Prédications Protestantes dans les Alpes du sud 

Dimanche 17 mai 1925 à Montélimar

"À propos de la journée de l'Église"

Lecture du Jour :

Matthieu 16, 16-18

Le fondement de l'Église

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Une tradition encore récente veut que nous mettions à part un dimanche de la fin du mois de mai pour célébrer "la journée de l'Église", la Fête de l'Église.

Par là nous devons affirmer les liens spirituels et par conséquent étrangement forts qui unissent les divers groupements chrétiens se réclamant des mêmes principes et de la même foi. Cette journée est fixée à dimanche prochain, jour où précisément nous admettons dans l'Église de nouveaux membres. Double joie par conséquent dans notre famille chrétienne : joie de resserrer plus étroitement les liens qui nous unissent, joie d'étendre plus loin le cercle de la famille. Préparons-nous donc à cette joie, frères et sœurs.

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Petit troupeau ne crains point ! Oublie pour un instant les soucis, les dangers qui t'encerclent et t'oppressent. Laisse ton cœur se livrer à l'espérance ; permets-lui de rejoindre librement et joyeusement le foule des cœurs amis qui tressaillent et vibrent dans une commune pensée.

Il y a des raisons de langueur et d'abattement...! Sans doute ! Comme autrefois, le psalmiste, "Tu te rappelles avec grande émotion, le temps où entouré de la foule, au milieu des cris de joie et des actions de grâce d'une multitude en fête, tu avançais vers la maison de Dieu." Ce temps n'est plus... tu te retrouves, petit troupeau, diminué. Pourtant au jour que nous voulons célébrer, il s'en trouve un très grand nombre, venus du Nord et du Midi, de l'Orient et de l'Occident.

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Ce sont les frères engendrés par le même Père, Dieu ; sortis du sein, nourris du lait de la même mère, l'Église. Tous rassemblés autour du même Frère ainé, le Christ, Jésus. Réjouis-toi donc ! Tu n'es plus seul. Il y a une famille au milieu de laquelle tu évolues. Prépare-toi à une heure de fête paisible, une fête de famille, la fête de l'église.

Quand les membres d'une famille, dispersés par les nécessités de leur existence propre, se réunissent à l'occasion d'un anniversaire, ils aiment à se rappeler les souvenirs communs ; ils cimentent ainsi à nouveau l'affection qui les lie : jeux d'autrefois auxquels chacun prenait part, tristesses partagées éprouvées au même moment, vieille maison et antique paysage dont le charme demeure, vieux parents qu'on dirait morts tant ils sont étrangers aux usages nouveaux, mais qu'on croirait présents s'ils sont déjà partis tant leur souvenir est vivant au fond des cœurs...

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Pareillement parlons de notre Église qui demeure, malgré les apparences, une, inébranlable, indestructible. Parlons de notre Église, non pas en un discours pompeux qui voilerait plutôt sa vraie physionomie, mais en termes familiers, simples, comme entre frères qui se comprennent.

Mais nous avons tort de la dénommer notre Église. Nous lui enlevons ainsi son caractère authentique. Mieux vaut revenir à l'appellation d'origine ; celle que Jésus-Christ a le premier marquée en disant : "Mon Église". L'Église de Jésus-Christ, voilà son vrai nom.

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Quelle émotion dut être celle de Jésus, quelle vision de joie et de gloire dut s'offrir à ses regards quand il prononça ce mot : "Mon Église" , "sur cette pierre je bâtirai mon Église" Jamais encore il n'en avait explicitement parlé. Qu'en aurait-il dit ? Sur quoi l'aurait-il établie ? Au début de son ministère, dans un discours à la foule, sur la montagne, il avait tracé le portrait de son Église, il avait esquissé les lignes de cette Société Nouvelle, humaine et divine, avec ses règles nouvelles appliquées à la vie personnelle et à la vie collective. Mais n'était-ce pas là un rêve ? Une maison bâtie en l'air, sans fondement, sans pierres de base pour la soutenir. Qui, parmi ses auditeurs, l'avait compris ? Qui l'avait pris au mot ? Jésus dans sa vie journalière, dans ses paroles et par ses actes, avait montré la réalité d'une telle Société Sainte. Mais il était demeuré seul : "Son Église" c'était lui seul qui la construisait !

