Prédications Protestantes dans les Alpes du sud 

DIMANCHE 15 Août 2010

Culte à Orpierre (05700)

Lectures du jour :

Jean 13, 31-35

1 Cor 13, 1-13

Aimez… Aimez donc !!!

Aimer ... quoi de plus facile, de plus simple, de plus naturel !! Si l'on croit ça, c'est peut-être bien le diable qui nous donne cette idée!!!! Aimer, quoi de plus difficile, de plus compliqué, et de pas naturel du tout.

Réfléchissons : quelle est la dernière parole d'amour que j'ai dite? Quel est l'acte d'amour que j'ai accompli ?

Avouons, l'amour a quelque chose de cauchemardesque: on court tous après, mais on n'y arrive pas, un peu comme l'enfant au manège qui n'attrape jamais la queue du Mickey ....

On en parle tous, de cet amour; et presque chacun d'entre nous a un terrible besoin ... d'être aimé, bien plus grand souvent que d'aimer.

Ainsi, au moment où Jésus va se séparer de ses disciples, il leur laisse en quelque sorte son testament, un résumé de tout ce qu'il leur a transmis en paroles et en actes. Maintenant, et ça peut nous surprendre, le dernier mot de son héritage, de son «testament», c'est une consigne, plus exactement un « commandement» .

Il en résulte que l’aboutissement de notre adhésion au Christ, et l'image que la foi chrétienne doit présenter au monde, est une éthique, , une manière de se comporter.

Notre texte parle d'abord de « commandement », au pluriel : « si vous gardez MES commandements», puis au singulier « c'est ici MON commandement ». Jésus ne nous laisse qu'UN commandement; pas une liste de commandements; UN SEUL. Ce commandement est de nous aimer les uns les autres.

Alors la question est: l'amour peut-il se commander? !!

En voulant chercher sur internet la définition du mot « commandement», plusieurs propositions m'ont été données pour ma recherche, celles qui sont le plus recherchées justement par les internautes: « commandement de payer; commandements aux fins de saisie; commandement de quitter les lieux; commandement intégré de l'OTAN; commandement des opérations spéciales ... » ... Rien de bien réjouissant !

Enfin, voilà la définition que j’ai eue de mon mot « commandement»:« ordre donné; pouvoir exercé sur quelque chose; précepte; loi; terme de guerre» ... guère mieux !!

On a donc l'impression que commandement et aimer sont antinomiques. Pourquoi Jésus utilise-t-il ce mot? Sans doute pour nous faire comprendre que toute la Loi est désormais dépassée par son ministère, sa personne, et son message de réconciliation avec Dieu. Du coup les commandements négatifs, les interdits du Décalogue traversent une sorte de mue pour prendre la forme d'un commandement positif, et unique, d'aimer. Comme le dit Jésus en Jean 13, 34, ce commandement est «nouveau» et le mot lui-même prend un nouveau sens. Voilà qui me semble important, essentiel : Quand on parle d'amour, le plus souvent, c'est pour parler d'un sentiment. Là, je crois que l'amour dont il s'agit n'est pas un sentiment que l'on éprouve ou non, mais une attitude que l'on choisit, un acte de liberté. Ca ne veut pas dire que Jésus nous commande à vivre des actes froids et calculés. On ne peut se forcer à avoir des sentiments; et ce n'est pas ce que Jésus nous demande; mais on peut agir par amour, amour de l'humanité, amour de Dieu qui a fait l'homme à son image.

Si Jésus parle de commandement, il ne demande donc pas aux chrétiens d'aimer tout le monde comme on aime son conjoint et ses enfants !!

L'amour commandé, c'est alors tout un programme de vie par rapport aux autres, à ceux qui nous entourent, famille, amis, relations de travail, gens croisés dans la rue ...

L'amour n'est donc pas qu'un sentiment, c'est une attitude de son être entier, et je crois que ça devrait être le moteur de notre vie. Le sentiment seul, si bon soit-il, est éphémère; le sentiment seul est comme une impulsion, un autre sentiment un autre coup de cœur viendra le remplacer.

Alors si Jésus nous « commande » d'aimer, c'est que cet amour, c'est l'inverse exactement de notre nature, c'est un combat de chaque instant.

