Prédications Protestantes dans les Alpes du sud 

DIMANCHE 07 NOVEMBRE 2021

Temple de Trescléoux (05700)

Lectures du Jour :

1 Rois 17, 8-16

Marc 12, 38-44

Hébreux 9, 24-28

Héritiers d’un pardon définitif

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Si, dans la lecture de la 2ème lettre de Pierre qui nous est également proposée ce matin, ce dernier rend hommage à Paul dont il souligne en particulier la capacité à expliquer des points difficiles à comprendre (v.16) (1) , la lecture de cet extrait de la lettre aux hébreux en est une parfaite illustration, même si cette lettre n’est plus attribuée à Paul depuis longtemps (2).

Contrairement à l’habitude de Paul dans ses épitres, son ouverture ne donne aucune indication sur l’identité du rédacteur. La conclusion n’est pas plus explicite, de sorte que l’auteur de cette lettre restera anonyme. Dommage.

Il s’agit en tous cas d’un juif cultivé, converti au christianisme, qui s’adresse à d’autres juifs convertis, balancés entre les traditions juives dont ils ne savent s’ils doivent les abandonner et le bouleversement à plus d’un titre qu’a représenté la semaine pascale.

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Même si certains paragraphes doivent être lus deux fois pour en comprendre le sens, la lettre aux Hébreux n’en est pas moins la plus claire explication de tout le N.T. de l’affirmation de Jésus Je ne suis pas venu pour abolir la Loi mais pour l’accomplir (3), affirmation qui était au cœur des interrogations des judéo-chrétiens de l’époque, et du procès en hérésie que faisaient les chefs religieux à Jésus.

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Pour cela l’auteur développe le lien entre la fête de Yom Kippour et la mort de J.C. sur la croix. Pour le rédacteur, la mort de Jésus, qui est une mort sacrificielle, accomplit définitivement et clôt le cycle annuel des solennités de Yom Kippour.

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Cette cérémonie que l’on appelle aussi le Grand Pardon a été instituée par Moïse à sa descente du Sinaï pour que le Peuple expie la faute qu’il a commise envers Dieu en adorant le veau d’or. Le signe du pardon de Dieu était alors le sang d’animaux sacrifiés dont Moïse aspergeait le Peuple.

Ensuite un bouc, chargé par Aaron de tous les péchés du Peuple, était envoyé dans le désert (4) , rejoindre Azazel, le démon des Cananéens.

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Depuis lors, chaque année, 10 jours après Roch Hachana, le Nouvel An Juif (5) , ont lieu durant 25 heures les cérémonies de Yom Kippour, avec cessation totale d’activité, jeûne et abstinence, des offices dans les synagogues et la récitation de textes liturgiques pour implorer le pardon de Dieu.

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Malgré le caractère solennel de cette journée d’expiation (6) , c’est malgré tout une fête joyeuse, inscrite au plus profond de la tradition et de la culture juive de sorte qu’en Israël la grande majorité des habitants participe à cette fête, qu’ils soient religieux ou laïcs. Le jeûne est rompu par le partage de nombreuses pâtisseries confectionnées spécialement pour ce jour-là.

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Le cœur du déroulement de cette cérémonie se situait dans la tente d’assignation (7) lorsque le peuple était encore nomade, puis dans le Temple (8) au temps de Jésus.

Les deux plans sont à peu près identiques : Un parvis, puis une première salle, appelée « Le Saint » où les prêtres pratiquent quotidiennement les offrandes rituelles.

Puis une seconde salle séparée par un voile où seul le Grand Prêtre peut pénétrer, une fois par an, pour le sacrifice d’expiation des fautes commises par le Peuple (et par lui-même) envers Dieu. Pour les fautes commises envers d’autres personnes, chaque juif doit impérativement dans les 10 jours qui séparent Roch Hachana de Yom Kippour se mettre en règle vis-à-vis d’elles, en réparant ce qui peut l’être.

C’est dans cette salle que se trouvait l’arche d’alliance contenant les tables de la Loi et une urne contenant la manne, pour rappeler au Peuple son errance dans le désert.

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Le cadre ainsi fixé, le rédacteur de la lettre consacre tout le chapitre 9 à sa démonstration :

1. Pour lui, Yom Kippour est une cérémonie imparfaite puisqu’elle doit être renouvelée tous les ans. D’autre part, seules les fautes commises envers Dieu pourront être pardonnées par ce rite sacrificiel, mais pour les fautes commises envers d’autres personnes, chaque juif devra en faire soin affaire.

2. Les juifs sont ainsi acteurs de leur pardon : ils achètent le sang qui purifie : Pas de sang, pas de pardon (v.22).

Par ailleurs, vis-à-vis des autres personnes, ce sont les juifs eux-mêmes qui seront à l’initiative de leur propre pardon.

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La mort de Jésus sur la croix est un sacrifice totalement inversé :

3. Ce ne sont plus les hommes qui font une offrande à Dieu, mais c’est Dieu lui-même, Dieu le Fils qui s’offre pour le pardon de nos péchés, comme un créancier qui vous donnerait l’argent nécessaire pour que vous puissiez lui rembourser votre dette, dont l’importance la rend non remboursable. On peut alors comprendre ainsi les paroles de Jésus à Gethsémané : Ma vie nul ne la prend mais c’est moi qui la donne (Jean 10,18).

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4. D’autre part celui qui est sacrifié est le seul qui était sans péché alors que même le Grand Prêtre doit offrir un sacrifice pour ses propres fautes envers Dieu, illustrant cette confession d’Ovide (9) : Je vois le bien et je l'approuve, mais c'est au mal que j'obéis.