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Lui seul, c'était pourtant suffisant ; car ceux dont il s'était entouré l'avaient regardé curieusement d'abord, puis avec sympathie, avec amour enfin. Ils avaient été surpris, puis émus, puis subjugués. Jamais en aucun homme, ils n'avaient trouvé une telle flamme dans sa vie, une telle puissance d'attraction, une telle compréhension du coeur des hommes et de la pensée de Dieu... et peu à peu, en eux qui le voyaient de si près, à qui rien de Lui ne pouvait échapper, à qui Lui-même ne cachait rien de sa personne, en eux s'était formée la conviction qu'Il dépassait tous les hommes, s'était établie la certitude que Dieu était en Lui, que Dieu et Lui c'était tout un. Ils étaient tellement remplis de cette conviction, qu'un jour, à la simple interrogation de Jésus : "Qui dites-vous que je suis ? "

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Comme s'échappe violemment un jet de vapeur trop longtemps, trop fortement comprimé, la réponse jaillit, explose, détonne en quelque sorte spontanée, vibrante : "Tu es le Christ, le Fils du Dieu Vivant"

Et la surprise et la joie de Jésus ont alors égalé l'ardeur de l'affirmation ; à son tour Jésus s'exprime sans contrainte : "Tu es heureux, Simon fils de Jonas ; car ce n'est pas la chair et le sang qui t'ont révélé cela... mais Mon Père qui est dans les cieux" Et tout aussitôt, avec le merveilleux discernement dont il est doué et comme s'il attendait depuis longtemps l'occasion de pareille manifestation, il a la vision de l'édifice nouveau et indestructible dont il est venu poser la base ; dans cette déclaration et dans la personne de l'homme qui vient de là, et dans la personne de tout homme qui fait sienne la même vérité, il voit le fondement solide et sûr de la société qu'il inaugure, du Royaume dont il est Roi, de Son Église en un mot. "Moi, je te dis : tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église."

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Son Église, l'Église de Jésus-Christ. C'est donc la réunion, l'assemblée, la société de tous ceux qui le connaissent et le "déclarent Christ, Fils de Dieu". Pour qu'il y ait Église, il faut qu'il y ait cette affirmation. Là où il n'y a pas cette affirmation exprimant une conviction de l'esprit et du coeur, il n'y a pas l'Église de Jésus-Christ. la pierre sur laquelle est fondée l'Église ce n'est pas un homme, pas même l'homme qui a formulé cette proposition ; c'est la proposition elle-même, ou mieux encore la vérité contenue dans cette proposition : Christ, Fils de Dieu. Voilà la pierre de base, fondamentale... Et tout homme qui s'approprie cette vérité devient à son tour pierre vivante de l'édifice qui s'élève. Autant d'hommes qui se l'approprient, autant de pierres vivantes qui assurent la solidité et la beauté de l'édifice...

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Mais les hommes qui oublient, qui perdent le sens de cette vérité redeviennent des hommes de la société terrestre, parfois même des hommes au service de Satan - comme cela est arrivé à Pierre, le premier, qui peu d'instants après sa belle déclaration, voulant entraver la mission rédemptrice de Jésus par la souffrance et s'écriant : "À Dieu ne plaise, Seigneur, cela ne t'arrivera point." reçut l'apostrophe virulente : "Arrière de moi, Satan, tes pensées ne sont pas les pensées de Dieu mais celles des hommes."

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Parlons donc maintenant de notre Église, l'Église de Jésus-Christ et notre Église, est-ce la même chose ?

L'Église de Jésus-Christ n'est pas un système organisé pour la conduite des peuples ou des individus ; l'Église de Jésus-Christ n'est pas un code de règlements, ni un assemblage de théories et d'idées sur Dieu, l'Église Jésus-Christ est une Société Vivante constituée par des âmes vivantes qui ouvertes à l'action divine ont connu et savent que Jésus-Christ est le don de Dieu ; et qui le disent aussi. C'est l'assemblée des âmes en qui une lumière nouvelle a lui, prémisse d'un jour éternel tout rempli de Saint Labeur, de triomphe et de joie.

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Aussi pour que notre Église reproduise le type de l'Église de Jésus-Christ, a-t-elle mis à la base de sa construction une déclaration de foi dont le principe est : Jésus-Christ, Fils de Dieu Vivant, principe qui implique et explique toute l'œuvre rédemptrice : reconnaissance du péché, de la faute et de l'impuissance de l'homme ; affirmation de la grâce de Dieu manifeste dans le sacrifice de la croix, puissance de salut pour tout homme qui croit rendue évidente par la résurrection de Jésus et efficace par l'action du Saint-Esprit.. pensées que beaucoup ont quelque peine et même répugnance à admettre... pensées qui ne sont pas des pensées humaines mais qui méritent d'autant plus de crédit que ce sont les pensées de Dieu, révélation divine - et surtout qui expriment la Puissance de Vie, de Salut, de Joie dont, après tout, ils ont besoin. Oui ! Certitude et garantie sont données à ceux qui, pour ne pas perdre leur temps en efforts prodigieux et vains, acceptent de Dieu l'explication et le don qu'il veut bien leur faire. Fondés sur cette pierre dont les assises reposent dans les profondeurs mêmes de Dieu, ils sont assurés de n'être point culbutés par quelque effort que ce soit. Ils sont de cette Église ancienne et éternelle dont le chef a dit : "Les portes de la mort ne prévaudront point contre elle."

