Prédications Protestantes dans les Alpes du sud
Dimanche 28 Avril 2019
Culte à Trescléoux (05700)
Lectures du Jour :
Actes 5, 12-16
Apocalypse 1, 9-19
Jean 20, 19-23
Paix et Pardon
Frères et sœurs,
Christ est ressuscité !
Notre lecture de ce matin nous ramène, tout au long de ce chapitre 20, à ce tout premier, premier jour de la semaine, depuis l’aube où Pierre, Jean et Marie de Magdala[1] se rendent au tombeau. Pierre et Jean rentrent rapidement chez eux, Marie reste là à pleurer son Maître.
C’est là qu’un peu plus tard, Jésus lui apparaît et la charge d’annoncer sa résurrection (sa montée vers le Père, v.17) à « ses frères », cette expression traduisant ainsi le premier effet de cette nouvelle alliance, inaugurée en ce premier jour : les hommes et les femmes de tout temps et de tout lieu, désormais frères et sœurs du Christ, pourront eux aussi appeler Dieu, « Notre Père ».
Puis, le soir venu, selon la promesse qu’il leur a faite au chap. 14, le Sauveur ressuscité se présente au milieu des disciples assemblés, avec cette salutation la paix soit avec vous, que les disciples ont dû accueillir diversement, eux qui s’étaient enfermés dans cette chambre haute, par peur des autorités religieuses (qui veulent couper court à toute propagation des idées de ce blasphémateur, au prétexte qu’il serait encore vivant), et des autorités romaines (qui croyaient en avoir fini avec ce séditieux, souleveur de foules).
Que ces trois années merveilleuses pour eux, passées aux côtés du Maitre, se terminent dans ce fiasco aussi tragique, les disciples en sont anéantis
Alors, on comprend leur enfermement, leur repli sur eux-mêmes, mais, même dans ces situations les plus extrêmes, Christ est capable de nous rejoindre, de briser nos murs les plus épais, de faire sauter tous nos verrous et de nous saluer par ce la Paix soit avec vous !
La paix, quelle paix ?
Mais évidemment la paix dont parle Jésus n’est pas celle à laquelle les disciples pensent :
S’il s’agissait de la paix entre les hommes, cela a très mal démarré, avec Caïn tuant Abel et cela se termine très mal avec le combat final de l’Apocalypse[2], en passant par les guerres menées par ou contre Israël tout au long de l’Ancien Testament, sans oublier le scandale de la croix.
La paix entre les hommes ne pourrait advenir qu’avec la pratique du partage, du pardon, bref de l’amour réciproque, et si cela était, c’est que le Royaume de Dieu s’étendrait déjà sur la terre. Mais dans l’état actuel de l’Humanité, royaume de l’injustice, de l’oppression, de l’esprit de domination, ce n’est encore qu’un idéal.
Mais ce matin, la paix dont parle Jésus, c’est une paix plus individuelle, plus intime, c’est la paix retrouvée au plus profond de nous-mêmes avec Dieu, et si c’est Jésus le crucifié ressuscité qui annonce cette paix, c’est que cette paix, cette réconciliation avec notre Dieu, passe par Lui.
Car cette paix avec Dieu passe par le pardon, donné[3] une fois pour toutes au Golgotha, cette grâce imméritée que nous pouvons recevoir dans l’humilité, dans un esprit de repentance.
Oui, c’est bien de réconciliation qu’il s’agit pour les disciples, après la fuite, le reniement, l’abandon, mais aujourd’hui ce n’est plus des disciples, mais de nous qu’il s’agit.
En paix avec nous-mêmes par ce don, nous pouvons dès lors être en paix avec les autres, voilà le plan de paix que les disciples du Christ peuvent proposer à l’Humanité. Plan de paix et de salut, pour l’Humanité qui peut ainsi se sauver, se libérer des chaînes qu’elle a elle-même fabriquées.
