Prédications Protestantes dans les Alpes du sud
DIMANCHE 15 juillet 2012
Culte à Creyers (05140)

Lectures du Jour :
Marc 6 7-13
Amos 7, 12-15
Éphésiens 1, 3-14
La Mission des Douze
Très régulièrement dans nos Églises, quand l’assistance au culte se raréfie, quand la moyenne d’âge augmente, la question de l'évangélisation et de la mission est dans toutes les pensées. Alors on se dit qu’il faudrait peut-être organiser des campagnes de communication et de propagande, des campagnes d’ « évangélisation ».
L'Évangile de ce jour nous montre que la mission est au cœur même de l'Église et on pourrait dire que pour Marc l'évangéliste, ce passage que nous venons de lire marque le point de départ de l'Église. L'Église naît au moment où Jésus envoie les Douze pour aller évangéliser, sinon le monde, du moins évangéliser les contrées proches de Nazareth.
Lorsque l'on est confronté à ces questions d'évangélisation et de mission dans l'Église, on a tendance à penser que finalement la mission c'est le travail de quelques-uns, de quelques spécialistes. Jésus ne choisit-il pas ses douze disciples pour en faire ses apôtres ? Ne choisit-il pas des gens spéciaux, particulièrement formés, aptes et convaincus ?
Et en effet, tout au long de l’histoire du christianisme, la lecture de ce passage a donné des impulsions révolutionnaires et entrainé la création de mouvements de pauvreté volontaire dont les plus connus par nous sont les pauvres de Lyon de pierre Valdo et la fraternité de saint François d’Assise. Sans ces impulsions, sans ces recherches répétées de retour à l’Idéal de pauvreté évangélique, le christianisme ne serait plus crédible depuis longtemps et s’épuiserait dans un conformisme prudent.
Mais quand Marc nous rapporte que Jésus choisit les Douze, il faut bien comprendre qu'il ne s'agit pas là de choisir tel ou tel type de personnes, des hommes, des fidèles , ou des juifs....-, mais qu'il vise avant tout le chiffre de douze. Les Douze, bien évidemment, cela nous rappelle les douze tribus d'Israël. Et d'une certaine manière lorsque Jésus choisit les douze apôtres pour les envoyer dans le monde, c'est tout l'ensemble de la communauté des croyants qu'il envoie dans le monde. Les Douze ne sont que les représentants de tous et de toutes.
Les Douze donc, c'est le symbole de l'ensemble de l'Église. Et par conséquent ce qui est demandé à ces Douze ne les concerne pas eux seuls, c'est l'affaire de toute l'Église, cela concerne tous les membres de l'Église. Ainsi la mission au sein de l'Église est-elle la mission de tous et toutes, et non pas la seule mission des disciples, missionnaires, prêtres, ou pasteurs. Et cela nous interpelle aujourd’hui, lorsque nous découvrons ce récit d’envoi en mission et que nous nous demandons ce que Dieu attend de nous. Pour être un bon chrétien, faut-il obligatoirement entrer dans le même dépouillement, accepter la même insécurité de l’existence, et partir droit devant soi pour annoncer la Bonne Nouvelle ?
Dans son récit court et concis, Marc nous montre en quoi consiste cette mission. Et ce texte nous donne une sorte de cahier des charges, une feuille de route. Les Douze et à travers eux l'Église, sont donc envoyés. Ils sont envoyés pour proclamer l'Évangile, pour appeler à la conversion, au retournement des cœurs, afin que chacun puisse recevoir cet Évangile révélé et annoncé en premier par le Christ, cet Évangile de libération.
Cette mission n'est pas quelque chose qui doit contraindre les gens. Lorsque l'on entre dans une maison, on y reste si l'on est bien accueilli. Et si l'on n'est pas accueilli, si la parole qui est prononcée n'est pas reçue, alors on va voir plus loin, sans contrainte, sans forcer les gens. Et pour bien marquer que l'on ne doit rien et que rien n'est dû, on nettoie la poussière des sandales. L'image peut paraître violente, mais elle parle bien de cette coupure nécessaire : si vous n'entendez pas la parole de l'Évangile, alors vous n'avez plus rien à faire avec nous, et nous, nous ne vous devons plus rien.
Les disciples sont envoyés sans avoir de richesse personnelle, sans même le minimum vital. Ils sont envoyés vers les gens avec comme seule richesse l'Évangile libérateur. De telle sorte qu'ils puissent vraiment être accueillis pour leur mission. Etre accueilli en effet, c'est se trouver sous la grâce des personnes qui vous reçoivent, sous leur générosité. Les disciples ne doivent pas faire étalage d'une quelconque richesse. C'est leur pauvreté qui les rend disponibles, disposés à être reçus. Ils ne sont pas là pour annoncer un Évangile qui se vendrait, ou qui s'imposerait en en mettant plein la vue ou les oreilles, ni un Évangile qui prônerait les richesses. Mais un Évangile de la grâce de Dieu.