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Il y a bien d'autres maisons qui s'offrent pour abriter les âmes - quelques-unes, même, portent aussi le nom d'Église - on y accède plus aisément ; elles sont entourées de jardins verdoyants et fleuris, ornées de sculptures et de peintures pour charmer les regards ; à l'intérieur, un confortable aménagement rend l'accueil agréable, le travail facile et le repos désirable et doux. Mais sous ces charmes, il est difficile d'apercevoir le fondement. On oublie même de s'assurer de quelle sorte est le fondement... et sans doute quand la tempête soufflera la maison tremblera et ceux qui s'y abritent trembleront aussi.

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Ah ! Notre maison à nous, celle à qui nous demandons asile, manque d'ornement, d'agréments parfois ; son aspect extérieur est sévère - nous connaissons d'ailleurs si peu la vraie beauté des choses - mais nous sommes du premier coup frappés et notre attention est retenue par la beauté et la solidité du fondement. On le voit comme un bloc unique partant de la base, s'élevant pour devenir la clé de voûte de tout l'édifice. Tant il est imposant, grandiose, on ne voit que lui : Jésus-Christ. Et voici qu'on nous demande de célébrer en un jour de joie le souvenir, comme l'anniversaire de son établissement. Comment ne serions-nous pas dans la joie, en effet ?

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Église, messagère de bonne nouvelle, c'est toi qui fais paraître à nos regards celui qui nous sauve et que nous aimons. Vingt siècles ont passé depuis que le Fils de Dieu a traversé la terre, et grâce à l'Église, il est encore agissant, aimant, vivant... Des milliers de lieues nous séparent du pays de Judée où il vécut et expira ; mais grâce à l'Église, son nom, son amour sont parvenus jusqu'à nous....

Nous étions des inconnus, des ennemis peut-être les uns pour les autres, mais grâce à l'Église, nous avons appris à nous aimer comme des frères... Le beau jour, le jour qui nous rappelle tout cela...

Mais pouvons-nous en toute sincérité, nous réjouir dans ces sentiments. Est-il bien vrai que l'Église à laquelle nous appartenons sort de cette maison, soit cette maison solide, bâtie sur la pierre divine et éternelle ? Mais d'où vient qu'elle abrite des avares, des médisants, des jaloux, des paresseux, des égoïstes, des jouisseurs ? Cela ressemble-t-il à l'Église de Jésus-Christ ?

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Une déclaration de foi correcte... Oh ! Sans doute nous l'avons. Il n'y a pas lieu d'en tirer orgueil, car elle nous condamne. Ce qui importe c'est que chacune des pierres que nous sommes et qui doivent contribuer à l'édification de ce monument éternel soit exactement adaptée à la pierre de base, Jésus-Christ. Il faut que chacun de nous, pierre vivante de l'Église, ait été si bien travaillé, taillé, poli, que l'ajustement avec les autres pierres et avec le fondement soit parfaitement exact.

Appliquons-nous dès lors à nous agglomérer intimement, à nous lier à toutes les parties de l'édifice et plus particulièrement à la pierre angulaire, Jésus-Christ. Il y aura alors pour nous vraie joie, véritable fête.

Mais notre joie sera accrue de ce que de nouveaux membres, pierres toutes neuves, âmes jeunes et ardentes, vont être ajoutées à la masse. Accueillons ces jeunes avec sympathie, avec affection. Ouvrons non seulement notre temple mais notre cœur.

Guidons-les, enveloppons-les d'une chaude atmosphère de prière. Qu'ils se sentent reçus non dans une maison étrangère où ils ne seront pas à l'aise, mais dans la maison familiale, où ils trouveront tout au centre, le chef de famille, paternel et bon, et tout autour des frères et des sœurs au cœur aimant.

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Alors notre joie, notre fête de famille ne sera pas attristée par les éloignements et les départs que trop fréquemment nous avons connu. Bien au contraire le rassemblement, le resserrement s'effectuera à la promesse de Jésus : "Mon Église... Les portes de la mort, de l'enfer ne prévaudront point contre elle." Elle se développera, s'accroîtra, elle subsistera éternellement.

Belle fête de l'Église, si c'est ainsi que dimanche prochain nous pouvons la célébrer.