Et Jésus prononce une seconde fois cette salutation, qu’il prolonge par ces mots : comme mon père m’a envoyé, à mon tour je vous envoie, faisant des disciples les continuateurs de la mission du Christ et les propagateurs de son message de salut et d’espérance pour l’Humanité :
Quelle responsabilité mes amis, mais nous ne sommes pas seuls, car ce faisant, il souffle sur eux l’Esprit Saint, comme Dieu souffla sur cette poussière pour lui donner Vie[4]. Recevoir le Saint Esprit est pour les disciples une nouvelle naissance, pour une nouvelle vie avec ce Saint Esprit, compagnon des jours heureux et consolateur[5] des mauvais jours.
C’est ainsi que Jean réunit en une seule journée Pâques et Pentecôte.
Le Pardon – Le Péché
Mais, même avec le Saint Esprit à nos côtés, c’est une lourde mission que Jésus nous confie, avec ce verset 23 : ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis. Ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus. Rien de moins !
Alors, comment faut-il comprendre ce verset ? Comme une mission, un pouvoir, une responsabilité ?
* Chez Matthieu (chap.16 et 18), Pierre est investi de ce que l’on appelle le ministère des clés (Les clés de Saint Pierre)[6] : la clé qui ouvre et tu es pardonné, la clé qui ferme et tu restes emprisonné dans ton péché,
* Chez Luc (chap.24, v.46-47)[7] : il n’est question que de pardon, relié à la mission du Christ souffrant sur la croix et ressuscité.
L’Église, institution humaine, s’appuyant sur Matthieu, s’est arrogé, se substituant à Dieu, le droit et le pouvoir de pardonner ou non, associant la rémission des péchés à des fautes morales, des péchés « capitaux ou véniels » :
* S’arrogeant le pouvoir de décider qui est juste, qui est coupable[8], qui est dans la ligne, qui est hérétique[9].
* Générant ainsi chez l’individu un irrépressible sentiment de culpabilité[10], ressassant en boucle ce verset de Paul[11], mais parallèlement fut encouragée l’idée que cette culpabilité pouvait se racheter par des pénitences, des flagellations, morales ou physiques (Louis IX), jusqu’aux indulgences de Léon X[12].
Comme si l’homme pouvait être l’acteur de son propre pardon !!
C’est oublier que le pardon est un don de Dieu, par amour pour l’Humanité, à travers son Fils qui a donné sa vie en témoignage de cet amour.
Dieu nous a aimés le premier, voilà ce qu’il faut répéter à l’envi : La Justice de Dieu s’accomplit dans l’amour et non dans l’application de quelque barème par la justice des hommes : une faute, une punition, une faute, une punition, etc…
Le pardon ne concerne pas particulièrement de quelconques fautes morales, mais il s’adresse à quiconque, prenant conscience de son éloignement de Dieu, souhaite revenir vers Lui pour donner un sens, un nouveau sens à sa vie, c’est-à-dire, une direction et une signification.
Le pardon ne concerne donc pas uniquement les chrétiens, mais l’Humanité toute entière, c’est pour cela que le message, le sacrifice de Jésus sur la croix, ont une vocation universelle.
Il conviendrait donc mieux, pour ne pas ajouter à la confusion, parler de péché au singulier et non pas de Péchés au pluriel, car est ainsi évoqué, un péché initial, sinon originel qui est celui du choix délibéré de l’Homme, raconté symboliquement dans la Genèse, choix de s’éloigner de Dieu pour mener sa vie en solo, en écoutant cette petite voix que l’on entend encore aujourd’hui : « n’écoutez pas votre créateur, mangez de ce fruit de la connaissance, et vous deviendrez comme des dieux …», nous plongeant dans ce mythe prométhéen : Vouloir être comme des dieux, s’affranchir des lois divines (ou supposées telles). Les créatures devenant elles-mêmes créatrices, le but semblant aujourd’hui à portée de main grâce aux technosciences, capables de nous libérer de toutes les contraintes, mais c’est oublier la fin de ce verset 5 du chapitre 3 de la Genèse, qui résonne comme une malédiction, au regard de ce que l’Humanité a fait de cette « connaissance » volée à Dieu : … vous connaîtrez le bien et mal.