Le véritable Grand-Prêtre, le Souverain Sacrificateur, c’est Jésus lui-même et le sang du pardon dont le rédacteur parle plus haut, c’est le sang du fils de Dieu. Dans cette opération, les hommes ne sont plus du tout acteurs, mais de simples héritiers passifs.

C’est en réalité bien cela qui sera difficile à comprendre pour les judéo-chrétiens lecteurs de cette lettre plutôt que ses phrases parfois absconses.

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A propos d’héritiers, ceux-là n’entrent en possession du bien donné qu’après la mort du donateur qui inscrit dans son acte testamentaire (10) le nom de ceux qui seront bénéficiaires de sa libéralité. Ainsi, le nom même de ce livre, le N.T. prend tout son sens. Car dans ce N.T. le nom de chacun de nous est inscrit, et ce N.T. peut-être dorénavant ouvert entre tous les bénéficiaires de cette Nouvelle Alliance scellée par le sang du Christ.

Le pardon inscrit dans ce Testament n’est pas une promesse, c’est une réalité définitivement acquise à tous les héritiers.

On est bien loin de la question du jeune homme riche (11) que dois-je faire pour hériter la vie éternelle ? Comme si l’on pouvait être l’acteur d’un héritage.

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Les marchands du Temple

On est également bien loin de l’explication que l’on donne habituellement à la colère de Jésus contre les marchands du Temple, faisant de Jésus le pourfendeur d’un « business » qui profanerait un lieu sacré.

En réalité ces marchands déclenchèrent la colère de Jésus parce qu’en vendant des pigeons pour les sacrifices, ils prouvaient qu’ils n’avaient toujours pas compris le sens de la mission du Christ, à trois jours de son accomplissement, par son élévation sacrificielle sur le Golgotha, donnant un autre éclairage à son affirmation qui s’abaisse sera élevé.

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Le voile déchiré

Le « rédacteur » va plus loin. Il voit la confirmation de son interprétation, dans les évènements qui suivirent la mort du Christ tels que les décrit Matthieu : dès qu’il eut rendu l’esprit, alors voici que le voile du temple se déchira en deux, du haut en bas.

Cette déchirure du voile traduit le lien entre la nouvelle alliance qui est en train d’advenir et l’ancienne alliance mais c’est pour en siffler la fin, en particulier celle de cette fête de Yom Kippour. Il n’y a plus de seconde salle secrète, le Saint des Saints. Sa fonction est obsolète car dorénavant le Saint des Saints se trouve à la vue de tous, dans le Royaume des Cieux, c’est-à-dire partout, en tout lieu où la présence du Christ rédempteur est sollicitée par ceux qui reconnaissent sa souveraineté.

Et chaque fois que nous partageons le pain et le vin lors de la Sainte Cène, nous faisons mémoire de ce sang libérateur de toutes nos fautes tant à l’égard de Dieu qu’à l’égard de toute personne.

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La résurrection

Certains biblistes reprochent au « rédacteur » d’en rester à la croix et de ne pas enchaîner avec la résurrection. C’est que celle-ci est implicite, ce que confirme le dernier verset du chapitre : … Christ, qui s'est offert une seule fois pour porter les péchés de plusieurs, apparaîtra (…) une seconde fois à ceux qui l'attendent pour leur salut.

C’est donc bien le Christ ressuscité qui reviendra.

La question qui reste est de savoir si, las d’attendre ce retour, nous n’attendons plus, à moins qu’au contraire nous fassions confiance à l’un des tout derniers versets de ce nouveau testament : Et voici, je viens bientôt. Heureux celui qui garde les paroles de ce livre . L’utilisation du présent de l’indicatif sème un doute : Christ serait-il déjà revenu ? Et serait-il déjà en nous ? C’est donc entre nos mains que se trouverait dorénavant le salut du monde !!

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Alors, au boulot :

Avoir la foi est une action, nous devons la vivre et l’incarner en actes (12) .

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Amen !

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François PUJOL

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1. Certes, certains développements de Paul ne sont pas limpides comme de l’eau de source, mais ce qui est surtout difficile à comprendre pour des judéo-chrétiens, c’est l’universalité de la Grâce.

2. Luther l’attribuait à Apollos (invérifiable), disciple de Jean puis compagnon de Paul.

3. Matthieu 5, 17.Voir méditation sous cette référence sur le site. Il existe d’autres approches de cette affirmation, tout aussi pertinentes. Voir aussi sur le site, Luc 12, 49-53

4. Cette tradition est à l’origine de l’expression « bouc émissaire ». Voir Lévitique (16-21)

5. Cette année, le 6 Septembre.

6. Repentance, expiation, contrition, propres à cette célébration, sont rassemblées dans le mot « propitiation », à la phonétique abrupte, que l’on peut difficilement placer dans la conversation courante. On le retrouve dans l’expression « victime propitiatoire ».

7. Ou "tente de rencontre" (avec Dieu) ou Tabernacle.

8. Il s’agit du second temple, reconstruit en -538 au retour de déportation, le 1er temple (de Salomon) ayant été détruit par Nabuchodonosor en -586. Le second temple sera lui-même détruit par les Romains en 70.

9. Poète latin, contemporain de Jésus

10. Voir versets 15 à 17

11. Voir sur le site, méditation sur Marc 10, 17-31

12. Médiateur, réconciliateur avec le Père.

13. Apocalypse 20, 7.

14. En ce jour-là vous connaîtrez que vous êtes en moi, et que je suis en vous. (Jean 14, 20)

15. Kamala Harris