Prédications Protestantes dans les Alpes du sud 

Dimanche 8 juillet 2018

Orpierre (05700)

Lectures du jour :

Ézéchiel 2, 1-6,

2 Corinthiens 12, 7-10 (voir également sous cette référence, méditation du 5 juillet 2015),

Marc 6, 1-6 

Nul n’est prophète en son pays

Jésus est en voyage sur les routes de Galilée. C'est le début de son ministère, et le passage que nous venons de lire nous laisse entendre que Jésus ne s'attarde jamais au même endroit.

Le récit commence quand Jésus arrive à Nazareth, sa ville et il se termine, 6 versets plus loin, en montrant Jésus parcourant les villages des environs en enseignant. Le séjour à Nazareth n'a pas dû être très long mais les paroles échangées et les brefs événements qui s'y déroulent ont paru suffisamment importants à Marc pour qu'il nous les rapporte.

Ainsi Jésus est de passage chez lui, dans son village natal, pour peu de temps. Et voilà qu'arrive le jour du sabbat. Tous se rendent à la synagogue le vendredi soir, pour l’ouverture du sabbat. Jésus y va donc aussi, sans doute avec sa famille. Il est juif, il suit la coutume.

L’office à la synagogue a été repris par l'Église, dans son déroulement il comporte une lecture, une lecture de la Bible, et ensuite quelqu'un commente le texte du jour. Le plus souvent, c'est le rabbin du lieu qui fait ce commentaire, mais pas forcément car il est aussi d'usage de donner la parole à l'hôte de passage, à celui qui est alors l'invité.

Puisque Jésus est un enfant du pays, puisqu'il se trouve là et que sa réputation l'a précédé, on l'invite à prendre la parole, on veut en profiter pour l'écouter. Il est alors intéressant d'observer les réactions des gens du pays, des gens qui le connaissent, certains depuis sa plus tendre enfance.

Dans un premier temps, ils semblent plutôt admiratifs. C'est comme cela que l'on peut comprendre l'étonnement qu'évoque l'évangéliste. Admiratifs de sa sagesse, admiratifs aussi de ses connaissances, de la manière dont il interprète les textes. On se demande comment il connaît les commentaires traditionnels ; car on ne sait pas qu'il a fait des études et suivi une formation rabbinique. Et puis les gens ne l'entendent pas seulement prêcher, ils savent qu’il a opéré des miracles, guéri des malades. Ils voient bien les choses, ils ne nient pas la réalité, ils admettent et reconnaissent tout cela. Bien contraints d'accepter la vérité, ils se demandent quelle force peut agir en lui.

Dans un deuxième temps, semble commencer l’incrédulité, peut-être en fait la jalousie. Les gens de Nazareth sont étonnés des paroles et des gestes de Jésus. Ils le connaissent trop bien. Ils savent qui il est, ils ont joué pendant toute leur enfance avec lui. C'est un des leurs, sans doute connaissent-ils ses qualités mais aussi ses défauts, ses petits travers. Il est le fils d'un artisan du village. C'est là que les choses se gâtent. Jésus est trop connu pour être prophétique chez lui. Je dis "être prophétique" parce que Jésus, lui, jamais ne s'attribue dans les évangiles le qualificatif de prophète. Mais il fait appel à l'expérience des porte-parole de Dieu dans l’ancien testament, faisant sous doute implicitement référence aux grands prophètes quand il conclut : « Un prophète n’est méprisé que dans sa patrie, parmi ses parents et dans sa maison »

Une parole prophétique, c'est-à-dire transmise de Dieu par un homme à d'autres hommes, qu'est-ce que cela veut dire, même et surtout aujourd'hui ?

Sûrement, en existe-t-il encore, et l'on peut dire tout aussi sûrement qu'il est difficile, pour les hommes et les femmes d'aujourd'hui, d’entendre cette parole.

Difficile d'abord de discerner, déceler, découvrir dans les paroles humaines cette parole qui vient de Dieu, cet action de Dieu parmi nous. Il est pourtant bien certain que Dieu ne se contente pas d'agir dans nos temples, mais que sa parole est à déceler partout dans le monde.

Et puis il est difficile aussi d’écouter cette parole prophétique, de ne pas nous détourner, de ne pas lui résister ; nous devons nous ouvrir, laisser là nos habitudes, nos routines, afin de laisser une place à cette parole, celle qui vient nous interpeller, nous secouer de la part de Dieu.

