Prédications Protestantes dans les Alpes du sud 

Dimanche 11 Mai 2014

Culte à Trescléoux (05700)

Lectures du Jour:

Jean 10, 1-10

Actes 2, 14 & 36-41

1 Pierre 2, 20-25

Les 7 « Je Suis » de Jésus

Je voudrais vous parler, pour notre méditation, de ce que ‘l’on appelle « les 7 Je suis de Jésus » de l’Evangile de Jean[1], dont cette parabole du « bon berger » comporte l’un d’entre eux, le 3° Je suis : « Je suis la porte. Si quelqu'un entre par moi, il sera sauvé; il entrera et sortira, et il trouvera sa nourriture." (Jean 10:9)

Si je m’attarde sur ce verset aujourd’hui, c’est que, récemment, nous avions à méditer sur la parabole des 10 jeunes filles, et je me suis trouvé face à ces versets : (Matt.25/10)

« Pendant qu'elles allaient en acheter (de l’huile), l'époux arriva; celles qui étaient prêtes entrèrent avec lui dans la salle des noces, et la porte fut fermée. Plus tard, les autres vierges vinrent, et dirent: Seigneur, Seigneur, ouvre-nous. Mais il répondit : Je vous le dis en vérité, je ne vous connais pas. »

Et puis il y a ce 3° Je suis.

Quand dans le NT on parle de l’époux, on pense à l’épouse, et quand on pense à l’épouse vient l’image de l’Eglise, l’épouse du Christ, donc l’époux de la parabole serait le Christ Cqfd. Mais le Christ qui dit je suis la porte, peut-il être celui qui ferme la porte ?

Et là je suis entré dans un cheminement que je voudrais vous faire partager :

-Quelle est la fonction principale d’une porte ?

- Que vous a-t-on dit des centaines de fois dans votre enfance ?[2].

Eh oui, la fonction d’une porte est d’être fermée. Mais quand on dit cela, on pense à la partie battante de la porte.

Mais une porte se réduit-elle à son battant ? Il y a aussi l’encadrement, linteau et tableau, ce qui est le propre des portes d’entrée des villes : la porte d’Aix à Marseille, la porte Saunerie à Manosque. Et ces portes-là vous laissent entrer et sortir, comme dans le 3° Je suis.

Et alors m’est revenu en mémoire un film de Luis Buñuel[3], l’ange exterminateur. Je vous fais la version courte : Une réception mondaine dans un hôtel particulier. La soirée se passe bien, on boit, on bavarde. Lorsque les premiers invités veulent partir, ils n’arrivent pas à sortir, or, curieusement la porte n’a plus de battant. Les secours dépêchés sur place ne peuvent, eux, pas plus entrer dans la maison.

Angoisse, scènes d’hystérie, au fil de la nuit, les traits de caractère les plus sordides des invités apparaissent.

Puis, quand le jour se lève, un enfant, innocemment, passe devant la porte et la traverse. Alors tout le monde le suit, chacun reprend son rôle et s’en va.

En juxtaposant tout cela, j’en ai tiré quelques pistes :

La fonction d’un battant de porte est effectivement d’être fermé et de créer ainsi deux espaces totalement séparés, le dedans (au chaud et à la lumière) et le dehors (au froid et à l’obscurité). Pour celui qui est dedans, le dehors est invisible, inconnu, peut-être source d’inquiétude. Franchir cette porte devient motif d’angoisse, de peur, pouvant faire reculer, renoncer à « franchir le pas ». Pensez au titre de ce thriller « Quelqu’un derrière la porte ».

Si on enlève le battant, il n’y a plus que l’encadrement, le dedans et le dehors deviennent un espace continu, on voit de l’autre côté, on peut passer en permanence de l’un à l’autre, plus d’angoisse, plus de crainte, mais pour aller de l’un à l’autre il faut obligatoirement passer par cet encadrement de porte et éventuellement s’incliner à son passage.

Il en est ainsi avec Jésus. A travers Lui (au sens propre), nous pouvons passer de l’un à l’autre, du dedans au dehors, du visible à l’invisible, sans rupture, sans angoisse, il n’y a plus d’en dedans et d’au-delà.

Et finalement, à force de passer de l’un à l’autre nous ne pouvons plus dire auquel des deux nous appartenons, ou plutôt, nous appartenons aux deux à la fois.

Et là il faut ouvrir une parenthèse :

* les premiers chrétiens étaient obsédés par 2 questions :

- Quand Jésus va-t-il revenir ? Demandaient-ils à Paul avec impatience,

- Que nous arrivera-t-il si nous mourons avant qu’il revienne ? Demandaient-ils à Paul avec angoisse,[4]

Ils étaient obsédés par ces questions, n’ayant que les lettres de Paul (ou des fragments) comme référence, « Vous annoncez la mort du Seigneur, jusqu'à ce qu'il vienne. » 1Cor. 11:26. Faisant, du coup, une confusion entre « qu’il vienne » et « qu’il revienne ».

Le Credo, fixé 3 siècles plus tard reflète ces préoccupations[5].

* Puis la Réforme, se fondant en particulier sur l’Évangile de Jean (6/47) : « En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui croit en moi, a la vie éternelle. » et sur ce présent de l’indicatif, elle a développé le concept de « l’ici et maintenant », reléguant un peu au second plan cette question de notre résurrection et au 3° plan celle du retour du Christ lors des fins dernières, au moins dans nos méditations dominicales.

Revenons sur les 7 je suis.

Certaines versions disent « c’est moi le… ». Or dire c’est moi le ou dire je suis ce n’est pas du tout la même chose.

