Prédications Protestantes dans les Alpes du sud
DIMANCHE 22 avril 2007
Culte à TRESCLEOUX-05700

Lectures du Jour :
Jean 21, 1 à 19
Actes 5, 27-41
Apocalypse 5, 11-14
Dieu présent...
On s'attend bien, avec ce genre de passage, à entendre un message de ce type: "Comme les disciples, nous avons la vilaine habitude de douter, de rester dans nos échecs; ce n'est pas beau; ce n'est pas une conduite évangélique…"
Bref, une petite leçon de morale pour nous dire que quoi qu'il en soit, il nous faut avoir confiance en Dieu…
Mais si le message se résume à cela, sortirons-nous enrichis par ce texte, et ce culte?
Je vous propose de voir dans ce texte une véritable affirmation du Dieu présent, du Dieu qui n'est pas plus silencieux aujourd'hui qu'il y a deux mille ans. D'un Dieu présent qui se veut accompagnateur de nos vies, mais sans nous vouloir végétatifs! Présent pour l'action; présent dans les projets; présent dans notre témoignage; présent pour mener notre barque de vie et d'église.
Ainsi, voilà une curieuse apparition, qui gêne souvent les lecteurs de cette fin d'Evangile qui a souvent été considérée comme un gros rajout tardif.
Et cette apparition est présentée au début et à la fin comme une "manifestation". Ainsi, l'auteur nous montre une continuité entre les manifestations du Jésus terrestre, et celle du Jésus glorifié.
Il n'est pas un autre; il n'est plus le même. Il est le même glorifié…!
Je dirais alors avec ce texte que… la boucle est bouclée! Souvenez-vous, dans le texte de Luc 5, où Jésus appelle ses disciples: les deux récits ont en commun la mention d'une pêche nocturne infructueuse de Pierre et de ses compagnons. Nous retrouvons dans les deux récits également l'intervention de Jésus demandant de jeter les filets et le succès extraordinaire de la pêche, le rôle particulier de Simon-Pierre.
La boucle est bouclée pour plusieurs raisons: tout d’abord, parce que nous voyons que malgré l'avoir suivi durant tout son ministère de trois années, on peut dire que rien n'a changé!! Les disciples sont les mêmes, avec leurs mêmes galères (c’est le cas de le dire !) ; les problèmes sont ainsi équivalents; le quotidien est bien celui qui vous absorbe tellement une personne qu'elle vous en fait oublier tout le reste !!
En même temps, la boucle est bouclée parce qu'on retrouve chez Pierre la même discipline dans les deux récits; comme on l'a vu il y a peu de temps, Pierre se laisse à nouveau donner une leçon par un débutant en matière de pêche; il est docile devant un étranger (puisqu’il ne reconnaît pas Jésus). Alors, soit Pierre était vraiment un gentil gars qui ne voulait pas froisser un compatriote; soit ce quotidien le rendait trop las pour avoir une quelconque réaction personnelle…
Toujours est-il que ce deuxième récit de la fin de Jean réhabilite en quelque sorte Pierre, que l'on avait laissé avec un goût amer de reniement !!
Ce retour des disciples à leur activité antérieure de pécheurs pourrait faire référence à la dispersion qui a suivi la mort de Jésus et qu'il avait prédite, au chapitre 16, en disant: "Voici, l'heure vient, et elle est déjà venue, où vous serez dispersés chacun de son côté, et où vous me laisserez seul…".
Là, la parenthèse semble fermée. Le petit mieux que l'on peut constater par rapport au chapitre 20, c'est que les disciples ne sont plus enfermés; enfermés dans leur peur; enfermés dans leur chagrin; enfermés dans le non-sens…
On peut presque dire que le travail de deuil est terminé!! On ne peut pas leur en vouloir: on peut rester sans véritable travail pour une bonne cause; mais juste pour pleurer quelqu'un qui a fini comme un brigand…mieux vaut retravailler! Pour la réputation comme pour les bouches à nourrir, oui, il vaut mieux reprendre la pêche!!
Chacun a donc repris son métier. Mais il est vrai que l'insuccès de leur pêche peut symboliser la désillusion et l'infécondité, la stérilité de leurs actions en l'absence de Jésus.