Car plutôt que d’affronter cet avertissement par une quête spirituelle, c’est la fuite en avant que l’Humanité a choisie, dans une autre quête, inextinguible, pour surmonter ce mal-être, partagé par une Humanité égoïste, voire autiste, vivant dans le pur divertissement et la satisfaction de ses caprices, esclave de sa condition humaine, dont la seule certitude est sa finitude.
Cette fuite en avant de l’Humanité qui, pour se sauver, se complait dans l’illusion, et le mensonge à elle-même, n’a-t-elle pas pour but de masquer cette faute initiale qui fait qu’aucun homme n’est plus innocent, passant ainsi à côté de la vraie liberté : se connaître soi-même pour pouvoir entrer en dialogue avec Dieu[13] ?
Pour Conclure
Pour conclure, rappelons-nous que Jésus termine sa seconde salutation par : je vous envoie. Voilà notre mission : aller annoncer que les péchés sont remis c’est-à-dire pardonnés. « Le Père m’a envoyé pour annoncer la réconciliation universelle, pour dire que Dieu ne tient pas compte des péchés des hommes mais qu’il est amour et pardon ! Soyez les ambassadeurs de cette réconciliation. Si vous n’y allez pas, il n’y aura pas de réconciliation possible. »
Il dépend donc de nous que nos frères en Humanité, connaissent cet amour, qu’ils reconnaissent en Jésus le fils de Dieu ressuscité, rédempteur.
A l’écoute de notre témoignage, les hommes croiront cela et leur péché leur sera pardonné, remis, mais d’autres se scandaliseront, refuseront de croire, se moqueront, nous insulteront, et ils resteront dans leur péché, qui leur sera retenu.
Voilà comment il est possible de comprendre cet énigmatique verset 23. Car finalement, le seul péché à la racine de tous les autres, c’est de ne pas croire que Dieu est amour !... et de ne pas l’aimer en retour. Comme le disait Saint Augustin[14], à sa manière : « Aime Dieu et fais ce que voudras ».
Amen !
François PUJOL
[1] Si la narration des synoptiques comporte quelques variantes, Marie de Magdala y est toujours nommée.
[2] Voir Les cavaliers de l’Apocalypse (Apoc.6,1-8)
[3] Je donne ma vie, afin de la reprendre. Personne ne me l'ôte, mais je la donne de moi-même; j'ai le pouvoir de la donner, et j'ai le pouvoir de la reprendre: tel est l'ordre que j'ai reçu de mon Père. (Jean 10, 17-18)
[4] Genèse 2, v.7
[5] Voit Jean 14, 15, Jean 16,7,
[6] Dans son roman « les clés du Royaume », A.J. Cronin nous montre les ravages que l’intolérance des diverses églises peut provoquer, face à l’esprit de tolérance et de charité du Père Chisholm, animé par le seul souci d’être fidèle à l'enseignement du Christ. Un très beau roman.
[7] Et Jésus leur dit: « Ainsi il est écrit que le Christ souffrira, et qu'il ressuscitera des morts le troisième jour, et que la repentance et le pardon des péchés seront prêchés en son nom à toutes les nations »
[8] Avec cette expression ô combien ambigüe « Hors de l’Église, point de salut »
[9] Les protestants doivent aussi balayer devant leur porte : Nous avons nous aussi persécuté « nos hérétiques » : Michel Servet brûlé vif par Calvin à Genève, les anabaptistes de Thomas Münzer persécutés par Luther (Guerre des Paysans-100.000 morts), les sorcières de Salem, etc…
[10] Sentiment que certaines communautés évangéliques exploitent elles aussi pour attirer les personnes un peu « paumées » dans leur chapelle, à défaut de les attirer à Jésus Christ.
[11] «Je fais le mal que je ne voudrais pas et je ne fais pas le bien que je voudrais » Lettre de Paul aux Romains (7, 19)
[12] Pour financer la construction de Saint Pierre de Rome
[13] Voir de Béatrix Beck, « Léon Morin, prêtre », Goncourt 1952-Livre de poche
[14] Saint Augustin (354-430), Évêque d’Hippone, en Algérie (actuellement Annaba), dans son commentaire de la première épître de Jean, traité VII, 8.