Prédications Protestantes dans les Alpes du sud 

DIMANCHE 31 Mars 2013

Culte de Pâques à GAP (05000)

Lectures du Jour :

JEAN 20, 1-9

Actes 10, 34-43

1 Corinthiens 5, 6-8

Eugène Burnand * Pierre et Jean courant au tombeau (1898)

Rien à comprendre !

Christ est ressuscité !!

Nous y voilà, à ce 3° jour, à cet aboutissement final, point d’orgue des 4 évangiles, conclusion grandiose, feu d’artifice où, enfin !, la puissance de Dieu se manifeste par la résurrection de son Fils, et enfin ! Sa Gloire est ainsi manifestée.

Et puis, qu’avons-nous ? 9 petits versets, qui ne nous apprennent rien de bien particulier, une scène classique dans un cimetière : une femme éplorée qui se noie peu à peu dans les larmes de son chagrin, 2 hommes qui voient un sépulcre vide, qui ne comprennent pas ce qui se passe et qui rentrent chez eux. Fin de la scène.

Alors, ce Jean, l’évangéliste rédacteur flamboyant de ce fameux prologue, 14 versets uniques nous faisant découvrir la « Parole faite chair », le « Fils unique de toute éternité », révélateur du Père, ce Jean là aurait-il perdu son souffle, son inspiration ?

Pas si sûr. Au-delà des faits, qui se sont probablement déroulés ainsi qu’il est écrit, et qui semblent corroborés par les synoptiques, à quelques détails près, Jean n’est pas un journaliste, son Évangile n’est pas une chronique historique de faits avérés, dans leurs moindres détails. Ce qui intéresse Jean ce ne sont pas les faits mais leur signification.


Alors, si la première impression qui ressort de notre lecture, c’est qu’il reste, aujourd’hui encore, un doute, renforcé par l’absence de preuves, que ne sauraient contrebalancer les affirmations de ces témoins, pour le moins sujets à caution,

Il faut alors nous rappeler que l’Evangile de Jean est d’abord un ouvrage pédagogique, se présentant comme un jeu de piste parsemé de signes (7 signes), des signes à décrypter pour découvrir ce qu’il contient : une bonne nouvelle, la bonne nouvelle du Salut en Jésus Christ, la Bonne Nouvelle étant Jésus Christ lui-même.

D’ailleurs Jean nous explique lui-même son propos dans le dernier verset de son livre (si l’on considère que le chapitre 21 est un ajout tardif par des disciples zélés) : donc en 20/31 : nous lisons : « ces choses ont été écrites afin que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et qu'en croyant vous ayez la vie en son nom ».

Et voilà, le mot est lâché : Croire «j’ai écrit pour que vous croyiez », et je vous donne des signes pour vous permettre d’accéder à ce Croire, pour vous permettre d’entrer dans une démarche de foi, mais maintenant la balle est dans votre camp.

Alors, maintenant que nous connaissons les intentions de Jean, et si c’est à nous de jouer, relisons ces 9 premiers versets :

* 3 personnages, qui nous sont familiers, 3 personnages qui vont interpréter, chacun de façon différente, ce qu’ils vont voir :

- En premier, une femme, Marie de Magdala, déjà totalement détruite par ce qu’elle a vécu au Golgotha, où elle était, presque seule, avec d’autres femmes et Jean le seul disciple à avoir suivi Jésus jusqu’au bout. Et voilà qu’en plus, on lui a volé le corps de son Seigneur. Où pourra-t-elle le pleurer maintenant ?

Elle est tellement aveuglée par ses larmes, qu’elle prend Jésus pour le jardinier, et il faudra qu’il l’appelle par son nom : « Marie, pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu ? » Pour qu’elle le reconnaisse enfin, et que ce faisant, elle renaisse à la vie et qu’elle courre, débordante de joie, autant qu’elle était inondée de chagrin, annoncer la bonne nouvelle. Les larmes de la vie ont remplacé les larmes de la mort.

- Et puis, Pierre et Jean : ils courent vers le sépulcre. A l’arrivée, Jean est le premier. L’espérance lui a donné des ailes, cette petite graine d’espoir née paradoxalement au pied de la croix, là même où le centurion déclara « Cet homme est vraiment le fils de Dieu ».

Pour Pierre c’est autre chose, on peut penser que son reniement encore mal digéré lui donne plutôt des semelles de plomb.

Jean reste sur le seuil. Pierre arrive, entre dans le sépulcre, et sort. Il n’a vu qu’un tombeau vide.

Jean entre ensuite, voit les bandelettes et il croît : v.8 « L’autre disciple (il parle de lui à la 3° personne) entra et crut ». Et l’évangéliste ajoute, au v. 9 : « ils ne comprenaient pas encore que, selon l'Écriture, Jésus devait ressusciter des morts ».

Alors, attention à ce que nous dit Jean ! Qu’il ne serait pas nécessaire de comprendre pour croire ?

Evidemment, car il n’y a rien à comprendre.

Que pourrions-nous d’ailleurs comprendre, nous qui sommes enfermés dans notre finitude, coincés par nos commencements et nos fins, bloqués entre nos naissances et nos morts, empêtrés dans nos passés, présents, futurs, que pourrions-nous comprendre à cette transcendance créatrice qui n’existe pas mais qui Est, sans commencement ni fin, dont l’échelle de temps est l’éternité et l’unité de mesure, l’infini ?