L'identité de Jésus au bord du lac n'est connue que des seuls lecteurs. Après avoir constaté pendant tout le chapitre 20 que Jésus s'est manifesté plusieurs fois à ses disciples, comment comprendre que là, personne ne le reconnaît? Est-ce parce que ce texte est indépendant du chapitre 20, est un rajout tardif ?
Certains l'affirment.
Et pourtant, il me semble que chacun d'entre nous a pu vivre cette situation! A qui n'est-il pas arrivé de reconnaître à un moment précis de sa vie l'action de Dieu? De ne pas douter qu'à ce moment-là, c'était bien Dieu qui était intervenu, et d'avoir l'impression qu'on pourrait désormais reconnaître la main de Dieu partout où elle serait dans notre vie? …Pour ensuite, mettre tel ou tel événement sur le compte de la chance, ou du hasard ?!!!
Le doute est bien celui qui aveugle non seulement les yeux, mais aussi le cœur et l'âme !!
Ici, curieusement, ni la présence de Jésus, ni même sa parole ne permettent de l'identifier. Ni sa présence, ni sa parole…
Ce sera le signe qui permettra d'ouvrir les yeux du disciple que Jésus aimait… Le signe! Ni sa présence, ni sa parole…Un signe!!!
Cette vision des choses peut sembler aller contre la position réformée des signes visibles!!
Et pourtant, la définition des sacrements est bien pour nous: "signe visible d'une grâce invisible!!"
Le signe ne sera pas une fin en soi; le signe va éclairer la présence et la parole. Le signe en lui-même d'une pêche miraculeuse ne serait pas grand-chose à lui tout seul: une bonne pêche, c'est sympa pour les finances de la semaines, mais sans plus!!
Là, le signe va être le révélateur. Il va être cette goutte d'alcool qui donne toute sa puissance à une essence de plante!!
Pierre se détache du groupe, manifestant ainsi sa fougue traditionnelle. Au fonds, ce Pierre, il est entier. Tellement entier qu'il passe à côté de l'essentiel. Tellement tête baissée et impulsif qu'il ne prend pas le temps de la réflexion. Ah! certes, il en faut qui foncent! Il en faut qui ne créent pas commission sur commission à la moindre décision à prendre. Mais lui, il fonce. On me dit "jette ton filet", je jette mon filet!!
Et après tout, il a eu bien raison de ne pas créer de commission, puisque ça marche!
Pierre tire un filet rempli de 153 poissons.
Ah! Que ce chiffre a fait couler de l'encre! Merci Jean!
D'après Saint Jérôme, cela pourrait signifier la plénitude, puisque les zoologistes grecs ont répertorié 153 espèces de poissons! Saint Augustin a cherché une autre explication, notant que le total s'obtient en additionnant les chiffres de 1 à 17 !
Il est vrai qu'à l'époque, les interprétations allégoriques étaient très recherchées (et je dirais qu'aujourd'hui rien n'a changé puisqu'on s'amuse à publier des livres sur la numérologie des versets bibliques…).
Je crois que nous pourrons retenir de ce chiffre qu'il est grand, et précis! Grand, dépassant largement ce dont une famille de pêcheurs a besoin pour vivre. Et précis, pour montrer qu'un tel détail ne s'invente pas! Et le miracle est plus accentué encore par la solidité du filet qui, exactement comme la tunique d'un pièce de Jésus, ne se déchire pas , ne se rompt pas ( le même verbe y est employé pour ces deux moments…)
C'est alors que vient le moment du repas.
Lorsque la pêche est achevée, Jésus prépare pour ses disciples le repas, fait de pains et de poissons. Mystérieusement, tout est prêt (tiens, cette phrase nous rappelle quelque chose!); prêt avant même que les fruits de la pêche aient été accessibles à Jésus… Alors, c'est vrai que le repas fait de pain et de poisson ne correspond pas aux éléments du repas que Jésus lui-même avait institué pour la cène; et pourtant, la formule "il prend du pain et le leur donne" est la même que pour la multiplication des pains au chapitre 6.
Quels éléments peut-on alors retenir de ce passage, pour nous aujourd'hui?
