Prédications Protestantes dans les Alpes du sud 

HISTOIRE ABRÉGÉE DES JUIFS

PENDANT L'INTERVALLE COMPRIS ENTRE

L'ANCIEN ET LE NOUVEAU TESTAMENT

Cette histoire abrégée des juifs, rédigée par Louis Segond, fut insérée entre l’Ancien et le Nouveau Testament dans la version synodale de la Bible, décidée en 1884 par le Synode de Nantes de l’Église Réformée de France et éditée en 1910 par La Société Biblique de France. Cette version est la continuatrice de la Bible d’Ostervald.

A l'époque de Néhémie, vécut le dernier des prophètes, MALACHIE. Il annonça les temps de la nouvelle alliance et la venue de celui qui devait préparer les voies au Seigneur (première moitié du 5° siècle av. J.-C.).

Les Israélites, ordinairement désignés sous le nom de Juifs depuis le retour de la captivité, continuèrent à être soumis aux rois de Perse, longtemps encore après Esdras et Néhémie. Cette période de leur histoire nous est peu connue. Mais il paraît qu'ils étaient plutôt protégés que traités en ennemis : ils jouissaient d'une entière liberté de culte et se gouvernaient avec assez d'indépendance. On exigeait seulement qu'ils payassent quelques tributs et reconnussent la souveraineté des rois de Perse.

II

Les Perses étant en guerre avec les Grecs, ALEXANDRE LE GRAND, roi de Macédoine, défit complètement les armées de Darius, et mit fin au vaste empire persan (331 av. J.-C.). Il marcha victorieux sur Gaza, pour se rendre en Égypte et il allait s'emparer de Jérusalem et de toute la contrée.

A l'approche d'Alexandre, les habitants de Jérusalem, consternés, invoquèrent l’Éternel et offrirent des sacrifices dans le sanctuaire. Puis, le grand-prêtre, revêtu de ses ornements, et accompagné de tous les prêtres, sortit de la ville, pour aller à la rencontre d'Alexandre. Frappé d'un spectacle aussi imposant, le vainqueur de l'Asie s'inclina respectueusement devant le grand-prêtre. Il fit son entrée dans Jérusalem, visita le temple et y offrit un sacrifice suivant les ordonnances mosaïques. Les Juifs obtinrent de lui la faveur d'être exemptés de tout impôt pendant l'année sabbatique, et la liberté de vivre d'après leurs lois et coutumes.

C'est ainsi que les Juifs, soumis aux Perses depuis plus de deux siècles, passèrent, sans secousse violente, sous la domination macédonienne.

Après avoir laissé la Syrie et la Palestine aux soins d'un gouverneur, Alexandre fit la conquête de l’Égypte, et y fonda la ville d'Alexandrie, où s'établirent dès lors un grand nombre de Juifs. Il promena ses armes triomphantes par toute l'Asie, Jusque dans les Indes, et il mourut en l'an -323.

III

Après la mort d'Alexandre le Grand, ses généraux, établis comme gouverneurs dans les différentes portions de l'empire, ne tardèrent pas à se constituer indépendants et à se combattre les uns les autres.

Par suite, la Palestine, gouvernée d'abord par Laomédon de Mytilène, tomba, l'an -320, au pouvoir de Ptolémée, fils de Lagus, qui régnait en Egypte. Dès ce moment, et pendant plus de 150 ans, elle fut soumise tantôt aux rois d'Egypte, tantôt aux rois de Syrie. Les Juifs eurent ainsi à souffrir des divisions et des guerres de leurs puissants voisins. Toutefois, il y eut pour eux de longs intervalles de paix ; et leurs maîtres, loin de leur faire sentir le joug, les traitaient avec faveur ; en particulier, quelques-uns des Ptolémées et Antiochus le Grand leur accordèrent divers privilèges. Ce fut seulement à dater de l'an -169, qu'Antiochus Epiphane, roi de Syrie, les persécuta d'une manière cruelle.

Pendant cette période, une quantité considérable de Juifs s'établirent en Syrie, en Egypte, en Médie, et dans toutes les contrées de l'Asie conquises par Alexandre, où la langue grecque s'était répandue.