Comment comprendre que cette transcendance, que nous appelons Dieu, notre créateur à qui nous avons tourné le dos, persuadés que notre connaissance ferait de nous d’autres créateurs, comment comprendre que Dieu, qui aurait pu se retirer en laissant le monde poursuivre son chemin vers l’abîme, ait fait le choix de renoncer à une part de sa divinité en devenant un homme vivant au milieu des humains. Et quand il est totalement entré dans la création, il ne l'a pas fait en devenant un roi qui devrait être servi mais un serviteur rejeté de tous, né dans l'hygiène douteuse d'une étable et mort sous la torture.

Il n’y a rien à comprendre, car ce serait vouloir entrer dans les desseins de Dieu, il y a simplement à accepter que Dieu a fait tout cela par amour.

Et dire que « Dieu est amour », c'est confesser que cet évènement de Pâques, est l’aboutissement de toute son œuvre, qui n’a qu’un seul but : le salut de notre humanité, notre salut. Comme l'ont dit les Pères de l'Église : « Dieu est devenu fils de l'homme pour que l'homme devienne fils de Dieu. »

Dieu a abandonné sur la croix une part de son infinitude pour libérer l'humanité de sa propre finitude.

Comment comprendre tout cela, il n’y a rien à comprendre. Il n’y qu’à croire.

Mais non pas un « croire à » ou un « croire que », qui n’engagent en rien, qui sont finalement ni plus ni moins qu’une opinion, un point de vue, mais un « croire en » : je crois « en Dieu », je crois « en Jésus Christ », comme le père ou la mère dit à son fils ou sa fille : « Je crois en toi », je m’implique je m’investis en toi, je mise sur toi, car je sais que je ne serai pas déçu, j’ai foi en toi.

Paul va même plus loin, il dit « Nous sommes en Christ », indiquant par-là, la relation fusionnelle qui peut prospérer entre le Christ et nous, au fur et à mesure que nous avançons dans notre itinéraire de foi. Relation au sein de laquelle c’est Jésus qui nous dit à son tour : « Je crois en toi », je m’implique je m’investis en toi, je mise sur toi, car je sais que je ne serai pas déçu. J’ai foi en toi.

Mais Jean et Pierre n’en sont pas encore là.

Eux, ils sont dans le voir et interprètent ce qu’ils voient avec leurs propres outils mentaux et affectifs.

Bien sûr, ils ont entendu Jésus leur annoncer par 3 fois sa passion et sa résurrection, Ils n’y avaient d’ailleurs pas compris grand-chose, puisqu’à sa première annonce, Pierre sort son épée, criant « ça ne t’arrivera pas », à la seconde annonce, les disciples se disputent pour savoir qui est le meilleur d’entre eux, et à la 3°, Jacques et Jean lui demandent de pouvoir être l’un à sa droite, l’autre à sa gauche. Quelle dérision dans ces requêtes, qui sont parfois les nôtres, nous rendant les disciples si proches de nous et finalement sympathiques.

Mais ce qu’ils voient ce matin-là, laisse entrevoir l’accomplissement de quelque chose de tellement énorme, qu’au lieu de déclencher chez eux une explosion de joie, ils en sont atterrés, le poids de cet évènement les engloutit, ce que Marc confirme à propos des femmes au sépulcre : « elles sortirent et s’enfuirent loin du tombeau, car elles étaient toutes tremblantes et bouleversées, et elles ne dirent rien à personne, car elles avaient peur ».

Peur de ce que leur laissait entrevoir ce coin de voile qui était en train de se déchirer.

Jean et Pierre sont dans ce même état d’esprit. On pourrait les entendre murmurer « Est-ce possible ? Est-ce possible ? ». Incapables de répondre à cette question, ils rentrent chez eux, nous dit l’évangéliste.

Ils rentrent chez eux, dans cette maison où ils s’étaient si souvent rassemblés avec Lui vivant, et ils en verrouillent la porte, faisant de cette chambre haute un second tombeau dont ils ne sortiront plus.

Et il faudra que Jésus les visite en ce tombeau-là, aussi, comme il le fit pour Marie de Magdala ou pour les compagnons d’Emmaüs, pour qu’ils reviennent à la vie.

Mais il faudra qu’ils voient Jésus pour revivre, car ils sont toujours dans le voir pour croire, et pour nous en convaincre arrive cet épisode de Thomas, qui doit en plus, toucher pour croire.

C’est alors que Jésus leur dit, à notre adresse : v.29 « heureux ceux n’ont pas vu et qui ont cru ».

Puis il souffle sur eux afin qu’ils reçoivent le Saint Esprit et il les envoie transmette cette bonne nouvelle de par le Monde.

Croire, croire sans voir, transmettre, voilà le message de cette Pâque aujourd’hui.

Marie de Magdala qui transmet à Pierre et Jean, qui transmettent à leur tour à 8 disciples, qui rappellent Thomas pour que lui aussi participe à la bonne nouvelle,

Croire, Transmettre, témoigner, passer le témoin de génération en génération, 80 fois pour arriver jusqu’à nous.

Il y 2000 ans, Marie de Magdala qui appelle Pierre et Jean, aujourd’hui 2 milliards de chrétiens de par le monde. A ceux qui voudraient des preuves de la résurrection de JC, ils les ont les preuves, 2 milliards de preuves.

Ne cassons pas la chaîne, Joyeuses pâques 2013,

Amen, 

François PUJOL