Notre attitude, aujourd'hui encore, rejoint celle des gens de Nazareth, qui sont aveuglés, aveuglés non seulement par leur manque de foi, mais aveuglés aussi et surtout par la connaissance intime qu'ils estiment avoir de Jésus. Ils sont incapables de percevoir, dans les paroles et les gestes de Jésus, la parole toujours nouvelle de Dieu. Cette parole pourtant ils la recherchent, sabbat après sabbat, en venant à la synagogue, en écoutant la lecture de la Bible, en écoutant la prédication. Ils assistent au culte mais ils ne l'intègrent pas. Ou plutôt ils ne se laissent pas toucher par la parole de Dieu. Ils sont près de l'objectif, de leur recherche, de leur quête, ils ne perçoivent pas que le but est à portée de main, à portée de foi.

Et nous, ne nous faut-il pas changer notre manière de voir, notre manière d'écouter la parole. Ne nous faut-il pas abandonner nos vieux modes de pensée, tenter de faire abstraction de nos "connaissances". Ne nous faut-il pas cesser de mettre toujours les mêmes étiquettes sur les personnes et les mots, et essayer de découvrir autre chose, quelque chose de subtil, quelque chose de nouveau, quelque chose que l'on n'a pas encore perçu dans la personne qui est Jésus et dans la parole qu'il prononce.

C'est bien difficile pour les gens de Nazareth, et c'est bien difficile aussi pour nous, tant nous avons des idées préconçues sur ce Jésus de Nazareth, tant notre écoute de sa parole se fait...machinalement. Nous avons tellement de mal à déceler Dieu dans la parole qui nous est envoyée, dans ce Jésus que nous sommes invités à côtoyer ! Et nous avons aussi tant de difficultés à admettre que cette parole de Dieu puisse être portée par des personnes qui nous semblent si peu susceptibles de le faire !

Dieu ne peut agir qu'au travers des hommes. Le ministère de Jésus puis des apôtres, nous le montre. Et avant eux, celui de tous les prophètes de l'Ancien testament. Jésus est l'incarnation de la parole, vrai homme, nous dit le prologue de l'Évangile de Jean. Dieu a besoin d'un support, il a besoin, pour se faire entendre, d'agir à travers des femmes et des hommes. C'est en tout cas le mode qui a été choisi pour l'annonce de l'Évangile.

À nous d'être vigilants afin de percevoir et croire ces paroles qui viennent vers nous, parfois par l'intermédiaire de personnes que nous ne soupçonnons pas, afin de voir les gestes prophétiques qui nous sont adressés aujourd'hui. Il ne faut pas rester sourd et aveugle, rester enfermé dans nos préjugés car alors nous nous privons de l'essentiel. C'est ce qui arrive aux gens de Nazareth, nous relate l'évangéliste Marc. Et non seulement nous nous en privons pour nous-mêmes, mais nous empêchons aussi Dieu d'agir dans ce monde, dans notre monde. C'est ainsi que Jésus n'a pu, dans son passage à Nazareth, guérir que quelques malades. Et on peut soupçonner que ces malades-là n'étaient même pas à la synagogue, ils étaient dans la rue, rejetés, considérés comme peu de choses. Sans doute ces personnes-là étaient-elles mieux disposées à recevoir la présence et la puissance aimante de Dieu qui agit et guérit.

Ainsi seule la foi en Jésus Christ peut nous aider à nous ouvrir à la parole de Dieu. Et l'évangile de Marc nous laisse entendre la déception de Jésus de ne pas être reconnu comme porte-parole de Dieu, comme prophète. Bien des prophètes, presque tous les prophètes, ont connu la difficulté de cette tâche dans l'Ancien testament. Le prophète Ézéchiel en est un bon exemple, lui qui va à reculons vers son ministère. Dieu l'envoie vers ses contemporains mais il ne lui cache pas qu'il aura une tâche difficile. Il est prévenu. Il va rencontrer des gens obstinés, révoltés, des gens au cœur endurci, incapables de s'ouvrir et de comprendre une parole différente de celle qu'ils ont l'habitude d'entendre.

Alors aujourd'hui, même si la parole de l'Évangile nous semble parfois obscure, impossible ou difficile à recevoir, il nous faut malgré tout avancer, nous ouvrir, rester à l'écoute afin de rester disponible, ouvert à toute chance de guérison de la part du Seigneur !

Amen !

Jean Jacques Veillet