En disant je suis 7 fois, Jésus se relie directement à Exode 3/14 et au dialogue entre Moïse et Dieu « s'ils me demandent quel est ton nom, que leur répondrai-je? Dieu dit à Moïse: Je suis celui qui suis. Et il ajouta: C'est ainsi que tu répondras aux enfants d'Israël : Celui qui s'appelle "je suis" m'a envoyé vers vous. »

Jésus rappelle ainsi sa filiation divine, donc son éternité. (Voir le Prologue de Jean (Jean 1/1-18), ou l’hymne aux Philippiens (Phil.2/6-11),

L’éternité et l’infini, les deux unités de mesure divines, totalement inaccessibles à notre finitude[6]. Dieu, l’éternel, qui n’a ni commencent ni fin, est hors du temps, il n’existe pas, il EST. L’homme a volé à Dieu la connaissance[7], mais Dieu a inventé le temps pour nous rappeler à cette réalité, nos vies sont bornées par un début et une fin.

Quand Jésus dit aux 3°, 5° et 6° je suis, « Si quelqu'un entre par moi, il sera sauvé; il entrera et sortira / Celui qui croit en moi vivra, quand bien même il serait mort / On ne vient au Père qu'en passant par moi », il place la balle dans notre camp. Jésus est-il vraiment présent en nous ?, Si c’est le cas, alors il donne à notre vie terrestre la dimension de l’Eternité, c’est cela qui nous permet de rejoindre le Père, de l’autre côté de la porte, dès à présent. Et du coup nous échappons à la dictature du temps, nous aussi nous pouvons dire je suis. Non pas un je suis, affirmation de soi, mais un je suis, affirmation de notre courage d’être, notre volonté de vivre[8], confiants en Sa promesse :

En Jean 14, Jésus nous dit : Je ne vous laisserai pas orphelins, je viens à vous. Encore un peu de temps, et le monde ne me verra plus; mais vous, vous me verrez, car je vis, et vous vivrez aussi.

Cela n’est pas sans conséquences pour nous aujourd'hui. Car si les minutes qui s’égrènent ne sont plus des unités décomptées d’un capital temps dont nous ne connaissons pas le montant initial, mais si ces minutes sont vues comme des parcelles d’éternité alors, le temps ne compte plus, il n’y a plus d’urgence, nous avons simplement à ÊTRE et à faire ce que nous devons faire, en nous rappelant humblement que de toutes façons, quoi que nous fassions nous ne serons jamais autre chose que des serviteurs quelconques (Luc 17, 10).

Retenons donc pour aujourd’hui que Christ étant vivant en nous, nous sommes déjà dans sa résurrection et la porte de l’Éternité nous est déjà ouverte.

Dès lors la question de savoir si croire en la vie éternelle ici et maintenant est compatible avec un retour du Christ sans cesse différé et avec la résurrection de notre chair, devient seconde, même si elle n’est pas secondaire.

La mort n’est plus qu’un passage. Nous sommes dans un continuum visible/invisible, terrestre/universel, temporel/éternel. La Grâce, c’est aussi cela.

En conclusion, un au-delà, hypothétique et mystérieux, n’existe pas, puisqu’il est déjà là.

Une conclusion à laquelle, je pense, vous étiez arrivés bien avant moi.

Amen !

François PUJOL

[1] Que, bien sûr, vous connaissez, même si ce n’est pas dans l’ordre (petit autotest à effectuer, solution en fin de méditation)

[2] « Ferme la porte ! »

[3] Cinéaste surréaliste espagnol, ami de Dali, réfugié au Mexique après la victoire de Franco. Antireligieux néanmoins très préoccupé de questions spirituelles avec de fortes connotations sociales, à travers des films comme Terre sans pain (1933), Los Olvidados (1952), Nazarin (1961), Viridiana (1962), Simon du désert (1965).

[4] Au point qu’ils inventèrent le « réfrigerum » devenu plus tard le purgatoire.

[5] « Il viendra de là pour juger les vivants et les morts », « je crois en la résurrection de la chair »

[6] Le Big Bang, survenu il y a 4,5 milliard d’années nous donne-t-il une idée de l’éternité ? Pas sûr. La comète « Tchouri » située à 500 millions de Kms, atteinte par la sonde Rosetta, au bout de 10 ans, nous donne-t-«elle une idée de l’infini ? Même pas !

[7] Depuis, engagé dans une compétition permanente avec Dieu pour savoir qui sera le plus fort, l’homme croit avoir apprivoisé l’éternité et l’infini en les confondant dans une unité de mesure ad ’hoc : l’année-lumière. Pure illusion.

[8] C’est la définition que Paul Tillich (1886-1965) donne de la foi.

Les 7 "Je suis" de Jésus

1.           "Je suis le Pain"

Jésus leur dit: "Je suis le pain de la vie. Celui qui vient à moi n'aura jamais faim et celui qui croit en moi n'aura jamais soif." (Jean 6:35)

2.           "Je suis la lumière"

Jésus leur parla de nouveau. Il dit: "Je suis la lumière du monde. Celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais il aura au contraire la lumière de la vie." (Jean 8:12)

3.           " Je suis la porte":

"Je suis la porte. Si quelqu'un entre par moi, il sera sauvé; il entrera et sortira, et il trouvera de quoi se nourrir." (Jean 10:9)

4.           "Je suis le bon berger" :

" Je suis le bon berger. Le bon berger donne sa vie pour ses brebis." (Jean 10:11)

5.           "Je suis la résurrection et la vie ":

Jésus lui dit: "Je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi vivra, même s'il meurt." (Jean 11:25 )

6.           "Le chemin, la vérité, la vie" :

Jésus lui dit: "Je suis le chemin, la vérité et la vie. On ne vient au Père qu'en passant par moi." (Jean 14:6)

7.           " Je suis le vrai cep" :

"Je suis le vrai cep, et mon Père est le vigneron." (Jean 15:1 )