Prédications Protestantes dans les Alpes du sud 

Dimanche 22 juillet 2012

Culte à GAP (05)

Textes bibliques:

JEREMIE 23/1- 6

MARC 6/30-34

EPHESIENS 2/13-19

Faire tomber tous les murs

Jésus voulait faire prendre un peu de recul à ses disciples, devenus des apôtres. Or les voilà rattrapés par une masse de gens dont l'insistance montre qu'ils attendent une solution immédiate à leur problème : survivre dans le monde tel qu'il est et où ils sont. Il est inutile de dire : on n'est pas là pour faire de la politique ; le monde est social, économique et politique, autant que religieux d'ailleurs. Bref, ce dont on voudrait se distancer nous court après, comme ces foules qui trouvent le moyen de mettre Jésus et ses compagnons au pied du mur.

Le choc est très bien traduit par MARC quand il dit que Jésus est « pris aux tripes » par la vue de ces gens qui errent en traînant leur famille (lire un peu plus loin : « la multiplication des pains »), acculés qu'ils sont par la misère (due au chômage : voir la parabole des « ouvriers de la onzième heure »). Le système politique, et économique, ambiant apporte opulence aux uns en même temps qu'insécurité aux autres. C'est à la recherche d'un travail précaire (toujours les « ouvriers de la onzième heure ») qu'ils deviennent des masses errantes, craintives autant que craintes. Les voilà prêts à se livrer à n'importe qui : qui les tirera de là ? quel « berger » ? Nous comprenons cette image d'autrefois : elle montre la responsabilité du berger et la confiance du troupeau. Mais aussi nous pouvons compter à travers l'Histoire nombre de « bergers » aux pouvoirs confiés démesurés et aux maladresses ruineuses. Les paroles de JÉRÉMIE résonnent très actuelles quand il parle des «mauvais bergers qui ont laissé à l'abandon leur troupeau affamé» ; et il précise : « affamé de droit et de justice ». Car ces gens savent qu'à l'origine de leur faim il y a un déni de leur droit et de la justice entre eux. Il serait incroyable, 25 siècles plus tard, de ne pas entendre que, si les gens ont faim de pain dans l'immédiat, pour demain ils ont faim de sécurité : c'est à dire dans « la justice et le droit » . Dans le concret quotidien cela s'appelle « la paix ». Bible en main nous voici mis au pied du mur.

N'êtes-vous pas frappés que ce soit là le mot qui vient à PAUL écrivant aux Éphésiens : dans notre monde il y a bel et bien « un mur de séparation : la haine ». Nous ne pouvons qu'être confondus par la perspicacité de l'image, tant reviennent à nos yeux tous les murs que les hommes n'ont cessé d'élever : du « limes » romain à la muraille de Chine, toutes les fortifications de bois, de pierre, de métal, jusqu'aux barbelés des camps de concentration, et encore le mur de Berlin scindant la ville, le mur frontalier escaladé par des Mexicains pour entrer aux USA, le mur zigzagant de Cisjordanie et ses humiliants check points... Avec un dénominateur commun que PAUL avait su repérer : la haine. Or chose étonnante, c'est au passé qu'il en parle : « Souvenez-vous d'autrefois...Souvenez-vous qu'en ce temps-là vous étiez sans messie, sans espérance...et sans Dieu. Comme vous étiez loin 1... Mais maintenant, à cause de Jésus, vous avez été rendus proches. Jésus a détruit le mur de séparation : la haine. C'est en établissant la paix qu'il a tué la haine, la paix pour vous qui étiez loin, la paix pour ceux qui étaient proches ». PAUL n'aborde pas là une généralité insaisissable, mais reste à la hauteur de ce qu'il connaît : la tension entre les Juifs et les païens devenus chrétiens, tous profondément ancrés dans leur foi. PAUL ne prétend pas régler un problème religieux avec des arguments théologiques forcément discutables de part et d'autre. PAUL parle d'une expérience déjà vécue : la mort consentie de Jésus. Il l'interprète comme un « sacrifice », c'est-à-dire une affirmation évidente qui parle à tous, car au-delà des mots : Jésus rend inutiles les différences, en mourant non pas comme juif (ce que voulaient les Romains), ni comme apostat (ce que voulaient les Juifs), mais comme homme : pour qu'il n'y ait plus ni juifs ni païens, amis « un seul homme nouveau ».

Cela pourrait paraître utopique, surtout 2000 ans plus tard, alors que les murs de toutes sortes continuent de monter. S'il n'y avait un signe persistant et que nous connaissons parce que concret s'il en est : la paix. La paix improbable et qui arrive pourtant ; après les guerres de religions, la Révocation de l'Edit de Nantes et les dragonnades : l’œcuménisme ! Mais aussi, après des millions de morts entre 1939 et 1945 : Et cela je l'ai vécu. J'ai donc vécu l'expérience de « la famille de Dieu » et j'ai pu mesurer si longtemps après l'anticipation de Jésus quand il conviait une poignée d'illettrés en disant avec lui « notre père » à devenir avec lui « la famille de Dieu ».

Certes la faiblesse de l'O.N.U. comme la précarité de l'Edit de Nantes a été de vouloir faire d'abord la paix. La force de Jésus c'est de vivre d'abord la fraternité. Cela sa mort même n'a pu l'empêcher, puisque dans sa résurrection il est mon frère si longtemps après. Chaque fois que nous vivons la paix avec des hommes et des femmes au point qu'ils peuvent devenir nos frères et nos sœurs, à chaque fois nous exprimons la résurrection du Christ Jésus aujourd'hui.

Amen !

Pr. Pierre FICHET