Prédications Protestantes dans les Alpes du sud
DIMANCHE 26 mai 2013
Culte à Saint Veran (05350)
Lectures du Jour :
Proverbes 8, 22-31
JEAN 16, 1-15 (On peut commencer la lecture à partir de Jean 15, 26)
Romains 5, 1-5 (Voir méditations du 02 Mai 2016 et du 10 Mai 2009)
Le travail irremplaçable de l'Esprit dans les cœurs
J'ai naguère rencontré un prêtre qui m'a raconté une chose étonnante:
Dans un entretien avec une protestante, celle-ci lui aurait affirmé que dans notre église il n'était pas question du Saint-Esprit ! Cela évoquait pour mon interlocuteur ces disciples de Jean-Baptiste que Paul trouve en arrivant à Éphèse et qui lui disent: nous n'avons même pas entendu dire qu'il existe un Esprit saint ! Je veux espérer que c'est là un cas un peu exceptionnel de carence catéchétique, et d'ignorance sur la foi de sa propre église ! Mais je me suis dit que si nos frères pentecôtistes parlent beaucoup du Saint-Esprit et estiment fort ses dons, peut-être que chez nous on en parle trop peu ! Serait-ce parce qu'on n'est pas très au clair sur sa nature et sur son rôle ? Il est sans doute plus facile de fixer notre méditation sur la personne de Jésus que sur celle du Saint-Esprit: on dit qu'il est la "troisième personne de la Trinité", mais il est difficile de discerner précisément sa personnalité!
Dans le passage du discours d'adieu que nous venons de lire, Jésus ne se borne pas à promettre la venue de ce mystérieux Esprit-Saint. Il définit à l'avance sa fonction, ou plutôt les différentes facettes du rôle qu'il jouera en faveur des disciples. Alors que le récit de la Pentecôte souligne les éléments extraordinaires qui ont marqué la première descente de l'Esprit pour fonder l'église, les promesses regroupées par Jean nous révèlent la signification profonde et permanente du don de l'Esprit-saint aux croyants. Il est sûrement plus important de comprendre et de vivre ce que Jésus nous dit là, que de nous inquiéter parce que nous n'aurions pas vu se reproduire dans notre vie les phénomènes étranges de la première Pentecôte...
Je relèverai six points de cet enseignement fondamental de Jésus sur le Saint-Esprit- Les deux premiers se rattachent au titre étrange qu'il lui donne quatre fois dans ce discours d'adieu, et que certaines versions modernes transcrivent sans le traduire: le Paraclet, ce qui est une lâche dérobade.
* L’ancienne version Segond traduisait : le Consolateur. On pourrait aussi dire : celui qui réconforte, ou qui encourage (cf Es 40).
Cela convient au contexte du discours où Jésus annonce aux disciples son départ, ce qui les plonge dans la tristesse et même dans l'angoisse, car il prédit aussi le temps des persécutions, qui sera pour eux occasion de chute ou de scandale. Il leur assure alors qu'il ne les laissera pas orphelins, qu'il sera à nouveau présent par l'Esprit avec eux, mieux, "en eux", pour qu'ils ne perdent pas courage. Si aujourd'hui nous ne sommes pas persécutés comme chrétiens, nous connaissons tous des épreuves, et surtout, il se passe dans notre monde tant d'injustices et d'atrocités que nous avons de quoi être scandalisés, au sens fort de perdre la foi, à tout le moins d'être profondément découragés. Le premier rôle du Saint-Esprit est probablement de faire retentir dans nos cœurs la promesse de Jésus Vous aurez des afflictions dans le monde, mais prenez courage, j'ai vaincu le monde. Ce "Consolateur" nous empêche de baisser les bras, il nous aide à tenir bon dans le témoignage de notre espérance en la venue du règne de Dieu, malgré tout ce qui parait contredire cette promesse.
* Le mot "Paraclet" a aussi un sens plus précis, d'ordre juridique: on peut le traduire par l'Avocat. Cela cadre avec ce que Jésus affirme du rôle de l'Esprit dans les v.8-11: il est comme l'avocat de la défense dans le procès que le monde, que notre propre incrédulité, intente à Jésus. Pour les autorités juives, c'était un blasphémateur qui avait mérité la mort sur la croix. Pour notre raison humaine, aujourd'hui encore, cette croix n'est-elle pas le symbole de la défaite de ce pur, de cet idéaliste, rejeté avec mépris par les puissants qui gouvernent le monde ? Quel sens cela a-t-il de mettre son espoir dans un obscur prophète juif crucifié il y a 2000 ans ? Eh bien, l'Esprit saint vient réfuter l'argumentation fallacieuse de ceux qui condamnent Jésus. En attestant qu'il est ressuscité, l'Esprit démontre que c'est le monde incrédule qui en réalité a manifesté son péché en le mettant au rang des malfaiteurs, que lui était le Juste par excellence, et que par sa mort c'est le Prince de ce monde qui a été démasqué et condamné ! C'est bien cette révision du procès de Jésus que Pierre a proclamée le jour de la Pentecôte et qui a permis la conversion de ses auditeurs. C'est toujours elle que l'Esprit vient instruire dans nos cœurs pour nous faire adhérer à l’Évangile.