ANTIOCHUS EPIPHANE était monté sur le trône de Syrie l'an 175. Pendant six années, il ne commit aucun acte de nature à inquiéter les Juifs, placés alors sous sa domination.

Tout à coup, au sein même de Jérusalem, deux frères, Jason et Ménélaüs, se disputent à mains armées la dignité de grand-prêtre. A cette nouvelle, Antiochus s'imagine que les Juifs veulent se révolter contre sa propre autorité. Il part à la tête d'une armée, entre dans Jérusalem, massacre un grand nombre d'habitants et en fait vendre d'autres comme esclaves. Puis, il pénètre dans le sanctuaire, d'où il enlève les vases d'or et d'argent, avec les trésors qui s'y trouvent (l'an -169).

Deux années plus tard, Antiochus, arrêté au milieu d'une expédition militaire contre l'Egypte par des ambassadeurs romains qui lui ordonnent de rebrousser chemin, tourna sa fureur contre les Juifs, et fit partir pour Jérusalem son général Apollonius avec un corps de 22 000 hommes. Apollonius feignit des intentions pacifiques mais, lorsqu'il fut dans la ville, il saisit le premier jour de sabbat pour lancer ses soldats sur le peuple, avec ordre d'égorger tous ceux qu'ils rencontreraient. Les maisons furent livrées au feu et au pillage, les femmes et les enfants furent réduits à la servitude, et des flots de sang coulèrent dans Jérusalem. Le reste des habitants prit la fuite, et la désolation régna dans la ville sainte.

Antiochus ne parut point encore satisfait : il expédia des ordres de la dernière rigueur. Les superstitions du paganisme furent imposées à tous ses sujets sans distinction, et les Juifs durent cesser leurs sabbats, leurs holocaustes et leurs fêtes. Une statue de Jupiter Olympien fut érigée dans le temple de Jérusalem, et un prêtre grec y fut envoyé pour offrir des sacrifices aux idoles. Les livres de la Loi furent détruits ; et la peine de mort fut prononcée contre quiconque en posséderait une copie, se livrerait aux pratiques de la religion mosaïque, ou refuserait de prendre part aux cérémonies païennes.

Ainsi, le culte de l'Eternel demeura interrompu... Beaucoup de Juifs abandonnèrent alors le vrai Dieu. Ceux qui restèrent fidèles furent contraints à se réfugier dans les cavernes et les déserts, ou exposés à souffrir la mort comme martyrs.

IV

Au plus fort des cruautés d'Antiochus, le prêtre Mattathias et ses cinq fils, Jean, Simon, Juda, Eléazar et Jonathan, résolurent de demeurer fidèles à leur Dieu et de résister ouvertement aux ordres impies de ce roi sanguinaire. Ils donnèrent ainsi le signal d'une guerre qui eut pour résultat l'affranchissement complet de la nation juive, après vingt-cinq ans de luttes. — Les membres de cette famille, qui combattit avec tant d'héroïsme pour la délivrance du peuple, furent appelés Asmonéens, du nom d'un des ancêtres de Mattathias, et plus tard Macchabées, d'un surnom que portait Juda, le plus vaillant de ses fils.

MATTATHIAS avait quitté Jérusalem, pour s'établir à Modin, bourg situé sur une montagne, dans les environs de la ville de Lydde. Or, des envoyés du roi Antiochus vinrent à Modin, dans le but de forcer les Juifs qui y demeuraient à sacrifier aux idoles. Mattathias leur dit : Quand toutes les nations dépendantes du roi renonceraient à leur religion pour obéir à ses ordres, moi, mes fils et mes frères, nous serons fidèles à l'alliance de nos pères ; à Dieu ne plaise que nous abandonnions jamais la loi de l'Eternel et ses commandements ! A peine a-t-il prononcé ces mots, qu'il voit un Juif s'avancer vers l'autel pour sacrifier aux faux dieux. Il se précipite sur lui, le tue, et renverse l'autel. Puis il appelle à lui tous ceux qui ont encore du zèle pour la religion de leurs pères, et il s'enfuit avec ses fils dans les montagnes de Juda, où les plus pieux d'entre ses compatriotes ne tardèrent pas à les rejoindre. Mattathias se trouva bientôt à la tête d'une petite armée, avec laquelle il parcourut le pays et détruisit les autels. Mais, au bout de peu de mois, cet intrépide vieillard sentit sa fin approcher ; il adressa ses dernières exhortations à ses fils et remit le commandement de sa troupe à Juda Macchabée (l'an -166).

