Prédications Protestantes dans les Alpes du sud
Dimanche 12 janvier 2020
Culte à Trescléoux (05700)
Lectures du Jour :
Ésaïe 42, 1-7
Actes 10, 24-38 (Voir également sous cette référence, prédication du 7-avr-13)
Jean 3, 1-16 (Voir également sous cette référence, prédication du 18-mai-08)
Naître de nouveau…
Si c’était à refaire, qu’est-ce que tu ferais de ta vie ? Est-ce que tu ferais les choses un peu autrement ou complètement autrement ?
Si c’était à refaire, qu’est-ce que tu changerais ?
T’arrêter de fumer plus tôt ? Épouser quelqu’un d’autre ? Prendre cette décision que tu n’as pas prise ? Travailler plus à l’école ? Ou sécher les cours plus souvent ? Changer de boulot ? Être un meilleur père, une meilleure mère ?
Si c’était à refaire... ?
Nous en sommes tous là. À refaire nos vies, à refaire le monde. À imaginer, à supputer, à se rêver une autre vie, à se lamenter sur celle-ci, à parler en si... « Si j’avais su ! », « si c’était à refaire »...
Si seulement je pouvais renaître et revivre ma vie : changer le cours des choses, réparer mes erreurs, rattraper le temps perdu, sauver une situation ou profiter plus d’une personne.
Ah, mon Dieu, si nous pouvions naître de nouveau du ventre de nos mères ! Remonter les horloges à l’heure de notre naissance pour tout recommencer. Pour revivre encore... éternellement.
Comme Nicodème, nous savons bien que c’est impossible. Et pourtant, nous essayons toujours de remonter le temps et de revivre un peu. Certains prennent une femme plus jeune, d’autres achètent la voiture de leur rêve. Certains se font refaire le visages ou les seins, d’autres font du sport comme on entre en religion.
Et alors ! Y’a pas de mal à se faire du bien !
Y’a pas de mal à se sentir rajeunir, à se sentir pousser des ailes, à sourire à la vie et cultiver un grain de folie !
Parce qu’on le sait bien... cela ne durera qu’un temps et que, irrémédiablement, tout a une fin. Le biologique engendre du biologique, l’humain engendre de l’humain dont la condition est éphémère.
C’est tout le sens de Noël où Dieu naît au monde pour devenir mortel. Pour faire l’expérience de la finitude. Pas juste pour s’amuser, comme ça pour voir, mais pour être un humain parmi les humains, être un mortel parmi les mortels. C’est ça le sens de Noël.
Si Noël est devenu à ce point la fête des cadeaux à gogo, de la bouffe à donf et du bonheur de rigueur, très loin du Noël biblique, c’est pour essayer de rendre concret et accessible à tous ce qui ne se voit pas : la foi. Papiers colorés, guirlandes qui brillent, emballages mystérieux, ambiance de vin chaud et de pain d’épices, bref la « magie de Noël », tente de dire dans le langage du monde, ce que nous ne savons pas toujours vivre intérieurement.
Car Noël, bien plus qu’une date sur un calendrier, bien plus qu’une fête obligatoire, Noël est un processus spirituel qui nous invite à penser notre humanité dans ce qu’elle a de plus intime, de plus fragile et de douloureux. Je ne parle pas de l’accouchement de Marie. Je parle de ce que nous sommes : des corps où prennent chair des pensées, des paroles, des émotions, des sentiments ; des corps où prennent chair des maladies, des guérisons, des manières de faire et des manières d’être. Nous sommes des corps.
D’abord. Seulement. L’esprit, c’est-à-dire le souffle, c’est Dieu. C’est lui qui te donne de renaître véritablement. Pas en cherchant à fuir le vieillissement et les emmerdements de la vie, pas en cherchant à se mentir à soi-même, à cacher la misère, à barbouiller de couleurs nos noirceurs, pas en essayant de remonter le temps, mais en assumant à fond notre humanité et notre finitude.
Tant que « renaître » est une quête dans le monde, au rayon des crèmes rajeunissantes, des régimes à la mode, des méthodes de bien-être, et même de la religion... - il y a 1000 manières de renaître – cette quête ne peut aboutir qu’à une illusion.
Naître de nouveau, ce n’est pas rajeunir. Naître de nouveau, ce n’est pas retrouver une deuxième jeunesse.