Tout d'abord, il me semble qu'il n'existe pas un modèle de foi humain, et c'est rassurant pour chacun d'entre nous! Ces hommes qui ont suivi Jésus pendant trois ans de vie, qui ont fait de grandes choses avec lui; qui ont vu et entendu de grandes choses qui vont bouleverser la vie de milliards de personnes jusqu'à nos jours; ces hommes, après le grand bouleversement de la foi, vont être à nouveau grignotés par leur quotidien; vont à nouveau partir dans le but de chercher du pain terrestre, de gérer leur petit quotidien fait des mêmes choses que pour nous!!
Ce qui tend à montrer que même la foi la plus grande, même la pratique la plus régulière peut légitimement avoir des hauts…et des bas!!
Quoi? suis-je en train de vous dire que vous pouvez vous livrer sans problème au désespoir du doute? Que vous n'avez pas grand choses à perdre de ne pas venir nourrir votre foi au culte?
Non! Je crois plutôt ce récit déculpabilisant par rapport aux modèles de foi que nous nous imaginons parfois, ou que nous rencontrons peut-être.
Le doute, l'envie de prendre du recul par rapport à une pratique cultuelle, peuvent être légitimes, parfois même nécessaires dans une vie. Pas pour y stagner. Pas pour s'y perdre. Pour mieux repartir parfois avec une foi renouvelée; une lecture rafraîchie de l'Evangile; une relation à Dieu plus saine. Ou même un temps de désert qui fait prendre conscience de la nécessité de Dieu dans sa vie.
Ensuite, la deuxième chose très rassurante est que Dieu est conscient de notre difficulté à le reconnaître. Nos yeux, les yeux de notre cœur sont souvent aveuglés. Et il peut arriver un moment où l'on ne voit plus Dieu nulle part; dans rien; ni dans sa vie; ni dans celle des autres; ni dans certains événements. La perception de Dieu se meurt alors, et nous croyons que c'est Dieu qui est mort !!!
Alors, dans ces moments-là, pour ces moments-là, Dieu nous donne un signe; un signe visible, comme le pain et le poisson; le pain, et le vin.
Et cela me donne l'occasion de dire que ce repas que Dieu nous offre par le Christ n'est pas fait seulement pour les jours où notre foi est impeccable, forte, belle, à soulever des montagnes. Cette cène-là nous est offerte dans les moments où nous ne reconnaissons plus rien de Dieu; où il nous semble le grand absent; où sa parole n'a plus d'effet sur nos vies; où nous ne le reconnaissons même plus dans l'action de nos contemporains. Un signe "spécial pannes sèches!!". Pas un signe super-magique; un signe visible, qui nous donne de retrouver le sens-même de l'invisible pour les yeux !!
Ces deux points, le premier qui est le fait que la foi n'est jamais parfaite, jamais arrivée, jamais un fait une fois pour toute sa vie; le deuxième, qui est la reconnaissance par Dieu lui-même qu'il est difficile de la reconnaître sans le voir, et où il nous donne à vivre le baptême et la cène, ne sont pas là juste pour que nous puissions dire en sortant du temple: "super, j'ai ma foi remontée; je sais qu'Il est là'".
C'est en même temps un appel. Un appel urgent à faire de sa vie ce que Dieu veut que nous en fassions !!
Des rayons de lumière pour les autres;
des porteurs d'espérance pour ceux qui se meurent de non-sens;
des sourires confiants pour ceux qui ne savent plus vivre; des espaces de paix et de joie pour ceux qui se perdent dans ce monde de ténèbres…
Ah! Mais pas tous seuls! Nous aurions tôt vite fait de rejoindre ceux qui marchent à tâtons dans le noir !! Non, non, pas tous seuls: regardez dans votre vie: ne le sentez-vous pas qui vous dit qu'il est là, pour lever les filets avec vous? Ne le sentez-vous pas qui vous assure de sa présence, même dans la difficulté? Même si la pêche semble être infructueuse? Même si notre vie semble plutôt morne et sans goût? Buvez donc ses paroles, replongez-vous dans la lecture de la Bible; écoutez dans votre cœur cette présence certaine; prenez le pain et le vin qu'il vous offre. Et alors, il vous fera pêcheurs, pêcheurs d'hommes, en vous rendant aussi lumineux qu'Il le veut!
Amen !
Pr Nathalie Paquereau.