JUDA MACCHABÉE fit des prodiges de valeur. Il battit successivement plusieurs armées syriennes et se rendit maître de Jérusalem, à l'exception de la citadelle, qui resta occupée par une garnison d'Antiochus. Il purifia le temple, choisit des prêtres sans reproches et fit -démolir l'autel qui avait servi au culte des faux dieux (l'an -164). Antiochus ayant appris la défaite de ses troupes et les succès de Juda, tomba malade et mourut après d'horribles souffrances et de cuisants remords. La lutte avec les armées syriennes continua sous ses successeurs. Juda Macchabée périt glorieusement dans un combat, où il fut écrasé par le nombre (l'an -161).

Son frère JONATHAN, qui le remplaça, se montra digne de lui par sa bravoure et son patriotisme. Tantôt au milieu des camps, il animait de son exemple les défenseurs d'Israël ; tantôt à Jérusalem, il déployait son activité pour la reconstruction de la ville et des remparts. Jonathan reçut encore la dignité de grand-prêtre (l'an 153), et il hâta l'indépendance du peuple, jusqu'au moment de son assassinat par un nommé Tryphon, prétendant à la couronne de Syrie (l'an -143).

Des cinq fils de Mattathias, il ne restait plus que SIMON : Eléazar et Jean étaient morts précédemment, les armes à la main. Simon, déjà célèbre par ses exploits militaires, prit le commandement suprême, et vint à bout d'assurer la pleine liberté et indépendance de ses compatriotes. Le roi de Syrie, Démétrius, le reconnut grand-prêtre et chef de la nation juive, lui abandonna toutes les forteresses de la Judée et n'exigea de sa part aucun tribut ni impôt. C'était l'année 142 avant Jésus-Christ. Dès cette époque, le peuple d'Israël commença une nouvelle ère, et inscrivit en tête de ses registres et de ses actes publics :

La première année de Simon, grand-prêtre, chef du peuple, et général des Juifs.

V

Simon répara les forteresses du pays et étendit les limites de ses Etats, par la conquête du port de Joppé et de quelques autres lieux. La garnison syrienne, qui se trouvait encore dans la citadelle de Jérusalem, demanda à capituler ; et la citadelle fut rasée. A diverses reprises, une alliance avait été faite avec les Romains ; cette alliance fut solennellement renouvelée. Enfin, l'an 140, le peuple décerna à Simon le titre de prince, outre la dignité de grand-prêtre. Sous son gouvernement, les Juifs jouirent de la paix et du bonheur ; on les vit cultiver tranquillement leurs terres, et, comme dans les plus beaux jours d'Israël, chacun se reposait à l'ombre de sa vigne et de son figuier ; la justice était observée envers tous et le culte de l’Éternel rétabli dans toute sa gloire. Soudain un événement douloureux répandit la consternation dans le pays : Simon fut lâchement assassiné par son gendre Ptolémée, pendant une visite qu'il lui fit à Jéricho (l'an -134) ; sa femme et deux de ses enfants, qui l'avaient accompagné, subirent le même sort.

JEAN HYRCAN, l'un des fils de Simon Macchabée, succéda à son père, en qualité de prince des Juifs et grand-prêtre. Il réussit à soumettre les Samaritains et à détruire leur temple de Garizim. Il fit aussi la conquête de l'Idumée, qui devint une province juive, et dont les habitants embrassèrent la religion de Moïse. Jean Hyrcan était un homme juste et vertueux ; il sut se faire aimer du peuple, et mourut après avoir exercé le pouvoir pendant trente années, jusqu'à l'an -105 avant Jésus-Christ.

