essayant, donc, de suivre les enseignements du Christ, dont les 2 piliers sont humilité et amour :

* Humilité, qui n’est pas la dévalorisation de soi, mais considération de l’Autre, renoncement à l’affirmation de soi, un regard porté sur l’Autre, comme étant un autre moi-même, mon alter-ego, dans le respect de son altérité.

* Amour : non pas l’amour émotion des humains, mais l’amour empathie, l’élan vers l’autre, qui devient mon prochain à qui j’ouvre ma porte.


Pour terminer cette intervention, je voudrais vous rappeler également la 6° béatitude, dans la traduction de la TOB :

Heureux ceux qui ont le cœur net, car ils verront Dieu !

Vous remarquerez que chaque fois Jésus utilise le mot cœur, car ce n’est pas avec la raison des savants ou de ceux qui se prétendent tels, que l’on peut rencontrer Jésus Christ.

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C’est avec le cœur. C’est avec le cœur qu’Abel Le rencontra un jour de sa jeunesse, pour ne plus le quitter, jusqu’au bout de l’Éternité.

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Amen !

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François PUJOL