Prédications Protestantes dans les Alpes du sud
Dimanche 01 Mai 2011
Culte à Trescléoux (05700)

Lectures du Jour :
Actes 2, 42-47
1 Pierre 1, 3-9 (voir également sous cette référence, méditation du 27 Novembre 2011)
JEAN 20, 19-31
Il souffla sur eux...
Réunion d’hommes peureux
Trois jours après la crucifixion de Jésus. Détresse de ses disciples. Mais que nous arrive-t-il ? Que se passe-t-il ? Trois ans, trois années passées auprès de Jésus pour qui ils ont tout abandonné, pour en arriver à ce fiasco complet, Jésus crucifié, et eux, obligés de se terrer dans cette maison par peur des juifs et des romains qui doivent les rechercher.
Et puis cette Marie Magdeleine qui leur a dit avoir vu Jésus, juste après que Pierre et Jean soit allés dans le tombeau, qui était vide, d’ailleurs.
Pierre lui, n’y a vu que des linges par terre, mais Jean, quand il a vu le suaire roulé à part, il a compris que Jésus était vivant.
Que faire, que croire, qu’allons-nous devenir ? Voilà l’état mental pas très reluisant dans lequel se trouvent les disciples, dans cette chambre à la porte fermée.
Présence certaine du Christ
Et Jésus apparaît, dans ce lieu clos, comme le sont souvent nos églises, fermées par des portes monumentales, et ses premières paroles sont « la paix soit avec vous », Shalom, Cette vieille salutation juive, elle s’adresse aujourd’hui, dans notre lecture, mais aussi aujourd’hui pour nous, qui sommes aussi des hommes et des femmes plus souvent troublés qu’il ne faudrait, dans le doute, le manque de confiance, angoissés par une foi qu’on n’arrive pas à réchauffer, et puis Jésus arrive, on ne le voit pas mais on perçoit le souffle du Saint Esprit : « la paix soit avec vous ».
Le passage par la Croix
Et aussitôt après il leur montre ses mains et son côté. Car il ne leur apparaît pas dans sa gloire, comme à la transfiguration, mais c’est le crucifié qui leur apparaît, car on ne peut s’engager dans une vie nouvelle avec lui, sans être passé par la croix. Mais contrairement à Jésus qui lui, a subi le sacrifice de la croix, nous, nous n’avons pas à affronter la croix, mais à l’annoncer : « Le crucifié est vivant !! ».
L’envoi
C’est le sens de l’envoi des disciples, pour qu’ils annoncent la bonne nouvelle du Christ ressuscité, mais au préalable chacun d’entre nous devra avoir « renoncé à lui-même » (Matt.16-24) pour s’imprégner de l’enseignement de Jésus, ce qui risque de nous conduire plutôt vers des sentiers escarpés que vers de autoroutes.
Pardon des péchés
Mais que devons-nous annoncer au juste ? Il est plus facile de poser la question que d’y répondre :
-Christ est ressuscité, il a vaincu la croix :
- Le sacrifice de Jésus nous libère de notre condition humaine, de ce péché originel, celui d’avoir coupé les ponts avec Dieu pour vivre guidés par notre seule intelligence et notre seule raison.
- Jésus nous réconcilie avec notre créateur et restaure notre relation à cette dimension inaccessible, celle du divin, de l’Eternel, de l’Infini, dans une relation de filiation
- En reconnaissant Jésus comme notre Seigneur, nous devenons ses frères, redevenant ainsi enfants de Dieu.
Voilà le sens profond de cette Pâque que nous venons de célébrer.
Notre incrédulité
Bon, mais il y a Thomas, le célèbre Thomas, qui se serait peut-être bien passé de cette postérité, car c’est bien à lui que l’on doit cette expression souvent utilisée, y compris par nous : « Il faut le voir pour le croire !! »
Il y a un mystère autour de Thomas : Pourquoi n’était-il pas avec les autres lors de la première visite de Jésus ? On ne sait. Pourquoi Jean est-il le seul à parler de Thomas ?
Là il faut faire un aparté : Cet évangile a été écrit très tardivement, vers 80-90, alors que les lettres de Paul ont été écrites ½ siècle plus tôt.
Donc à cette époque, pratiquement tous les contemporains de Jésus, ceux qui auraient pu être témoins de ces évènements, ou qui ont côtoyé des disciples ou même les apôtres, disparaissent, on est donc avec des communautés de chrétiens de la 2° génération, qui sont frustrés par rapport à cette première génération, qui a vu, mais eux, qui ne l’ont pas vu, attendent son retour et commencent à s’impatienter.
C’est donc pour eux, et pour chacune des générations qui ont suivi, jusqu’à nous, que Jésus dit « Heureux ceux qui n’ont pas vu et qui ont cru ». On n’est donc plus dans le Voir pour croire, mais dans le Voir parce que l’on croit.
Ce n’est donc pas par hasard que Jean parle de Thomas, notre frère, notre jumeau, notre double, tellement à l’image du chrétien moyen, il nous est sinon sympathique, en tous cas familier, il nous ressemble tellement, il est tellement « comme tout le monde ».
