Prédications Protestantes dans les Alpes du sud 

DIMANCHE 30 Juin 2019

Culte à Creyers-Montbrand (05140)

Lectures du Jour :

1 Rois 19, 16-21 (Voir méditation du 03/06/2018)

Marc 12, 28-34 (Voir méditation du 01/11/2015)

Luc 9, 51-62 (Voir méditations du 14/02/2010 et du 04/03/2018)

Galates 5, 1-18

Faire vibrer votre âme !

Je ne sais pas dans quel état d’âme vous êtes aujourd’hui, mais c’est avec celle-ci, l’âme, qu’il faut aimer Dieu, comme le rappelle Jésus dans ce passage.

Il est fait référence à deux commandements que l’on trouve dans l’Ancien Testament en Dt6 et Lv19 : aimer le Dieu unique – de tout son cœur, de toute son âme, de toute ta force – [et le texte de Marc rajoute même de toute ton intelligence !] ; aimer son prochain – c’est à dire celui qui m’est proche physiquement mais pas forcément moralement.

Aimer Dieu et aimer celui qui est à côté de moi. Pas évident. Et bien souvent c’est ce que nous attendons de Dieu et des autres, de nous aimer d’abord pour les aimer ensuite.

Pour mettre cet amour en œuvre, il y a d’abord un travail de réglage à faire au niveau de notre âme, c’est à dire du principe de vie qui est tout au fond de nous, ce qui fait que je me sens vivant, vraiment vivant.

Pour vous faire comprendre cela, je suis venu avec ma contrebasse.

La contrebasse est le plus grand instrument à cordes. La contrebasse, comme tous les instruments à cordes frottées (violon, alto, violoncelle, viole, contrebasse) a une âme… On parle souvent de l’âme des cordes, qui, comme les cordes vocales que nous avons, transcrivent le mieux la palette des sentiments humains. Il n’y a qu’à écouter l’adagio pour cordes de Samuel Barber, l’adagietto de la 5ème symphonie de Gustav Malher, ou encore les quatre saisons de Vivaldi pour entendre l’âme des cordes…

Mais quand je dis que la contrebasse a une âme, je parle d’une âme comme la nôtre, en fait ! Une âme, un souffle, un néphèsh qui la rend vivante. On dit que l’âme s’en va quand on meurt … moi je crois plutôt – à la suite de Saint Paul et de toute la pensée juive – que l’âme et le corps sont solidaires, et que l’un ne va pas sans l’autre. Il n’y a pas un lieu pour les âmes et un autre pour les corps. Nous sommes corps et âme humains. D’ailleurs nous ne confessons pas la résurrection des âmes, mais celle de la chair, c’est-à-dire de toute l’humanité de nos vies.

Cette contrebasse, donc, a une âme. Je peux vous la montrer, mais ce ne serait pas très pratique. Alors je vais vous montrer à quoi ressemble l’âme d’une contrebasse : c’est un cylindre de bois, un peu plus gros que celui-là.

L’âme d’un violon est beaucoup plus petite bien sûr. Le luthier, une fois qu’il a fabriqué l’instrument, juste avant de poser les cordes et de les mettre en tension, pose l’âme dans l’instrument, comme Dieu met le souffle dans les narines d’Adam pour lui donner la vie, pour en faire un être vivant, un « néphèsh », littéralement : une âme. L’âme ne va pas sans le corps. Comme ce petit morceau de bois ne va pas sans le corps de ce gros instrument.

En effet, cette petite âme sans ce grand corps, n’est rien. Mais une fois placé à l’intérieur, c’est lui, le petit morceau de bois – qu’on appelle « âme » - qui donne ce son…

Sans âme, l’instrument sonne creux, comme étouffé. Quand l’archet vient faire vibrer les cordes, les vibrations passent par le chevalet, puis c’est l’âme qui les transmet à la table d’harmonie, au fond, aux éclisses, pour donner un son.

L’âme n’est pas collée. Elle tient en équilibre entre la table d’harmonie et le fond. C’est la pression des cordes sur le chevalet qui la maintiennent en place. Si l’on ne prend pas garde en changeant les cordes, l’âme peut tomber. Seul le luthier peut la repositionner.

La position de l’âme, pour qu’un instrument développe tout son potentiel, est une question de millimètres. C’est donc l’âme qui permet d’équilibrer un instrument. Un millimètre trop ici ou là et le même instrument ne produira plus le même son.

C’est l’âme, ce petit morceau de bois, qui permet d’obtenir le timbre, la projection, la couleur, la clarté voulus…

Enfin, c’est l’âme qui entre en résonance avec les autres instruments. Si quelqu’un joue à côté de moi, à certaines fréquences, l’âme de ma contrebasse fera vibrer le corps, sans que je ne fasse rien.

On dit alors que les instruments entrent en sympathie.

Vous voyez que cette contrebasse a une âme. Elle est plus visible que la nôtre, pourtant, la nôtre ne doit pas être si invisible pour qu’elle soit le sujet du commandement le plus important !

Aimer de tout son cœur, de toute son âme, de toute sa force, de toute son intelligence, n’est-ce pas finalement parler d’une seule et même chose ?

Le cœur de notre humanité n’est-il pas comme ce petit morceau de bois placé au cœur de cette contrebasse ?

L’âme n’est-elle pas ce qui me fait être moi, unique comme Dieu, humain comme Dieu ?

Aimer, c’est laisser son âme résonner en soi pour développer tous nos potentiels cachés, tout ce qui donne à nos vies ce supplément d’âme sans quoi la vie est une mort à petit feu. C’est une question de réglage. Et trop souvent, nous croyons que notre âme est à sa place et que les problèmes viennent d’ailleurs.

Combien de fois, n’ai-je pas eu l’envie de changer mes cordes, de changer le crin de l’archet, la colophane que je mets dessus, ma technique aussi… alors que c’était l’âme qui était mal placée.

Combien de fois dans nos vies, sommes-nous malheureux parce que l’âme, le souffle intérieur, le principe de vie n’est pas à bien à sa place.

Alors, revenir à l’Évangile, c’est un peu comme revenir chez le luthier. Si on prend l’Évangile au sérieux, ça peut remettre l’âme et tout le reste à sa place. J’en suis la preuve vivante, comme l’est aussi cette contrebasse.

Dans ma vie, comme dans chacune des vôtres, nos âmes bougent, à cause de chocs, de changements ou tout simplement par l’usure de l’ordinaire…

Il faut parfois aller chez le luthier pour remettre tout ça en place : prendre le temps de s’écouter et d’écouter le Christ qui est en nous. Il suffit souvent de pas grand-chose, un millimètre par ci, un millimètre par là pour que tout soit changé. Pour qu’enfin nous puissions faire entendre le son pour lequel nous sommes faits : être bien dans sa vie, dans sa peau, pour aimer les autres.

Alors, quand Dieu viendra bouger votre âme, laissez-le faire. Ça ne fait pas mal. Ça vous fera même du bien.

Ça vous permettra de faire vibrer votre corde sensible comme jamais.

Et même s’il y a des fausses notes, même si la justesse n’est pas toujours au rendez-vous, même si parfois on n’a pas envie, on n’a pas la foi, l’essentiel n’est pas là.

L’essentiel, c’est d’avoir son âme à la bonne place pour entrer en sympathie avec mon prochain, pour entrer en sympathie avec Dieu…

Finalement, c’est ça, aimer de toute son âme: vibrer à la parole d’un autre.

Amen !

Pr Arnaud Van Den Wiele