L'héritier du trône de Jean Hyrcan fut d'abord son fils ARISTOBULE, qui changea son titre de prince en celui de roi et qui termina bientôt son existence dans de sombres angoisses. Il avait été le meurtrier de sa mère et de l'un de ses frères. Son règne ne dura qu'un an. — Après lui, ALEXANDRE JANNÉE, autre fils de Jean Hyrcan, fut roi des Juifs pendant vingt-sept ans. C'était un prince guerrier et cruel ; il fit de nombreuses expéditions contre les peuples voisins et il eut à lutter contre la guerre civile en Judée. Il succomba, âgé de quarante-neuf ans, à une maladie, suite de l'intempérance à laquelle il se livra sur la fin de sa vie (l'an -79).

La veuve d'Alexandre Jannée, ALEXANDRA, occupa le trône, à la mort de son mari. Elle avait deux fils, dont l'aîné, HYRCAN, fut nommé grand-prêtre, et le cadet, ARISTOBULE, commandant des troupes. Le premier était d'une nature faible et indolente, et le second d'un esprit entreprenant et ambitieux. Quand leur mère eut cessé de vivre, les deux frères se disputèrent la couronne; Hyrcan était soutenu par un nommé Antipater, Iduméen de naissance ; mais Aristobule, plus belliqueux, s'empara violemment du pouvoir.

En ce temps-là, POMPÉE, général romain, conduisit une armée contre le roi d'Arménie. A son passage à Damas, il fut pris par Hyrcan et Aristobule pour arbitre de leurs querelles. Aristobule, mécontent de la manière dont il fut accueilli, fit mine de résistance. Alors Pompée le somma de lui livrer toutes les forteresses de la Judée, et marcha sur Jérusalem, qui soutint un siège de quelques mois, et finit par succomber, au milieu du carnage d'une multitude de Juifs (l'an -63). Pompée pénétra, avec sa suite, dans le sanctuaire. Cependant, il ne toucha à aucun des ustensiles sacrés, ni au trésor du temple, et il ordonna de continuer les sacrifices. Il fit démolir les murailles de Jérusalem, laissa Hyrcan en possession du souverain sacerdoce, lui donna le titre d'ethnarque ou chef du peuple, et rendit les Juifs tributaires des Romains.

Ainsi l'ère de complète indépendance de la nation juive, sous les Macchabées, ne dura pas plus de quatre-vingts ans.

VI

Le faible Hyrcan continua à gouverner la Judée, aux conditions imposées par les Romains. Mais au fond, c'était son favori, l'Iduméen Antipater, qui était le véritable maître, par son influence et par son talent à intriguer. Le contrecoup des guerres civiles des Romains, et les tentatives du frère et des neveux d'Hyrcan pour usurper le pouvoir à Jérusalem, mirent le pays en état continuel d'agitation, et amenèrent une invasion des Parthes, qui traînèrent en captivité le malheureux Hyrcan (l'an -39).

Aussitôt HÉRODE, fils d'Antipater, se rendit à Rome, pour exposer les événements de Judée au triumvir Antoine, dont il était le protégé. Le sénat romain nomma Hérode roi de Judée, et le fit couronner au Capitole. Toutefois, comme Jérusalem était restée, depuis le départ des Parthes, en la possession d'Antigonus, neveu d'Hyrcan, Hérode dut en entreprendre le siège, avec le secours des Romains. Ce fut seulement deux ans plus tard qu'il put s'en emparer ; et Antoine fit décapiter Antigonus, le dernier des princes macchabéens. — C'est donc de l'an 37 avant Jésus-Christ que date le règne effectif d'Hérode, qui fut surnommé le Grand.

Ce monarque fut un tyran. Il fit couler le sang d'une foule de victimes, au nombre desquelles il faut compter les plus proches membres de sa famille. Pour gagner la faveur des Juifs, à qui il n'inspirait que de l'effroi par ses cruautés, il fit construire à Jérusalem un temple magnifique, en remplacement de celui qu'on avait élevé au retour de la captivité de Babylone. Puis, se souillant encore par une multitude de crimes, il termina sa vie, en proie à des maux atroces et poursuivi par les terreurs de sa conscience.

Peu de temps avant la mort d'Hérode, naquit à Bethléem, selon la prédiction des prophètes, JÉSUS-CHRIST NOTRE SEIGNEUR, le seul nom qui ait été donné aux hommes par lequel ils puissent être sauvés.

LOUIS SEGOND