* Jésus présente aussi l'Esprit comme un Enseignant. Il a déjà dit, au ch. 14, L'Esprit-Saint vous enseignera toutes choses et vous fera ressouvenir de tout ce que je vous ai dit. Dans notre passage il précise: L'Esprit de vérité vous fera cheminer vers la vérité tout entière. Si Jésus parle ainsi, c'est qu'il est conscient que ses disciples sont encore incapables de saisir tous les paradoxes de son enseignement, en particulier celui de la fécondité de sa mort pour eux. Il fait alors confiance à son suppléant, cet Esprit de vérité qui viendra non seulement stimuler leur souvenir de ses paroles, mais leur en faire de mieux en mieux pénétrer le sens. C'est cet Esprit qui a inspiré l'enseignement des apôtres à l'église (qui a commencé tout de suite après sa fondation). C’est lui qui a inspiré les auteurs du N.T, et c'est lui qui nous éclaire quand nous le lisons, pour nous faire cheminer vers la vérité tout entière, car il est bien vrai que nous n'avons jamais fini de nous approprier et d'approfondir le contenu de cette révélation.
* En rester à ce titre d'enseignant risquerait cependant de nous faire considérer l’Évangile comme un ensemble de vérités à croire, à saisir par l'intelligence, à mémoriser. Or il est bien plus que cela. C'est une vie avec Dieu qu'il nous propose, dans la communion de son Fils qui nous le révèle, et dans l'obéissance concrète à son commandement d'amour. Une telle vie n'est pas dans nos capacités naturelles, mais Jésus promet son Esprit en l'annonçant comme le Communicateur efficace, celui qui puise dans le trésor du Père et du Fils pour nous communiquer cette vie qui répond à leur amour. Paul le dit à sa manière lorsqu'il écrit dans la lettre aux Romains: L'amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l'Esprit Saint qui nous a été donné.
* Ce faisant, l'Esprit est bien, comme l'annonce encore Jésus Celui qui le glorifie. C'est le chantre de la justice, de la vérité, de l'amour, qui éclatent dans la vie, la mort et la résurrection du Sauveur. Il a commencé cette œuvre le jour de Pentecôte, en faisant proclamer par Pierre : Dieu a fait Seigneur et Christ ce Jésus que vous avez crucifié. C'est l'Esprit-Saint qui inspire les artistes qui rendent gloire au Christ dans la littérature, la peinture, la musique. A ma connaissance, il y a peu d'œuvres qui figurent le Saint-Esprit[1], en dehors d'une imagerie sulpicienne sur les langues de feu de la Pentecôte, ou d'icônes qui glorifient la sainte Trinité. C'est que cette personne est la plus discrète des trois ! Tout occupé à glorifier le Fils, ou le Créateur, il n'attire pas l'attention sur lui-même, et son action reste mystérieuse. Comme Jean-Baptiste, il désigne Jésus à notre regard, et s'efface lui-même.
Mais on le repère, comme le vent ou l'électricité, aux effets de son passage: là où la foi nait et grandit, là où la grâce du Seigneur est reçue et célébrée, on peut dire : l'Esprit-Saint est passé par là !
*. Pour finir, retenons la toute première désignation de l'Esprit-Saint dans notre passage, celle de Témoin : il rendra témoignage à mon sujet, dit Jésus. Elle est de toute importance, dans la mesure où c'est la fonction à laquelle nous sommes associés : Vous aussi vous me rendrez témoignage. Si l'Esprit agit en nous pour soutenir notre foi, notre courage, notre espérance, il veut aussi agir par nous, pour que l’Évangile soit annoncé aux hommes de notre temps. Heureusement, nous n'avons pas à être des avocats, à chercher des arguments pour convaincre de la vérité de cet Évangile : c'est le travail irremplaçable de l'Esprit dans les cœurs. Des témoins, oui. L'Esprit doit pouvoir exploiter notre témoignage d'hommes et de femmes qui vivent de cette bonne nouvelle. Après la première Pentecôte, le témoignage rendu à Jésus n'a pas été l'apanage des seuls apôtres. Ce sont souvent d'humbles chrétiens anonymes qui ont été des diffuseurs d’Évangile, gagnant de nouvelles populations à la foi chrétienne. Plus exactement, c'est l'Esprit-Saint qui s'est servi d'eux pour cela.
En ce jour de Pentecôte, il nous est bon de savoir qu'il y a un Saint-Esprit. Il est l’action et la présence mystérieuse du Dieu d'amour qui peut, et veut nous réconforter, affermir dans nos cœurs la certitude que Jésus est le Seigneur. Il veut nous conduire vers la vérité tout entière, nous communiquer la vie du Christ et nous pousser à chanter sa gloire. Et surtout réveiller notre zèle assoupi pour que nous ayons à cœur de témoigner de l’Évangile à nos contemporains qui ont tant besoin de son message d'espérance et de réconciliation. Cet Esprit, le Père et le Fils sont toujours disposés à nous l'envoyer. Mais il faut sans cesse le demander à nouveau.
Amen !
Pr Charles L’Eplattenier
[1] Un vitrail de Taizé le figure en colombe.