Prédications Protestantes dans les Alpes du sud 

Mercredi 25 novembre 2015

Veillée autour de la COP 21 * Gap 05

Lectures du Jour:

A.T. : Genèse 2, 1-24

N.T. : Jean 20, 11-18

Les gardiens du jardin

Saviez-vous que le mot « jardinage » et le mot « gardiennage » ont la même racine ?

Au temps ou le français était encore le francique – une langue germanique – le « jardin » est un « gardin ».

Le mot s’est conservé entre autre en anglais et en allemand où « jardin » se dit respectivement « garden » et « garten ».

Le jardin et donc un endroit que l’on garde, que l’on protège, que l’on conserve.

Et c’est bien la tâche demandée à l’homme et la femme dans le mythe du jardin d’Eden : « le cultiver et le garder » (v.15). Etre des « jardiniers », des « gardiens », des conservateurs du patrimoine.

Gardiens aussi d’une promesse que l’humanité ne tiendra pas : la promesse de ne pas nourrir l’envie, de ne pas mourir d’envie de savoir discerner entre le bien et le mal. Le fruit de cette envie de toute puissance, c’est la fin du rêve, la fin du paradis.

Ce mythe nous donne à comprendre que l’idéal d’une humanité confinée dans un bonheur parfait, protégé du mal, de la violence, des difficultés et de la mort est un paradis perdu.

Ou plutôt, un paradis que nous devons apprendre à perdre. Trop souvent, ce paradis est un objectif : recréer un monde idéal, revenir à cet état primordial parfait, refaire de la terre une planète pure.

Sans cesse, nous reprenons le chemin de ce « jardin des délices » (Eden=délices) qui est une impasse, une voie sans issue, une fausser route.

Ce paradis est une illusion,

Ce paradis est un mirage,

Ce paradis est un enfer.

Je dirai même un enferment, car le mot « paradis » vient de la langue persane qui veut dire « enclos ».

Apprenons à ne pas nous enfermer dans nos prés carrés idéologiques, dans nos certitudes écologiques, dans nos idéaux de papiers glacés. Car si les glaciers fondent et font monter le niveau des océans, ils nous inondent aussi de culpabilité.

Ne voyons pas seulement la partie visible de l’iceberg ! Ce n’est pas notre culpabilité qui corrigera le changement climatique. Ce n’est pas un grand mea culpa politique qui sauvera la planète. Parce qu’au fond, ce n’est pas la planète qui est en danger – elle en a vu d’autres – mais notre humanité !

Il ne s’agit donc pas de sauver des fleurs, des animaux, des continents, des climats, pour faire de la planète un paradis. Il ne s’agit pas de changer nos habitudes, nos comportements, nos achats. Il s’agit fondamentalement de sauver l’humanité, notre modèle d’humanité.

J’en arrive à ma deuxième partie. C’est quoi être humain ? Marie de Magdala quand elle est face au tombeau, face à l’impasse de toute vie, face au cul de sac, elle pleure. Elle se baisse et regarde dans le tombeau, elle regarde dans le vide, elle regarde là où il n’y a rien à regarder, rien à trouver, rien à comprendre.

Au milieu d’un autre jardin, ce tombeau est celui vers lequel s’achève l’histoire, toute histoire. Au milieu de ce jardin, ce tombeau est le trou noir de l’humanité, le puits sans fond du vide.

A trop y regarder, on prend le vertige.

A trop y regarder, on s’y perd.

A trop y regarder, on s’oublie.

Pourtant, une parole viens nous questionner : « Pourquoi pleures-tu ? Que cherches-tu ? »

C’est alors que Marie de Magdala se retourne et qu’elle rencontre le Christ.

C’est en tournant le dos à la désespérance qu’elle rencontre la puissance de la foi.

C’est en tournant le dos à la porte de la mort qu’elle découvre la clef de la vie, la clef de l’humanité. La sienne. La nôtre.

Etre chrétien, ce n’est pas appartenir à une religion, à une tradition, à une culture. Etre chrétien, c’est appartenir au Christ.

Et le Christ c’est qui ? C’est celui que je prends pour le jardinier. Celui que je prends pour celui qui conserve le jardin de la mort, le « jardin du souvenir », alors qu’il est celui qui est la vie. La vie personnifiée, la lumière personnifiée, l’énergie divine personnifiée.

C’est cette énergie qui nous renouvelle. Elle nous appelle chacune et chacun par notre nom pour changer notre vision. Vision de soi, vision du monde, vision de Dieu.

C’est cette dynamique-là qui s’appelle Jésus-Christ. C’est quand le Christ vit en moi, quand je lui donne corps, quand je lui donne mon cœur qu’il me fait jardinier de l’espérance.

Le monde n’attend rien de nous, chrétiens. Tant mieux, car la prière n’est pas un pouvoir magique qui annulera les catastrophes naturelles, la disparition des espèces et les dégradations de l’environnement.

Mais le Christ – c’est-à-dire Dieu – attend que nous refusions l’apitoiement, la résignation, le fatalisme, la candeur, la naïveté, le narcissisme.

Le Christ, c’est l’humanité comme vous ne l’avez jamais vu.

Le Christ, c’est Dieu comme vous ne l’avez jamais vu.

Ce n’est pas lui le jardinier : c’est nous désormais !

Le jardinier de la vie, le gardien de l’humanité, le garant de la création.

Le Christ nous délivre de la culpabilité.

Il nous délivre sa responsabilité.

C’est ça être chrétien.

C’est un Christ pour l’autre.

C’est être le Christ pour le monde.

Dès aujourd’hui, cultivons l’audace de changer le monde.

Dès aujourd’hui, cultivons la folie de changer l’humanité.

Dès aujourd’hui, cultivons la joie de changer la vie.

Alors seulement, demain, nous montrerons que le monde n’est pas un traquenard, que la planète n’est pas un fardeau, que l’humanité n’est pas un hasard.

Nous sommes l’espérance de Dieu.

Nous sommes la puissance du Christ.

Nous sommes les jardiniers de la création.

Les gardiens de la résurrection.

Et nous lui rendons grâce qu’il en soit ainsi. 

Amen !

Pr Arnaud Vandenwiele