Prédications Protestantes dans les Alpes du sud 

DIMANCHE 11 mai 2014

Culte à Trescléoux (05)

Lectures du Jour :

JEAN 10, 1-10

Actes 2, 14 & 36-41

1 Pierre 2, 20-25

« Le troupeau de Jésus »

C’est une histoire de berger et de troupeau, qui est utilisée dans ce récit de l’Evangile pour illustrer la figure du Christ. Le troupeau, vous le savez, c’est, comme dans bien d’autres passages de la Bible, le peuple d’Israël ; le berger, c’est celui qui a la responsabilité et l’autorité de le conduire.

Cette image est reprise tout au long de l’histoire biblique pour définir celui qui doit guider le troupeau, guider le peuple d’Israël. Moïse en est le plus bel exemple mais il en sera de même pour les différents rois qui gouverneront par la suite le peuple d’Israël. Leur royauté n’est pas fondée sur un choix politique mais est conséquence d’un choix délibéré de Dieu, matérialisé, notamment, à travers les siècles et jusqu’à nos jours par le geste de l’onction.

Jésus, derrière l’image du pâtre des collines de Judée menant son troupeau de brebis, est donc présent dans ce récit de l’Evangile de Jean, comme un roi d’Israël et de Juda, choisi par Dieu, avec toute l’autorité sur le peuple d’Israël qui en résulte.

Les disciples connaissent l’histoire et comprennent que Jésus, en racontant cette parabole, se place lui-même dans la position du berger, roi d’Israël, avec autorité sur tout son peuple. Mais que Jésus se présente ainsi, qu’il prétende à cette position, est incompréhensible pour les disciples.

Ceux-ci avaient en effet appris à le suivre, non comme on suit un guide parce que c’est le chef qui a l’autorité, mais comme on suit un maître, un « rabbi » qui vous convainc par la justesse de son enseignement. Un maître dont le message était, de fait, assez fort et singulier pour qu’il les séduise et qu’ils se mettent en route avec lui.

Ils lui avaient reconnu cette légitimité et cette autorité morale qui le rendaient unique au point qu’ils avaient accepté de revendiquer en son nom une certaine autonomie à l’égard de l’enseignement de la tradition. Ils avaient risqué le conflit ouvert avec les autorités en place et les tenants de la religion officielle. Ils avaient encouru l’exclusion de la synagogue et envisagé de créer des communautés en dehors du réseau juif traditionnel...Jésus, plus qu’un maître, finalement, leur apparaissait même comme un véritable prophète, comme un porte parole d’une voix venant de Dieu.

Et voici que maintenant il se présente devant eux non seulement comme un berger, mais un berger choisi par Dieu comme roi d’Israël. Et nous ne sommes donc pas étonnés de lire ce verset, à la fin de la première partie de ce texte : « Jésus leur dit cette parabole (du berger) mais ils ne comprirent pas la portée de ce qu’il leur disait. »

Ils ne comprirent pas, en effet, que ce berger était plus qu’un maître, plus qu’un prophète, mais véritablement l’envoyé du Seigneur. Et plus que cela encore, que son métier, en tant que berger, roi d’Israël, n’était pas seulement de ramener au bercail les brebis perdues et de faire rentrer dans le rang l’animal récalcitrant ou qui s’éloigne. Son métier était essentiellement de « faire sortir » les brebis de la bergerie et de les mener au loin ! « Il les appelle chacune par son nom, et il les emmène dehors ; lorsqu’il les a toutes fait sortir, il marche à leur tête, et elles le suivent parce qu’elles connaissent sa voix... »

Il les conduit non comme un troupeau anonyme, mais comme une assemblée dont il connaît chaque membre, et les brebis, pour leur part, connaissent sa voix. Cette connaissance réciproque, cette reconnaissance mutuelle illustre le lien de confiance et d’amour qui unit chacune des brebis à son maître.

Et il ne se contente pas du troupeau initial, celui d’Israël. Le berger « a encore d’autres brebis qui ne sont pas de cet enclos ; ceux là aussi, il faut qu’il les mène ; ils entendront sa voix et ils deviendront un seul troupeau »

Ce troupeau il faut le voir comme l’image de l’Eglise : l’Eglise est en mouvement, elle avance, elle marche, elle évolue. Elle est fondée sur une confiance, sur un amour et sur une communion plus que sur un ordre établi ou sur une hiérarchie immobile : chacun de ses membres est situé, en effet, à égale distance du berger qui connaît chaque nom, et chacun avance avec lui sur les chemins du monde.

Et puis Jésus reprend la parole puisque ses disciples n’ont pas tout compris. Et il complète l’explication de sa mission.

Il a fait référence à son lien direct avec Dieu, qui donne au berger une autorité légitime, et au mode de conduite de son troupeau, fondée sur la reconnaissance et la confiance mutuelles. Il se définit maintenant lui-même comme la porte des brebis. « Je suis la porte des brebis, si quelqu’un entre par moi, il sera sauvé, il ira et viendra et trouvera de quoi se nourrir. Je suis venu pour que les hommes aient la vie et qu’ils l’aient en abondance. »

Que veut-il dire par là ? Il faut bien comprendre, dans ce dernier verset, qu’une porte n’est pas un vantail qu’on ouvre ou qu’on referme, mais un lieu de passage, ouvert à tous ; une « porte d’entrée » vers un lieu où trouver la réponse à nos quêtes et à nos recherches sur le mystère du salut. « Si quelqu’un entre par moi, il sera sauvé » dit Jésus. Et ce salut est ainsi expliqué : « Il ira et viendra », autrement dit il sera enfin et véritablement libre.

Et il aura la vie « en abondance ».

Autrement dit il sera rassasié, conforté, assuré de ne jamais manquer de rien, pour ce qui est de la compréhension du sens de l’existence, malgré les obstacles et les épreuves, ainsi que le proclame avec une entière confiance le psalmiste au psaume 23: « L’Eternel est mon berger, je ne manquerai de rien... » .


C’est là une offre proposée à quiconque veut la recevoir, l’offre gratuite d’une vie à vivre dans la confiance et l’amour, l’offre que propose d’expérimenter celui qui se définit comme berger, un berger dont on aura saisi qu’il est le Christ. Un berger qui prend soin des siens, qui les connaît chacun par son nom et qui les nourrit d’une vie en abondance. Un berger qui n’enferme pas, ne contraint pas, mais qui mène au dehors, dans le monde, et qui laisse aller et venir quiconque dans un esprit de liberté et de fraternité. Un esprit qui caractérise sans aucun doute la première communauté fondée par l’apôtre Jean en Grèce, hors d’Israël.

L’affirmation selon laquelle Jésus est le berger, en plus de dire qui il est, et de quelle autorité il est porteur, nous amène à dire, en conséquence, qui nous sommes, avec lui, et surtout qui nous voulons être, avec les autres : une communauté, fondée sur la reconnaissance et l’amour mutuels, une Eglise ouverte sur le monde, en mouvement, et porteuse d’un message de liberté donnant sens à nos vies.

N’y a-t-il pas là, pour chacune et chacun de nous, une belle vocation à vivre, une aventure, une mission ?

Amen !

Jean Jacques Veillet