Naître de nouveau, c’est naître à Dieu. C’est naître en Jésus-Christ.
C’est réaliser que ce type qu’on voit partout sur sa croix, ce n’est pas une idole religieuse, ce n’est pas une image pieuse, ce n’est pas un symbole religieux.
Non, cet humain sur sa croix, c’est comme si c’était moi : chaque deuil, chaque fiasco, chaque problème sans solution, chaque abandon, chaque colère, chaque désespoir, c’est une croix plantée dans ma vie. Avec moi dessus, avec lui dessus.
Naître d’en haut, naître de nouveau c’est cette grâce qui t’est faite de t’identifier à cet homme et de l’aimer pour ça.
Ça ne s’explique pas d’un point de vue logique. Ça ne se démontre pas scientifiquement. Ça se vit. Ça s’éprouve. Ça s’expérimente. Tant que je suis plein de mon savoir, comme Nicodème, tant que je suis plein de mes catéchismes en tous genres, tant que je suis plein de mes théories toute faites, tant que je suis assis sur mes certitudes, alors je n’ai rien à voir avec cet homme, je n’ai rien à voir avec Dieu.
Son Royaume, à Dieu, il n’est pas fait de belles théories, de dogmes impeccables, de rituels immuables, de morale irréprochable... son royaume, il est dans cet homme qui n’a pu eu peur de son humanité. On l’a tué. Mais son esprit, son souffle c’est désormais le tien, le mien, par le miracle de la foi.
C’est ça renaître. Renaître du ciel. C’est tout miser sur mon humanité que le Christ me donne d’aimer. C’est tout miser sur cette histoire incroyable qu’un jour, un être humain et Dieu n’ont fait qu’un. C’est tout miser sur ce que dit cette croix en face de ma propre vie. C’est interpréter cette croix, comme Paul et les auteurs des évangiles comme le lieu exact de la révélation de Dieu sur terre.
C’est ça naître d’en haut, naître de nouveau.
À mille lieux de voir Dieu dans les miracles de l’impossible – c’est-à-dire renaître physiquement – l’évangile postule qu’il est possible de naître spirituellement. Une naissance qui n’est ni naturelle, ni automatique. Une naissance qui est une grâce. La grâce de voir Dieu à l’envers de ce que le monde l’imagine : pas dans les cieux, mais dans notre humanité charnelle et temporelle.
Le dieu parfaitement humain qui se révèle à Pâques et à Noël me fait comprendre que les perfections du monde ne sont pas celles de Dieu.
Être bien comme il faut, être un bon chrétien, ce n’est pas encore être un enfant de Dieu, né de lui, de son esprit, de son souffle. Pour être créé par Dieu, pour être généré par lui, il faut abandonner les principes du monde pour prendre au sérieux ce qu’il me dit au travers des Écritures. C’est prendre au sérieux ce qu’il me dit au travers d’un homme élevé sur une croix. C’est prendre au sérieux ce qu’il me dit au travers d’un bébé qui naît dans la nuit. Car il s’agit du même Christ. Le bébé de Noël et le Christ de Pâques c’est le même message dit de façon différente.
Alors, regardez vos crèches différemment. Faites votre sapin différemment. Préparez votre réveillon et vos cadeaux différemment. Pensez Noël différemment.
Pas comme la naissance de Jésus mais comme ta naissance à toi, d’en-haut, à nouveau. Et au lieu de ruminer tes échecs, tes manques, tes fautes, tes absences, tes excès ; au lieu de refaire ta vie ; au lieu de vouloir tout recommencer, tu peux tout assumer. Dire, « oui, c’est comme ça, et puis tant pis. Car c’est parce que je suis faible, faillible, imparfait, impuissant, impotent que je peux me reconnaître dans le Christ ». Et ça, c’est une sacrée bonne nouvelle. La plus belle de toute. Le plus beau cadeau du monde.
C’est ça naître d’en-haut. Parce que c’est une grâce de voir Dieu dans la faiblesse d’un supplicié. C’est une grâce de voir Dieu dans la fragilité d’un nouveau-né.
Si c’était à refaire ? Puisque ce n’est pas le cas, je préfère encore porter ma croix et suivre mon Sauveur.
Amen !
Pr Arnaud Van Den Wiele