Je crois alors que nous sommes appelés, nous présents, à nous demander: "Où en suis-je avec ma relation aux autres? Où en suis-je par rapport à l'indifférence montante dans notre société vis à vis des autres? Où en suis-je de mes fiertés qui font que je préfère rompre les ponts avec certains plutôt que de faire l'effort d'aller vers l'autre, avec humilité ; et surtout, où en suis-je avec ce commandement à aimer qui doit bousculer mes actes"

Non pas un mea culpa collectif, mais plutôt une manière de recevoir personnellement une autre façon d'envisager sa propre vie, avec l'aide de Dieu qui veut accompagner ces démarches d'amour, de réconciliation.

Avec l'aide de Dieu ... Les conduites selon l'amour sont en quelque sorte un résultat, la part extérieure et visible d'une réalité qui nous habite, la réalité de Dieu. Et si, par l'amour, Dieu demeure en nous, nous demeurons en lui dans la mesure où nous acceptons cet amour qui nous habite. Et en parlant d'habiter, le verbe « demeurer» revient trois fois dans ce passage d'évangile : il s'agit de faire notre demeure dans l'amour dont nous sommes aimés. Demeurer dans l'amour de Dieu ... Je crois que si on se rendait réellement compte de l'amour dont nous sommes personnellement aimés par Dieu, on n'aurait même pas besoin d'être là ce matin pour parler d'amour !!

Alors, ce qui nous est demandé, c'est de nous rendre un peu compte de cet amour immense, pour ne pas sortir de cet amour, parce qu'en dehors de cet amour, il n'y a que du néant, du froid.

Notre amour à nous est toujours second: il est réponse, car Dieu aime le premier. Ainsi, les disciples du Christ sont reconnaissables à l'amour qu'ils portent aux autres. Pas aux "exercices de piété", ni à la finesse, éventuelle, de leur vie spirituelle, ni même à la pratique de subtiles vertus. Le lien d'amour avec les autres se fonde sur un lien d'amour avec Dieu.

Le mot amour est plus qu'ambigu. C'est bien pourquoi le Christ nous demande de nous aimer non pas n'importe comment, mais comme lui-même nous a aimés. Et, pour que nous ne confondions pas cet amour avec quelque sentiment chaleureux, il précise : cet amour consiste à donner sa vie pour ceux que l'on aime. Ca ne veut pas dire que nous avons à chercher le martyr !

Aimer quelqu'un comme le Christ nous aime va souvent consister à l'aider à se libérer de nous. Mort à soi-même, et parfois souffrance à traverser, mais dans la foi, une foi qui engendre la joie. Et cette joie, Jésus la souligne dans ses paroles.

Vous savez, je pense à ce texte de Khalil Gibran[1] qui dit aux sujets des enfants:

« Vos enfants ne sont pas vos enfants ; ils viennent à travers vous mais non de vous; bien qu'ils soient avec vous ils ne vous appartiennent pas; vous pouvez leur donner votre amour mais pas votre pensée ; vous pouvez accueillir leur corps mais pas leur âme; vous pouvez vous efforcer d'être comme eux, mais ne tentez pas de les faire comme vous ».

Voilà je crois la force de l'amour à laquelle nous sommes appelés : Dieu nous aime tel que nous sommes ; nous sommes appelés à aimer les autres tels qu'ils sont, à ne pas calquer nos désirs, nos modes de fonctionnement, nos idéaux sur les autres. Nous sommes appelés à nous dessaisir de notre vie comme modèle de fonctionnement pour les autres ; c'est ainsi que l'on pourra aimer, en actes, en paroles, même ceux qui ne nous ressemblent pas.

Alors, peut-être, quelqu'un nous demandera raison de l'espérance qui est en nous. Avec douceur et respect, nous pourrons alors lui parler de l'amour dont nous sommes aimés, cet amour de Dieu qui ne juge pas, qui n'écrase pas, qui ne force pas; qui donne juste joie, paix ... et envie d'aimer à notre tour, avec l'aide de son Esprit.

Amen.

Nathalie Paquereau.


[1] Poète et peintre libanais (1883-1931), émigré avec sa mère aux Etats-Unis (où il décèdera) à l’âge de 12 ans. Petit fils d’un prêtre catholique maronite, ses écrits sont imprégnés d’une forte spiritualité chrétienne.

Son ouvrage le plus connu, « Le Prophète » (1923) est un recueil de sentences et de paraboles qui interpellent le lecteur sur les grandes questions de la vie pratique : le mariage, les enfants, la connaissance de soi, avec l’amour comme fil conducteur.