Notre monde fonctionne sur la base des rapports de force, de l’intimidation et de la violence, de la pression de l’argent, du prestige et de la prise d’influence. L’audace de la simplicité de ce récit d’Evangile est de poser un contre-modèle, comme on jette un pavé dans la mare et de refuser d’accepter le modèle du monde tel que l’humain le conçoit d’ordinaire. La pauvreté des envoyés en mission n'est pas une pauvreté feinte ou superficielle. C'est simplement la pauvreté de la disponibilité, celle qui permet d'être à l'écoute, tout en témoignant de la grâce de Dieu. Se faire pauvre, c'est accepter de recevoir ce que Dieu veut bien nous donner à travers celles et ceux que nous rencontrons.
Enfin, le texte précise que les disciples sont envoyés deux par deux. L'annonce de l'Évangile, ça n'est donc pas une question d'exploit individuel ; c'est une entreprise commune. C'est l'entreprise de toute l'Église, de toute la communauté. En y allant deux par deux, en se soutenant l'un l'autre, on témoigne que la parole que l'on prononce n’est pas une parole personnelle, c’est une parole qui vient d'ailleurs, une parole qui n'est pas la nôtre. La Bonne Nouvelle que l'on annonce, c'est l'Évangile de la grâce de Dieu, ce n'est pas de l'ordre de la puissance individuelle.
Il en est de même de la puissance et de l’autorité sur les démons que Jésus donne à ses disciples. Ce n’est pas une puissance qui leur est propre mais une puissance qui accompagne la parole de Dieu. C'est l'Évangile lui-même qui est puissance de libération. C'est l'Évangile lui-même qui donne autorité sur les démons qui sont décrits bien souvent chez Marc comme étant des esprits de contestation, des esprits qui s'opposent justement à la parole de Dieu. Ainsi les disciples sont envoyés avec comme seule puissance, la puissance de la parole de Dieu, la puissance de l'Évangile, l'Évangile qui annonce la grâce.
Les Douze ne sont pas allés très loin de Jésus, ils ne sont pas partis bien longtemps, ils n’ont pas fondé de nouvelles communautés. Ils ont œuvré, comme Jésus l’a fait lui-même, par des guérisons, par la mise en échec des démons, par l’annonce de l’approche du Règne de Dieu. Ils ont simplement apporté la Bonne Nouvelle au plus près des gens, y compris aux personnes en marge, aux exclus, aux méprisés, aux malheureux. Ils ont réalisé, pour ainsi dire, une extension de l’action de Jésus, dans le temps et dans l’espace.
Nous avons vu au début que ces douze apôtres reflétaient l'ensemble de l'Église. C'est bien nous, nous tous, qui sommes envoyés pour annoncer la parole de Dieu, annoncer cet Évangile de libération. Nous ne devons pas nous croire inaptes, moins aptes les uns que les autres.
Nous tous qui avons reçu cet Évangile et qui avons été libérés par lui, nous sommes envoyés par le Christ dans le monde pour témoigner de cet Évangile par des paroles, par des actes, qui fassent vraiment du bien à ceux qui les reçoivent, et en particulier à ceux qui souffrent. La Bonne Nouvelle du Règne de Dieu n'est pas une parole vide, une idée neutre. Elle doit changer quelque chose en ce monde. Ce qui importe, ce n'est pas le côté miraculeux d'une action, mais son côté efficace. Ce qui importe, c'est que des personnes puissent à nouveau se mettre debout, se réapproprier leur vie, leur histoire.
Quant aux démons … nous voyons dans l'évangile de Marc que ce sont des forces qui détournent les personnes de l'accès à Dieu, et s’emparent de leur vie, au niveau social, mental, spirituel. Même dans une vue rationnelle du monde, ne reste-t-il pas suffisamment de démons à combattre ? Tous les systèmes, toutes les idéologies qui veulent nous convaincre du bien fondé du fatalisme, de la violence, de la guerre, sont, entre autres, nos démons des temps modernes.
Nous avons à porter ce message ensemble, à tout un chacun, simplement, en accueillant et en acceptant d’être accueillis comme les apôtres. Mais nous ne sommes pas maîtres de la décision. Nous ne connaîtrons la réponse de Dieu qu'au tout dernier jour, quand le Règne de Dieu sera accompli. D'ici là, laissons-nous appeler sans crainte par la confiance, la simplicité et l'engagement humain des disciples de Jésus
Et n’oublions pas l’appel de Dieu à Gédéon : « Vas, avec cette force que tu as »
Amen !
Jean Jacques Veillet