Thomas, c’est l’homme moderne, qui a besoin de toucher pour croire : démarche scientifique d’une époque scientifique qui veut tout expliquer… vérifier les résultats, étayer les preuves, garantir les certitudes. Thomas force la mise : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, etc.… »
Thomas c’est le récalcitrant. Déjà, quand on vient annoncer à Jésus la maladie de Lazare, la situation est critique pour Jésus. Ce sera d’ailleurs son dernier miracle. Jésus invite ses amis à se rendre chez l’agonisant, et c’est risqué. Thomas, déjà lui, s’y résigne à contrecœur : « Allons-y nous aussi et mourons avec lui » !
S’il y a des durs à cuire, Thomas est dur à croire ! Il a tenu plus longtemps que les autres, dans le dernier carré des réalistes, des pessimistes de ceux qui se méfient quand cela parait trop beau ».
Mais Jésus n’en reste pas là. Lors de sa 2° visite, il les salue de nouveau par ce message de paix : Shalom, message répété 3 fois dans ces 12 versets, et il entame un dialogue avec Thomas, pas de jugement, pas de condamnation, pas de réprimande. En d’autres circonstances et en d’autres lieux, Jésus n’hésitait pas à rabrouer ses disciples « gens de peu de foi ». Ici tout est douceur, paix et amitié pour ce Thomas.
Car au fond, sous ses airs de celui à qui on ne la fait pas, le cœur de Thomas était un terreau fertile, qui ne demandait qu’à croire et qui en même temps avait peur de croire en cette bonne nouvelle du ressuscité, compte tenu de tous les enjeux énormes qu’elle implique.
Jésus sait combien est inconcevable ce retournement que constitue le passage de la croix à la résurrection, combien il est difficile à l’homme de croire que le chemin ouvert par Jésus, peut conduire chacun de nous au delà de la mort et à la relation divine…C’est par la douceur, la tendresse, un message de paix, qu’il appelle ses disciples à « devenir des hommes de foi ».
Alors, Thomas, ce chercheur de Dieu sans le savoir, peut s’agenouiller et dire à Jésus « Tu es mon Seigneur ».
Comme Thomas, nos contemporains, dans cette époque douloureuse, désespérante, où les hommes déboussolés cherchent à tâtons, dans le doute, des signes, des preuves, des repères, qui leur parlera du Christ vivant, ressuscité, le seul qui peut redonner sens à leur vie ?
Qui les lui donnera à Notre époque ces signes de vie et de résurrection, si ce n’est ceux qui ont approché le Christ que Thomas a rencontré, et qui réfléchissent sa lumière.
La promesse faite à ceux qui croient
Mais il faut aussi dire à nos contemporains que c’est avec le cœur que l’on reçoit Jésus et non avec la raison, car nous sommes dans le domaine du croire, de la foi, de l’accueil de cette promesse que nous avons lue ce matin : « Ceux qui croient que Jésus est le Christ, le fils de Dieu, auront la vie en son nom », ce que Pierre confirme dans sa lettre « Celui que vous aimez sans l’avoir vu, en qui vous croyez sans le voir encore, vous obtiendra le salut de vos âmes pour prix de votre foi ».
Le souffleur
V. 22 : "Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux. "
Je voudrais terminer, frères et sœur, sur cette image du souffleur. Comme au théâtre, où il y a ce personnage invisible du public, qui reste là tout le temps, qui accompagne l’acteur coincé par le trac, qui le suit mot à mot, pas à pas, mieux même, alors que vous en êtes à la scène 2 de l’acte 1, il peut lire et savoir exactement ce qui se passera à la scène 5 de l’acte 3.
Et même au bout de 50, 100 représentations, vous n’êtes pas à l’abri du trou de mémoire, du blanc inopiné, alors, un petit coup d’œil au souffleur, qui vous murmure le texte, d’un souffle léger, sans que personne ne s’en aperçoive et hop, c’est reparti.
Quelle bénédiction, quelle libération, d’avoir toujours notre souffleur tout près, celui qui nous souffle ce qu'il y a à vivre, celui qui nous souffle ce qu'il y a à dire, pour que l'on dise et redise encore aux spectateurs de choisir la vie, la liberté, la confiance retrouvée.
Et de même que Jésus, Lumière venue dans les ténèbres nous a transmis cette mission, d’être à notre tour la lumière du monde, Eh bien de même, notre mission est à nous aussi d’être des souffleurs, souffleurs d'espérance, de paix et d'amour, et même à travers des portes verrouillées.
Conclusion
Lors de notre dernière méditation nous avons vu que ce sont les aveugles qui voient et que ceux qui croyaient tout voir, tout savoir, sont en réalité aveugles et ne comprennent rien.
Cette lecture de ce matin nous rappelle que la foi est aux prises avec ce qui se voit. Ce qui se croit doit se voir. C’est un message pour nous, communauté, Eglise, Ceux et celles qui croient sont appelés à rendre visible, tangible, ce qu'ils croient. Etre visible dans la société et non enfouie et cachée est une exigence élémentaire pour qu'elle soit reconnue, ce que Jésus nous rappelle aussi dans le sermon sur la montagne.
Mais en même temps, Cette foi reste un mystère : N’est-elle pas comme le dit Paul aux Hébreux, « la ferme espérance des choses que l'on espère et une certitude concernant les choses que l'on ne voit pas ».
Alors si nous ne pouvons pas voir le Christ, prions pour que nous sentions sa présence non seulement dans ce pain et ce vin que nous allons partager, mais aussi son souffle chaque jour de notre vie.
Amen !
François PUJOL.